Chambardement à Radio Vassivière : une nouvelle (et copieuse) équipe succède à l’ancienne (et étique) équipe. La radio qui se targuait d’être un “média engagé“, s’était surtout spécialisée dans le déficit structurel en démarrant l’année 2014 avec des dettes estimées à 105 000 €, la gestion de fait et l’esbrouffe autour du thème des médias libres...
Créée en 1984 en tant qu’outil de promotion et d’animation du territoire de Vassivière (le
SYMIVA à l’époque), Radio Vassivière est rapidement devenue une radio de pays avec pour finalité la communication sociale de proximité. Rôle qu’elle a incarné pendant près de 20 ans, contribuant au dynamisme du territoire. Mais depuis 10 ans, Radio Vassivière s’est détachée de cette mission.
Fiasco
Fin 2013, des bénévoles (parmi le peu qui restaient) découvrent que leur radio est en situation de cessation de paiement. Ils constatent également que les statuts de l’association ne sont pas respectés : il n’y a pas eu d’assemblée générale (AG) depuis 2007 ni de conseil d’administration (CA) depuis 2009. L’association n’avait plus d’adhérents : en l’absence de CA pour valider les adhésions, les bénévoles contribuant à la radio ne pouvaient devenir adhérents ! S’ajoutaient à cela d’importants problèmes de fonctionnement : un outil technique devenu obsolète, des retards dans le paiement des salaires depuis septembre 2013, une cessation de paiement en décembre 2013 et l’interruption de l’antenne d’Ussel à la même époque à cause de retards de paiement, mettant un salarié en chômage technique... Sous la pression des bénévoles et du Groupement des radios associatives du Limousin (GRAL), le président de Radio Vassivière, Vincent Caillaudaud, convoque alors une AG le 22 janvier 2014 avec la ferme intention de tenir cette réunion à huis-clos : en dépit de leurs demandes répétées, ni les bénévoles, ni les salariés n’en sont informés. Heureusement, Jean-Louis Bordier, fondateur de la radio et président jusqu’à 2004 (et depuis président d’honneur) fait circuler l’information et permet à une cinquantaine de personnes motivées de demander la validation de leur adhésion au CA, conformément aux statuts. Mais deux heures avant la réunion, celle-ci, initialement prévue à la mairie de Royère-de-Vassivière est subrepticement déménagée sur l’île de Vassivière. N’empêche, les « nouveaux adhérents » suivent le mouvement et parviennent à rejoindre l’AG au cours de laquelle ils demandent des explications sur les choix de gestion de l’association et le non-respect des statuts. Après de vifs échanges, un nouveau CA de quinze membres est alors élu, regroupant quelques administrateurs sortants et une majorité de nouveaux membres, essentiellement des bénévoles de l’association. Ce CA nomme un nouveau président, François-Xavier Drouet (Vincent Caillaudaud n’a pas représenté sa candidature. Une nouvelle dynamique est insufflée à la radio associative.
Comment en est-on arrivé là ?
Comme le dit avec beaucoup de gentillesse et sans nommer personne la nouvelle équipe qui a repris les rênes de la radio, “une triple défaillance de la gouvernance associative, de la gestion de la radio et de la mission de conseil et d’alerte de l’expert comptable a conduit à cette situation.“ Une des premières décisions du CA a été de changer de comptable. Bon sens, quand on sait que le rôle d’un expert comptable est aussi d’alerter son client des éventuels problèmes financiers qu’il repère. Incompétence ou négligence, le cabinet n’a jamais tiré la sonnette d’alarme... Mais tirer sur le comptable, n’est pas viser le plus responsable. L’ancien président de l’association, Vincent Caillaudaud, a manifestement failli. Il est vrai que n’habitant et ne travaillant plus sur place, il n’avait avec la radio que des relations très... distantes. C’est ainsi que les trois derniers salariés embauchés en 2013 n’avaient jamais rencontré leur “employeur“ jusqu’au jour de cette fameuse AG. Le président n’avait pas réuni d’assemblée générale pendant... 7 ans, mais, qui plus est, avait oublié par deux fois d’envoyer les dossiers de demande de financement au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), l’organisme national qui finance les radios associatives. Manque à gagner pour Radio Vassivière : 20 000 €, puis 16 000 € ! De 2007 à 2013, les dettes se sont donc accumulées au rythme des fautes de gestion, pour atteindre fin 2013 une rondelette somme estimée à 105 000 €.
Mais qui dirigeait alors ?
Un président défaillant ; un CA fantôme ; pas d’assemblée générale... Selon l’un des nouveaux administrateurs, “cet état de fait a mis la gestion courante de l’association entre les mains de la directrice des programmes, qui n’était ni qualifiée ni mandatée pour cette mission“. C’est donc elle qui remplissait de fait le rôle traditionnellement dévolu au conseil d’administration : prendre les décisions stratégiques, procéder aux embauches, signer les contrats de travail des salariés, etc. De son côté, le principal finançeur de la radio, Stéphane Cambou, président du Lac de Vassivière versait sa subvention sans trop s’inquiéter de la gestion de l’association. En 2013, en tant que responsable au conseil régional des emplois associatifs, il en octroie un deuxième à la radio (alors que la politique officielle de la région est, en règle générale, de ne pas en fournir plus d’un à la même association). Les associations à qui on demande budgets réalisés et prévisionnels et nombre de documents pour vérifier le sérieux de leur gestion pour la moindre subvention, et en particulier pour obtenir un emploi associatif régional, se demanderont comment une association qui n’avait pas les moyens de sa politique d’embauche ait pu en obtenir si facilement ! C’est, répond Stéphane Cambou, qu’on lui présentait des comptes validés par le président qu’il n’avait pas de raisons de mettre en doute. Il est vrai que le gros du déficit n’est arrivé qu’en 2013 avec l’embauche de trois salariés : rien que sur cette année, la perte a été de 50 000 € !
