Le renard, pourtant déclaré nuisible par la loi, est considéré par d’autres comme un partenaire de la transition écolologique. Quelle drôle d’idée, se diront les chasseurs, penser que notre bête noire est un acteur incontournable de l’agriculture durable au même titre que l’abeille et le ver de terre. Mais voilà, notre renard roux a beau appartenir à une communauté d’auxiliaires sur laquelle l’agriculteur peut s’appuyer pour produire une alimentation plus saine et écologique, les parlementaires en ont décidé autrement, confiant aux chasseurs le soin de s’en débarrasser. Une loi les encourage même à rendre ce service public sans consulter le propriétaire des lieux : “Le renard peut toute l’année être : piégé en tout lieu…” ( Arrêté du 3 juillet 2019 pris pour l’application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement ).
Le Renard roux est un canidé possédant un corps fin et allongé mesurant 63 à 66 cm de long et terminé par une queue touffue de 37 à 40 cm. Son ventre et l’intérieur de ses oreilles sont blancs. Ces dernières sont noires à l’arrière. L’extrémité de ses pattes est aussi noire même si le reste de son pelage varie du jaune pâle au brun roux, rarement sombre. Il possède un pinceau blanc au bout de la queue et il peut avoir des taches noires de chaque côté du museau même si ce n’est pas systématique.
Biologie
Le Renard roux est présent dans tous les milieux terrestres y compris très urbanisés même s’il semble préférer les milieux naturels ouverts et semi-ouverts. En France, on le trouve jusqu’à 2 000 – 2 500 m d’altitude dans les Alpes. C’est une espèce majoritairement crépusculaire et nocturne à cause des activités humaines (et des persécutions) qui peuvent fortement l’impacter. Il occupe des sites de repos sécurisés et d’autres pour la reproduction qui sont principalement des gîtes enterrés, qu’il creuse lui-même ou qui sont déjà creusés, comme les terriers du Blaireau européen, avec qui il a une relation généralement pacifique. Lorsque ces derniers sont en période de léthargie en hiver, les renards peuvent même occuper leur terrier en leur présence.
Le renard roux est-il un nuisible ?
Nuisible se dit d’une espèce animale dont la présence cause des dommages, en particulier à l’agriculture (définition Larousse). Chassé plus de dix mois sur douze (du 1er juin au 31 mars), piégé toute l’année, le renard roux peut aussi être déterré avec l’aide d’outils de terrassement et de chiens.
D’après l’OFB, environ 45 % de la population totale de Renard roux en France serait tuée chaque année ce qui représente environ 500 000 à 600 000 animaux. L’espèce est classée comme « susceptible d’occasionner des dégâts » ce qui autorise sa destruction dans de nombreux départements en dehors de la période de chasse. C’est le cas en Limousin où, toute l’année, il peut être piégé en tout lieu ainsi que déterré avec ou sans chien. Pourtant, l’espèce est un auxiliaire important dans la lutte contre certains ravageurs de cultures qu’elle chasse chaque année en très grand nombre.
Qui décide du statut de nuisible pour le renard roux ?
Légalement, quatre raisons peuvent être invoquées pour inscrire le renard sur la liste départementale des espèces dites « nuisibles » :
- La protection de la flore et de la faune
- L’intérêt de la santé et de la sécurité publiques
- La prévention des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles
- La prévention des dommages importants à d’autres formes de propriété
Les Commissions Départementales de Chasse et de Faune Sauvage (CDCFS) qui proposent ce classement de « renard roux nuisible » sont composées majoritairement d’acteurs du monde cynégétique (qui a rapport à la chasse). Les avis formulés reposent majoritairement sur des questions d’intérêts et ne sont que trop rarement motivés par des arguments scientifiques. Quand c’est le cas, le renard roux est d’ailleurs déclassé de ce statut.
Il faut protéger la faune et la flore de… la faune !
Il est important de prendre en considération que le renard roux est une espèce présente naturellement sur notre territoire et qu’elle ne relève en rien d’une espèce invasive. Il est donc très difficile de comprendre la justification d’un tel statut de nuisible pour une espèce qui ne fait que jouer son rôle. Suivant cette logique, les CDCFS pourraient tout aussi bien décider de limiter les populations de chevreuils parce qu’ils mangent, mais ce ne serait pas sérieux.
Le renard roux a cependant un impact sur des espèces en grandes difficultés telles que le grand hamster d’Alsace (Cricetus cricetus), le râle des genêts (Crex crex) ou encore le busard cendré (Circus pygargus). Cette pression de prédation sur ces espèces reste néanmoins à observer à la loupe. Si on ne prend que l’exemple du busard cendré, il s’avère que depuis 2008, sur 9 472 reproductions constatées de l’espèce, 59 cas seulement font état de prédation par le renard. Les gestionnaires de programmes de conservation d’espèces s’accordent à dire que la protection des milieux reste largement plus efficace qu’une limitation de la prédation. Sur ce dernier point un parallèle intéressant peut également être fait entre la prédation par le renard roux sur le petit gibier et son réel impact. Une étude allemande sur le sujet résume les choses ainsi : « Notre étude montre que la réhabilitation des habitats serait bien plus efficace pour restaurer les populations que le contrôle des populations de renard en raison des interactions mineures entre renard et proies ».
De nuisible éventuel à auxiliaire
6 000 micromammifères par an, c’est là un chiffre bas quant à la consommation annuelle d’un renard roux pour ses besoins alimentaires. Au même titre qu’il existe des solutions alternatives pour lutter contre les limaces en maraîchage, les poux rouges en aviculture et tout un cortège d’insectes auxiliaires de culture. Avec de tels chiffres, il est aisé d’imaginer que le renard roux a un rôle positif à jouer en grandes cultures. En effet l’utilisation de produits rodenticides (poisons contre les rongeurs), tels que la bromadiolone, a un impact colossal sur la biodiversité au sens large. Notamment par l’ingestion par les espèces prédatrices de micromammifères, de proies empoisonnées les conduisant à leur mort.
FREDON (Fédérations Régionales de Défense contre les Organismes Nuisibles), chambres d’agriculture et même INRA (Institut national de la Recherche Agronomique) développent de plus en plus de circulaires allant dans le sens d’une valorisation de la présence du renard roux dans le cadre d’une lutte intégrée contre les ravageurs de cultures.
Moins criant, le renard roux a un régime alimentaire opportuniste qui, selon ses besoins, le voit devenir omnivore et consommer des noyaux et autres graines. Il joue ainsi un rôle dans la dispersion de certaines plantes et autres arbres, notamment le merisier pour lequel il est un vecteur important de propagation (et une potentielle source de revenus pour le propriétaire du terrain).
Enfin, le renard est un prédateur et joue à ce titre son rôle dans la sélection naturelle. Éliminant d’un côté les plus maladroits et de l’autre les malades, il participe naturellement à la lutte pour la vie évitant pullulations et épidémies. C’est un chasseur… Peut-être un peu plus roux que la moyenne, mais un chasseur à sa place.
Michel Bernard
Sources : Atlas des Mammiféres, Reptiles et Amphibiens du Limousin du GMHL.
Et un excellent site : http://www.defi-ecologique.com/