Les élections passées, la nouvelle maire de Gentioux continue à accuser des “populations nouvelles“ de ne pas respecter des réglementations qui devraient s’appliquer à tous... Réaction de Pascal Durand, “nouvel habitant“ installé depuis 23 ans sur le plateau, fils, petit-fils et arrière petit-fils de paysan (quelle étrangeté !) et agriculteur visé par les récriminations de l’édile.
Que n’a-t-on pas entendu ou lu lors de la campagne électorale et après. Honnêtes gens, rendez-vous compte, ces “gens“ ne respectent pas la loi ! Ils vont se mettre en danger et nous avec ! Il faut intervenir pour le bien de tous et pour que ce ne soit pas toujours les mêmes qui travaillent pour les autres !
À qui la faute ?
Pourtant à toutes les accusations avancées on peut répondre : mais à qui la faute ?
“Ils n’avaient pas à construire des bâtiments agricoles et des habitations là où ils l’ont fait, sur des terres agricoles !“ - La Direction départementale des territoires n’aurait donc pas fait son travail en délivrant un permis de construire en bonne et due forme ?
“Ils vendent des produits sans traçabilité. Il risque d’y avoir un drame, une intoxication !“ - Le laboratoire départemental et les services vétérinaires délivreraient donc à la légère les autorisations de mise sur le marché de produits alimentaires ?
“Des enfants ne vont pas à l’école. Il faut les obliger à y aller !“ - Les inspecteurs d’Académie qui contrôlent les enseignants dans les écoles et qui sont les mêmes qui contrôlent les parents faisant l’instruction en famille, auraient donc manqué à leur devoir ?
“Ils ne respectent pas l’environnement !“ - Les brigades environnementales, unité spéciale de la Gendarmerie qui connaissent bien le secteur où nous sommes implantés et le Conservatoire des espaces naturels du Limousin qui gère de nombreux terrains au même endroit ne se seraient donc rendu compte de rien en traversant les taillis et les tourbières ? Les services sociaux, qui se rendent dans les familles bénéficiaires du RSA et les familles qui font l’instruction à la maison auraient donc fermé les yeux sur des conditions d’hygiène déplorables ?
Mais qui ne respecte pas les lois ?
Ce sont pourtant les mêmes qui portent ces accusations et n’appliquent pas des réglementations qu’ils connaissent pourtant fort bien.
Ainsi, de la loi sur la “distorsion de concurrence“, qui régit les conditions d’installation des artisans et commerçants sur une commune, afin de ne pas pénaliser les activités déjà existantes. Quand l’épicerie de Gentioux a fermé, des consommateurs et des producteurs vendant sur le marché ont fait en sorte d’être présents dans le bourg avec du pain et de nombreux produits de base. Un petit local temporaire a été loué, mais, à la grande surprise de beaucoup, lorsque l’épicerie est devenue disponible elle n’a pas servi à conforter ces nouvelles activités mais a permis d’étendre l’activité d’un commerce d’une commune voisine.
Qu’en est-il des règles entre une collectivité et une association ? Madame la Maire n’est-elle pas juge et partie, quand, présidente de l’association Arts Scène, elle présente et vote sa propre subvention et qu’elle organise un repas communal avec son association ? Pourtant des règles sont à respecter en matière de procédure et de transparence pour éviter la prise illégale d’intérêt.
De même pour la loi sur “les terres incultes ou manifestement sous-exploitées“, qui oblige les propriétaires de terrains agricoles à, soit les mettre en valeur, soit les louer à un agriculteur si l’un d’eux est intéressé. Cette procédure qui s’étale en général sur deux ans peut être demandée par un individu ou une collectivité afin que des terres agricoles qui partent à la friche puissent être cultivées ou entretenues. Cette idée a systématiquement suscité une levée de bouclier quand elle a été évoquée lors de plusieurs réunions. Bref, terres agricoles et locaux commerciaux ne seraient pas destinés à ceux qui veulent travailler ici !
Information sélective
La lettre de la mairie paraît plus souvent qu’avant, mais, par souci d’économie, elle n’est plus envoyée aux citoyens par le service public de la Poste. Certains ne l’ont donc jamais entre leurs mains tandis que d’autres la reçoivent dans leur boîte aux lettres selon une étrange sélection dans la diffusion... Gentioux est sûrement la seule commune de Creuse où une partie de la population est contrainte d’aller chercher l’information municipale et de deviner à quel moment elle paraît. La commune organise un repas dit citoyen pour tous les habitants de Gentioux-Pigerolles, louable initiative, mais des bulletins d’inscriptions ont été distribués à certains habitants et pas à d’autres... Ainsi tous les citoyens ne sont pas traités de façon égalitaire.
