Un récit en plusieurs point de vue : une retranscription à l’état brut du témoignage de Nicolas à son retour de la ZAD. Choqué, il ne dort plus et demande à des copains d’écrire son récit pour déposer un peu de sa colère. Inter-coupé du récit d’un témoin de l’arrestation et pour finir par un récit plus factuel de son procès et des suites des condamnations qu’il subit encore.
Témoignage de Nicolas (mai 2018)
« L'annonce, le lundi 9 avril, du débarquement des 2500 gendarmes avec leurs blindés et les destructions de cette semaine là m'ont hyper-concerné. Ça m'a paru aberrant, je n'ai pas compris cette volonté de tout raser. Je veux dire que ça a été une décision personnelle : j'étais outré par ce qu'il se passait là bas, je me suis dit qu'il fallait y aller, comme si c'était un impératif. C'est la première fois que j'envisageais d'aller à la Zad de Notre-Dame des Landes.
Je suis arrivé à Vigneux à 3 heures du matin. A 11h, vers la Wardine, au fond d'un champ, il y a des affrontements à la barricade des Lascars que les gendarmes veulent démonter. Vers l'heure du repas, j’ai été à Bellevue pour écouter les prises de paroles.
Vers 15h30, je fais un passage par mon camion, à Vigneux, pour aller livrer une récup' de légumes.
Retour à la Wardine, 16h30, il y avait plus de 2000 personnes dans le champ. Regroupement au carrefour de la Saulce : on essaye d'encercler les gendarmes, il y a eu quelques répliques de lacrymogènes et de grenades de désencerclement mais ils sont restés à distance. La tension monte. Il y a des tirs de lacrymos très près sur les gens et très loin sur l'arrière. Y'a tellement de gaz, on ne voit plus rien.
Un assaut des gendarmes mobiles.
Ça pète dans tous les sens. Au moment de la charge, ça a créé un mouvement de foule, les gens paniquent, on est des centaines à vouloir franchir le même talus, seul passage pas très large vers un autre champ. Une grenade assourdissante explose à un mètre de moi. Je suis en bord de champ, le long de la haie. Je me dis que je n'aurai pas le temps d'arriver vers cette sortie et je choisis de passer au pied de la barricade. J'arrive sur la route et je vois surgir à 15 mètres un blindé qui fonce, avec une lame devant. J'essaie de repartir par là où je suis arrivé mais je vois par là à ce moment des gendarmes mobiles. Le blindé est à ma hauteur, je suis seul, je me précipite vers le talus, glisse en tentant de le grimper, je tombe à terre et je reçois un premier coup à l'épaule gauche et plusieurs autres coups. Ils sont cinq gendarmes mobiles. Je me relève, c'est un peu la confusion, ils me disent "dégage". J'ai les bras levés en signe d'approbation et de défense. Finalement, ils me rechoppent, me mettent à terre puis me frappent à la tête avec la pointe de leurs tonfas, me mettent des coups de pieds. Pendant qu'ils me tabassent, ils me disent: "tu vas pouvoir dire à tes copains ce qu'on leur fait aux zadistes !"
"Le jour du rassemblement j’étais face aux gendarmes mobiles (GM) dans un champ près de Lascars quand ils ont attaqué. (...) Pendant 2h ils ont bombardé en continu. La résistance a été conséquente. La barricade des lascars, ce jour là, a piégé des camarades qui tentaient d’échapper à la charge des gendarmes. Moi et mon collègue étions sur les côtés en hauteur et avons tout mis en œuvre pour les dégager de là. Chaque regard que je croisais était terrorisé. On les a presque tous sortis. Je déblayais encore lorsque le dernier camarade est arrivé et est tombé au sol devant nous, derrière la barricade.
J’ai hurlé « lève-toi vite, viens ! ». Au même moment, je lève les yeux et je vois le regard haineux de 3 GM qui arrivent en furie, matraque déjà en l’air, prêts à le défoncer, lui qui était déjà au sol en position de faiblesse. La demi-seconde avant le premier coup de matraque, j’ai croisé son regard terrifié qui me glace encore le sang aujourd’hui. On a dû le laisser là, impuissants. Le flashball ne m’a pas lâché du viseur tandis que le copain derrière la barricade s’est fait matraquer par 5 GM pendant bien 2 minutes. »
Ils me relèvent, m'arrachent mon sac et le jettent sur le talus. Ils me fouillent, me menottent. J'ai la boue plein la figure, je saigne du nez. À un carrefour, des journalistes, dont un de l'AFP qui me regarde, le GM(gendarme mobile) qui me garde reçoit l’ordre de me faire une clef de bras.
