Les incidents de l’enduro d’Aubusson ont donné l’occasion à l’ancien député de la Creuse (macroniste battu par LFI) et au maire d’Aubusson (PS) de ressortir l’« argument » des paresseux du plateau venus d’ailleurs, qui ne font rien, vivent du RSA et donnent des leçons aux natifs. Est-il possible de vérifier cet « argument » ? Faut-il répondre par les taux d’allocataires du RSA dans les communes de Moreau et Moine ?
Prudence sur les chiffres
Avant tout il faut avoir à l’esprit que la CAF elle-même attire l’attention sur l’imprécision et l’incomplétude des données qu’elle met en ligne sur les allocataires du RSA au niveau des communes, particulièrement sur les moins peuplées (nombreuses en Creuse). De plus, plus les communes sont petites plus les données peuvent varier d’une année à l’autre. Nous disposons des données pour 2020. Au niveau national les allocataires du RSA représentent 2,9 % de la population et en Creuse 4,1 %.
Sur le territoire du parc, nous avons des résultats sur un tiers des communes représentant les deux tiers de la population. Les allocataires du RSA représentent 1,9 % de la population.
Sur la communauté de communes Creuse Grand Sud, nous avons des résultats sur la moitié des communes représentant les trois quarts de la population. Les allocataires du RSA représentent 3,2 % de la population.
Population éligible au RSA : prudence encore !
Pour être plus juste, il convient de faire plutôt la comparaison avec la seule population éligible au RSA plutôt qu’avec la population totale. Avant 25 ans on n’y a pas droit, après 65 ans le minimum vieillesse, plus élevé, prend le relais. Au niveau national, le taux d’allocataires du RSA sur la population éligible est alors de 6 % et en Creuse de 9 %.
Reconstituer les données de l’INSEE est un long travail que nous n’avons fait que sur Creuse Grand Sud. Le pourcentage d’allocataires du RSA passe alors à 6,6 % de la population éligible. La commune qui a la plus forte proportion d’allocataires du RSA en 2020 est Saint-Marc-à-Loubaud avec 9,9 %. Suivent Aubusson avec 8,8 %, Faux-la-Montagne avec 7,5 % et Felletin avec 6,5 %. Quant à Gentioux-Pigerolles, fortement mise en cause à l’occasion de l’enduro, elle est à 4,9 %.
Ajoutons qu’à ce micro-niveau, il faudrait maîtriser nombre d’éléments complémentaires. Par exemple, le taux très bas de Gentioux-Pigerolle s’explique en grande partie par l’existence du foyer pour handicapés qui accueille jusqu’à 56 personnes à partir de 20 ans. Prises en charge par d’autres dispositifs, ces personnes ne sont pas éligibles au RSA. Corrigé de cette donnée, le pourcentage d’allocataires sur la population éligible au RSA monterait à 6 %. Inversement, dans la commune de Saint-Marc-à-Loubaud, des logements à loyers « très sociaux », qui ont amené des personnes en grande difficulté, expliquent la moitié du taux très élevé d’allocataires du RSA. Il existe probablement ailleurs dans les petites communes des situations particulières qui peuvent expliquer des « anomalies » très nombreuses.
Conclusion prudente
L’« argumentation » selon laquelle les communes « alternatives » du plateau seraient envahies et dirigées par des gens qui ne font rien et vivent du RSA n’a donc aucun fondement statistique. Sauf à considérer que les « pauvres » d’Aubusson ou d’Aulon (ferme de Moreau) sont plus honorables que ceux du plateau. Depuis le Moyen-Âge les classes dominantes considèrent, sans aucun fondement sérieux, qu’il y a des « vrais pauvres » et des « faux pauvres », des « bons » et des « mauvais », des « méritants » et des « profiteurs », des « venus d’ailleurs » et des « autochtones », et qu’il faut sévir. Il en va de même avec les chômeurs. À noter aussi l’absurdité quand on regarde les chiffres bruts : les 11 allocataires du RSA auraient pris le pouvoir à Gentioux ou les 17 à Faux !
Christian Vaillant