Dès lors les départs s’enchaînent. Quelques jours après l’élection du nouveau CA, la directrice demande à bénéficier d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Il est vrai qu’on ne la voyait pas tous les jours à Royère ou à Ussel (les deux sites de Radio Vassivière) car, comme le dit un bon connaisseur des radios locales limousines, elle détenait un record : c’était “la seule ”directrice d’antenne” à diriger une station associative à 400 km de distance.“ Habitant Orléans, puis Clermont-Ferrand, elle passait en coup de vent à la radio, généralement du lundi au mardi, avant de s’en retourner chez elle ! Drôle de manière d’envisager le fonctionnement d’une radio associative qui se revendique locale.
Trop tard... On fait quoi, maintenant ?
La nouvelle équipe décide de déclarer l’association en cessation de paiement au tribunal de grande instance de Guéret. La survie de l’association est menacée car le tribunal peut prononcer la liquidation. Mais pour la nouvelle équipe, Radio Vassivière ne doit pas disparaître. Pour deux raisons. Tout d’abord, 6 emplois sont en jeu. Ensuite, la liquidation de Radio Vassivière entraînerait la disparition irréversible d’une radio associative sur le territoire (le
CSA n’attribuant très probablement pas de nouvelle fréquence). Il faut donc faire avec le passif de l’association pour aller de l’avant. François-Xavier Drouet, nouveau président, explique : “Nous avons sonné le tocsin, pour mobiliser le plus de soutiens possibles : nous avons fait des appels, mobilisé les médias, écrit une lettre ouverte aux élus et responsables des collectivités territoriales. Nous avons reçu une centaine de demandes d’adhésion dans la semaine, et une soixantaine de lettres d’acteurs du territoire (associations, entreprises, offices du tourisme, médias,...). Les élus de plusieurs communes et communautés de communes, des conseils généraux et du conseil régional apportent également leur soutien à notre action. Ceci témoigne de l’importance de maintenir cette radio de pays et de la confiance dans la nouvelle équipe pour redresser la situation.“ Résultat : le 24 février, le tribunal accorde à Radio Vassivière une période d’observation de 6 mois pour préparer un plan de redressement.
Mobilisation pour l’avenir de la radio
Un peu de répit pour l’association, mais un défi d’ampleur : à partir du mois de mars, les comptes de l’association doivent être équilibrés, sachant que celle-ci n’a ni le droit d’être en déficit ni celui d’emprunter. Un problème majeur de trésorerie, donc : comment payer les salaires et factures ? Pour François-Xavier Drouet, “l’engagement et le soutien financier des élus sont indispensables et urgents pour que nous puissions passer cette étape“. Et l’association de mobiliser le soutien du territoire. Adriana Molano, qui s’occupe de la communication, précise : “Nous allons mettre en place un comité de soutien, organiser des manifestations, des campagnes de dons et d’adhésion.“
“Il faut maintenant construire l’avenir de la radio. Au-delà du redressement économique de l’association, la question vraiment intéressante est : “quelle radio voulons-nous ?“, interroge François-Xavier Drouet. “Le contenu de la radio était à l’image de sa gestion. Animée par une poignée de bénévoles, la radio était devenue un robinet à musique (plutôt bonne au demeurant), il n’y avait presque plus de programmes d’intérêt local. Les liens avec les acteurs du territoire se sont progressivement et fortement dégradés, y compris avec le GRAL.“ Du boulot pour la nouvelle équipe – et tous ceux qui voudront s’y joindre : “Il faut tout relancer : repenser et construire un fonctionnement horizontal, motiver des bénévoles pour construire le contenu de la radio, retrouver la volonté perdue d’aller au contact de la population du territoire, faire que les acteurs et les habitants retrouvent le chemin du studio. De nombreux projets ont été lancés ou sont en cours de préparation.“ La tranche de 12h à 14h, animée par Kévin Orliange donnera la parole aux acteurs et habitants du territoire. Le Plateau qui parle, proposé par Yann Bureller, diffuse des reportages quotidiens sur les initiatives locales. L’Île aux Trésors, une émission culturelle se déplacera dans des lieux publics du territoire. D’autres sont en préparation.
La nouvelle équipe l’affirme sans dissonance : “Radio Vassivière sera ce que les habitants en feront“. Une cellule éditoriale, ouverte à tous les adhérents qui souhaitent y participer, est en train de fabriquer le contenu de la radio. L’objectif : une nouvelle grille pour septembre 2014.
Michel Lulek & Gaël Delacour
Contacts :
Radio Vassivière : Royère-de-Vassivière 88,6 FM / Ussel – 92,3 FM,
www.radiovassivière.com - Une campagne de dons et d’adhésions pour sauver Radio Vassivière.
L’avenir de la radio passe par l’appui des habitants. Vous avez au moins deux manières de le manifester. En devenant adhérent de l’association ou en faisant un don, même minime. Vous pouvez également participer aux différentes actions de soutien (concerts, projections...) que Radio Vassivière organise pour récolter quelques sous et rencontrer ses auditeurs.
Pour tout cela, ou toute autre suggestion, il faut contacter Adriana Molano : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.