A la 2e fouille, un GM qui a l'air d'être médecin enjoint mon escorte de m'emmener à l'hôpital. A la vue de ma tête, ensanglantée, y' a des GM satisfaits qui disent "Tiens, on en a tabassé un, il a pris cher". A la 3ème ou 4ème fouille, je suis debout, un GM fait délibérément et ostensiblement tomber mon couteau à mes pieds et attend. Si j’y touche, ils me chargent. Je ne bouge pas. On me signale la garde à vue. Dans le fourgon, on sort de la Zad. Un GM a une grenade dégoupillée à la main, il joue et dit à son collègue "regarde, il va chialer". Nouveau fourgon de GM. Pendant les transferts, je ne vois pas grand-chose, ils me font toujours baisser la tête. Ils me cherchent, m’insultent, me poussent, ils cherchent ma « rébellion ».
A l'hôpital : Le médecin qui m'ausculte me dit "ils vous ont bien arrangé". L’examen clinique révèle une série d’ecchymoses, d’érythèmes et conclu à 1 jour d’ITT.
A la caserne: Première audition. Il doit être vers 23 heures. L'avocat commis d’office, arrivé, me dit "ils ont fait une bavure, ils ont déconné". 48 h de garde à vue, auditions et humiliations en série jusqu’à la comparution immédiate.
18 Avril 2018 : Comparution immédiate au tribunal de grande Instance de Saint Nazaire. Nico est condamné à un emprisonnement délictuel de 18 mois avec sursis mise à l’épreuve et obligation d’indemniser les victimes pour : violence aggravée par 3 circonstances suivie d’incapacité n’excédant pas 8 jours, (sur 4 gendarmes), violence sur une personne dépositaire de l’autorité publique sans incapacité (pour 1 gendarme), port sans motif légitime d’arme blanche ou incapacitante de catégorie D,(un opinel).
Marianne L. et Laura B. ont également été condamnées à des peines similaires. Benoît L. a refusé la comparution immédiate et a été relaxé lors de son procès.
Total frais d’avocats commis d’office = 2 323 €
20 avril 2018 : Nicolas fait appel conjointement avec Marianne L. et Laura B.
9 octobre 2018 : Cour d’appel de Rennes : l’avocat des gendarmes demande un report pour permettre d’intégrer Benoît L. (relaxé) dans l’appel.
8 janvier 2019 : Cour d’appel de Rennes : le juge confirme la peine prononcée lors de la comparution immédiate mais réduit de 18 à 6 mois l’emprisonnement délictuel avec sursis ainsi que l’obligation d’indemniser les victimes.
Total frais d’avocat pour l’appel : 1 113 €
25 juin 2019 : Procès – intérêts civils : Condamnation solidaire de Nicolas, Marianne L. et Laura B. à verser : 1500 € par gendarme en réparation pour préjudice moral pour 4 des 5 gendarmes ayant subi des violences ayant entraîné des ITT et 1 000 € pour le 5ème gendarme.
Total des frais d’avocats pour « Intérêts civils » : 1 113 €
Total des indemnités à verser aux gendarmes : 7 000 €
Ni l’avocat de Nicolas, ni l’état, ni personne ne communique la procédure pour payer ses indemnités. De Janvier 20219 à Février 2022, Nicolas se présente devant un contrôleur judiciaire tous les trois mois.
Mars 2022 : Nicolas reçoit un courrier du Fonds de Garantie des Victimes des actes de terrorisme et autres infractions lui demandant le règlement de sa dette et des intérêts supplémentaires.
Un accord de remboursement à hauteur de 50 € par mois est négocié à partir 10 juillet 2022.
23 mars 2023 : Courrier d’un huissier de justice présentant la signification de décision jugements sur intérêts civils du 12 novembre 2019
03 avril 2023 : Courrier d’un huissier de justice informant la saisie de 11 379,13 euros. Total des intérêts 4 879,13 €
Grand total d’une journée en soutien à la mobilisation de la ZAD : 16 428,13 €
Total payé à ce jour par Nicolas : 5 176 €
Chaque mois qui passe alourdi sa dette puisque les intérêts augmentent. Aucune nouvelle ni de Laura ni de Marianne.
Nicolas a besoin de votre aide pour solder cette dette solidaire, car aujourd’hui il est seul à faire face. Il n’était pas seul à manifester ni à être arrêté, ne le laissons pas seul aujourd’hui.
Gaëlle L