1er décembre 2023. Nous bouclons le n°85 d'IPNS en consacrant notre une à la suppression des subventions de trois médias du coin : Télé Millevaches, La Trousse corrézienne et IPNS. Comme nous l'expliquions dans ce numéro1 9 mois après avoir déposé notre dossier, 5 mois après avoir été évincés de la commission nationale qui donne un avis sur le versement du fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité, nous apprenions que nos médias ne bénéficieraient pas de ce fonds en 2023, nos trois associations n'apparaissant pas dans la liste officielle et close qu'avaient reçue courant novembre plusieurs autres médias bénéficiaires.
Le mardi 5 décembre 2023, nous prenions donc le conseil d'une avocate qui, au vu des éléments que nous lui fournissions, estimait que nous étions en droit de saisir le tribunal administratif, nos dossiers ayant manifestement bénéficié d'un « circuit particulier », différent en tout cas, de celui des autres dossiers. Le lendemain un reportage de France 3 Limousin2, suivi rapidement d'un article dans StreetPress3 faisaient connaître la situation au plus grand nombre et un début de médiatisation commençait. Libération suivait en janvier4 et le député de la Haute-Vienne Damien Maudet, interpellait dans une question écrite la ministre de la Culture : « M. Damien Maudet alerte Madame la ministre de la Culture au sujet des trois médias auxquels les subventions publiques ont été retirées sans raison apparente, sauf celle de ne pas soutenir la politique gouvernementale (...). Il est vital, aujourd'hui plus que jamais, de soutenir la presse associative, sans menace de censure par coupes budgétaires arbitraires.
Par ailleurs, les associations ne peuvent être condamnées à vivre ou mourir selon le bon vouloir d'un seul homme, qu'elles aillent ou non dans son sens du récit. M. Maudet demande à la ministre si elle va réparer cette injustice et empêcher cet acte de censure. »
Le mercredi 6 décembre 2023, nous envoyons une lettre recommandée avec accusé de réception à la ministre de la Culture pour exiger une réponse officielle à notre demande de subvention. Dans les jours qui suivent, la journaliste de StreetPress qui enquête sur notre affaire, contacte le ministère de la Culture, le ministère de l’Intérieur et la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, qui, selon la formule consacrée, n’ont « pas souhaité lui répondre ».
Le mardi 12 décembre 2023, nous sommes alertés par La Trousse Corrézienne qui vient de recevoir un coup de fil du ministère de la Culture qui lui demande son relevé d'identité bancaire...
Dans les jours qui suivent, tout se précipite... Le mercredi 13 décembre 2023, coup de théâtre, nous apprenons qu'une décision du ministère de la Culture vient d'être publiée au sein de ses services, augmentant le fonds national des médias de proximité d'une somme permettant de financer... trois médias. Devinez lesquels ? Oui ! La Trousse, Télé Millevaches et IPNS ! Le vendredi 15 décembre 2023, les comptes bancaires de Télé Millevaches et IPNS sont abondés des sommes attendues... qu'on n'attendait plus. Et la notification officielle nous est transmise le lundi 18 décembre 2023. Nous ne résistons pas à publier cette décision administrative de dernière minute, prise dans l'urgence et sur mesure pour nos trois petits (vilains) canards... (voir ci-contre)
Évidemment, nous ne le savons pas précisément, mais il est assez facile de le deviner. Au sein même de l'administration tout le monde n'est pas forcément d'accord pour supprimer les subventions aux associations, et, comme nous l'expliquions dans notre article, l'appréciation des choses varie énormément selon qu'on est au ministère de l'Intérieur ou au ministère de la Culture.
Dans un premier temps ce dernier avait perdu... Le début de médiatisation et surtout la menace d'une procédure judiciaire qui avait des chances de nous être favorable a sans doute modifié ce rapport de force interne à l'administration.
Y-a-t-il de quoi se réjouir ? Pas vraiment. L'histoire révèle en effet d'inquiétants fonctionnements sournois dont de nombreuses autres associations ont payé les frais les années passées (Télé Millevaches entre autres sur d'autres lignes budgétaires) et rien n'est gagné pour les années à venir. Par ailleurs, nos trois médias ne sont pas les seuls à subir l'ostracisme des préfectures et d'autres associations locales souffrent également de rétorsions. Une nouvelle « liste noire » d'associations à surveiller de près et dont les dossiers sont, selon la demande de la préfecture de région, à étudier avec une particulière vigilance, a également été diffusée au sein de certains services administratifs.
Le jeudi 8 février, une trentaine de responsables associatifs (représentant environ une vingtaine d'associations du territoire) se sont rencontrés pour se communiquer leurs déboires, expliquer comment chacun réagissait face à ceux-ci et étudier les modalités d'une riposte commune. Parmi les actions envisagées, une saisine du Haut Conseil à la Vie associative, organe de conseil placé auprès du Premier Ministre et composé de 25 expertes et experts du monde associatif qui émet des avis sur des sujets intéressant les associations. Cette saisine viserait à lui demander d'éclaircir les comportements opaques et ostracisants de certains services de l'État envers les associations. À l'issue de cette réunion, les participants s'accordaient sur l'idée que nous ne devions surtout pas baisser les bras et que tous les moyens efficaces étaient bons pour défendre la liberté associative : saisine du HCVA donc, mais aussi médiatisation, poursuites judiciaires, solidarité inter-associative, etc. Un prochain rendez-vous est pris en avril pour poursuivre cette mobilisation.
Nous ne voulons pas terminer cet article sans remercier nos lecteurs et lectrices qui nous ont fait part de leur soutien, en s'abonnant ou en se réabonnant, souvent avec des abonnements de soutien parfois substantiels. La solidarité exprimée ainsi est pour nous la meilleure garantie de notre existence et de notre pérennité. Nous les remercions de ces encouragements qui, dans les temps qui courent, sont tout à fait indispensables et risquent de l'être de plus en plus.
L'équipe d'IPNS