Communiquer de façon sélective pour créer des tensions, c’est facile. Diviser pour mieux régner et faire peur pour rendre agressif, on connaît. Faire peur avec des choses étrangères, c’est de la manipulation. Faire peur avec des gens qu’on voit depuis dix ans... c’est au minimum de la malveillance.
Pascal Durand
Certains concitoyens de Gentioux-Pigerolles reconnaîtront leurs propos ou leurs éclaircissements qui ont permis de recouper les informations qui circulent.
- Gentioux : retour sur une élection
On dit sur le Plateau que la Montagne limousine est terre de migration, une terre trop pauvre pour un repliement sur soi. Hier, le rural est donc parti vers la ville où le mouvement ouvrier l’a accueilli et lui a transmis les valeurs de partage et de solidarité. Revenu “au pays“ le migrant a contribué, au fil du temps, à enraciner sur le territoire une tradition d’accueil et d’ouverture. Cette tradition, où le communisme municipal a puisé ses forces, a été, il faut le dire, malmené à l’occasion de l’élection municipale.Avec la mise à l’index d’une partie de la population, un clivage malsain, fondé sur le rejet de l’autre et de la différence, s’est instauré et, qu’il nous faut, ensemble, dépasser. Je le dis, mais sans esprit vindicatif, ce n’est pas acceptable. Surtout, dans un contexte où les valeurs les plus essentielles de la République sont mises à mal par l’extrême-Droite, dont les comportements discriminatoires tendent à se banaliser.
Pourtant Gentioux-Pigerolles ne souffre d’aucune invasion barbare, d’aucune occupation incontrôlable. Ce clivage doit donc être interrogé pour ensuite voir comment réengager la confiance entre tous en s’attachant à faire du collectif, de la mise en commun au lieu de la discorde et du conflit. De mes lectures, de ce que l’on dit ici et là, trois aspects au fondement de ce clivage ressortent nettement : les modes de vie ; les associations citoyennes ; les bénéficiaires du RSA.
Il y a une réelle intolérance à l’égard des modes de vie qui diffèrent des modes de vie traditionnels. Pourquoi cet état d’esprit ? Car au nom de quels principes, de quelles normes doit-on vivre tous selon les mêmes standards ? Doit-on rejeter des façons de vivre différentes ? Faut-il, pour avoir une place et un rôle reconnus, se dépouiller de sa personnalité, de sa perception de vie personnelle, de toute particularité dans son mode d’existence ?
Un tel état d’esprit est tout le contraire du principe républicain qui considère les citoyens à égalité de traitement quelle que soit leur condition sociale et leur manière de vivre. Une vision unanimiste de la vie en société relève tout simplement du totalitarisme et ce n’est donc pas acceptable. La diversité humaine doit être respectée. La vie rurale évolue et c’est tant mieux. Elle ne peut, sans dommage, s’apparenter à un horizon qui fixe ses habitants à une place et à une identité définies une fois pour toutes. Autrement point de projet.
Or, tant de monde le sait ici : avec une population vieillissante, l’avenir de la commune dépend, pour une part, de l’accueil de nouvelles populations car la démographie favorise la croissance des régions. L’activité économique, sociale, culturelle se développe davantage là où il faut répondre aux besoins d’une population plus nombreuse et diverse. C’est une raison primordiale pour refuser une commune des mêmes. Tout au contraire, il faut s’attacher à faire du collectif dans la diversité ; à cultiver le goût des autres qu’ils, qu’elles soient originaires d’ici ou d’ailleurs, en mêlant, dans le respect des uns et des autres, des générations, des cultures, bref, tout ce qui contribue à une identité plurielle, à bâtir “un vivre ensemble“ citoyen et hospitalier.
Autrement dit : mouvement et non immobilisme, solidarité et non rejet.
Roger Fidani
Ce texte est un court extrait d’un document plus complet et détaillé que Roger Fidani a consacré à l’analyse de l’élection de Gentioux. On peut se le procurer auprès de l’auteur : Roger Fidani, La Lézioux, 23340 Gentioux.