Retours sur l’étude d’urbanisme de Gentioux
17 novembre 2012, Pierre Simons, maire de Gentioux, ouvre la réunion de lancement de l’étude d’urbanisme qui doit permettre de préfigurer le visage du bourg dans vingt ans. Scepticisme, crainte que la réflexion proposée ne contribue à plaquer la ville à la campagne, que les élus soient dépossédés de la décision... les premières réactions sont parfois mitigées, mais la machine se met en route.
Confié à la société coopérative l’ARBAN, basée à Faux la Montagne et associée pour l’occasion au paysagiste Alain Freytet et à l’architecte Isabelle Nadalon, le travail va s’étaler sur plusieurs mois, au gré des temps forts que furent les ateliers d’urbanisme participatifs.
Retours sur cette expérience singulière où, dans une commune de 388 habitants, de 15 à 30 personnes se retrouvèrent régulièrement pour écrire le futur du bourg.
IPNS : Pourquoi as-tu souhaité lancer une réflexion globale d’urbanisme et d’aménagement ?
Pierre SIMONS : En tant que maire, on ne regarde pas le bourg avec les yeux d’un simple citoyen. Ce qui ne fonctionne pas, les logements vides, le manque de lieux de vie, tout ça on le ressent peut-être avec plus de force. Donc la question s’est posée pour moi de savoir comment faire pour que le bourg devienne un vrai bourg, avec un vrai centre, comment faire pour imaginer des lieux de vie, de rencontre, comment définir la vie dans un bourg.
Lancer une étude d’urbanisme, c’était répondre à ces questions.
Pourquoi avoir fait le choix d’une démarche participative ? Cette option était-elle partagée au sein de ton conseil municipal ?
En tant que maire, je ne me sentais pas le droit de définir tout seul ce qu’était le bourg. Les habitants du bourg le vivent au quotidien, c’est donc aussi à eux de le définir.
Quand j’ai proposé cela à mon conseil, je n’ai pas eu tellement de retours, je crois surtout que les élus attendaient de voir ce qui allait se passer.
... et que s’est-il passé ?
Sur le contenu, le diagnostic a été un peu difficile à accepter, l’image renvoyée était dure, on parlait d’un bourg sans vie, disloqué, avec peu de lieux de rencontre ...
Sur la méthode, il est clair que les ateliers participatifs ont permis un réel brassage entre bourg et villages, jeunes et vieux, anciens et néo-ruraux. Chacun a pu partager son expérience, les personnes âgées sur ce qu’avait été le bourg, les jeunes sur ce que ça pourrait être.
Est-ce qu’on en est pour autant arrivé à une synthèse entre habitants ? Je ne sais pas, il faut probablement des réalisations pour modifier les regards, les perceptions.
C’est vrai que certains estiment que la transformation du bourg doit plutôt porter sur la valorisation de notre patrimoine, que cela suffit à rendre le bourg attractif. D’autres disent qu’il faut mettre l’effort sur ce qui permet la vie, les services..., que la vie attire la vie. Mon sentiment, c’est que c’est un peu des deux. Si on regarde les gens qui s’installent ici, il y en a pas mal qui sont arrivés par notre hameau de gîtes, ils retiennent d’abord les beaux paysages, la nature préservée, et puis il y en a qui restent.
Mais, au final, l’étude d’urbanisme a permis de libérer la parole, de faire émerger des gens qui ont envie de s’investir. Qu’il y ait un groupe, l’association La Bascule, qui puisse s’investir pour mettre en œuvre une des conclusions de l’étude - la nécessité de disposer d’un lieu de commerce et de rencontre (ndlr) - , ça, c’est une conséquence du travail participatif, c’est lui qui a permis le déblocage du projet. Et là, on rentre dans le vif, dans l’intérêt de l’étude, dans le fait qu’il y ait une suite derrière.
Au vu de cette expérience, que penses-tu de la participation comme mode de gouvernement ?
Peut-on, doit-on soumettre tout sujet à la participation ?
A la base, quand on réfléchit à plusieurs, on est toujours plus intelligent que tout seul, là je ne me sentais pas le droit de définir les choses à la place des habitants, juste avec un bureau d’études.
Clairement, les questions qui intéressent l’avenir des gens doivent être débattues avec les gens.
Mais la démocratie participative, c’est fin, il faut une volonté politique, des citoyens intéressés, qui s’impliquent. Et pour ça, il n’y a pas de recette, il faut surtout un but que l’on peut toucher, du patrimoine à valoriser, des lieux de vie à imaginer, et parler à l’imagination, au cœur.
Maintenant, dire que c’est une façon de gouverner et ne faire que cela, je suis dubitatif. Il y a parfois des décisions à prendre vite, des questions essentiellement techniques, ou des sujets sur lesquels le débat participatif peut verser très vite dans la polémique.
Sur la question de l’accueil et de l’arrivée de nouveaux habitants, je ne suis pas sûr du résultat de l’ouverture d’une consultation à toute la population, par exemple. Sur ce thème comme sur celui de l’installation d’un Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile à Peyrelevade, on peut être sur des sujets ”limite”, sur lesquels il faut en tant qu’élu assumer une position. Si je n’avais pas pesé de mon autorité de maire en créant un climat d’accueil dans la mesure de mes moyens, est-ce que tous les nouveaux arrivants se seraient ou auraient pu s’installer ici ? Je n’en suis pas sûr.
En fait, c’est un peu à partir de sa perception que l’élu peut juger de ce qu’il met en débat. C’est à lui de mesurer finement en fonction des circonstances.
Ce qui est vrai, c’est que si tu mets en débat un sujet difficile, tu désamorces les tensions en réfléchissant avant. Donc tu as ensuite la légitimité à agir.
Mais ça prend du temps... et c’est parfois moins confortable que si tu es seul à décider.
- Étude d’urbanisme, les principales conclusions
A partir d’une analyse détaillée du territoire, des attentes et des besoins des habitants, quatre orientations d’aménagement ont été proposées :
1. Rendre lisible le site de Gentioux en desserrant l’emprise forestière autour du bourg et en retrouvant l’espace ouvert de la vallée de la Vergne.
2. Redonner un caractère urbain et aimable au bourg en réaménageant la grande rue, en travaillant la qualité des espaces publics, en créant des lieux de rencontre autour des fonctions commerciales, culturelles et de service, et en se donnant des règles d’implantation du bâti.
3. Traiter et favoriser les liaisons douces en réorganisant le stationnement des véhicules, en proposant des cheminements piétons alternatifs à la grande rue en lien avec les espaces de commerce et de service et les boucles de promenade permettant la découverte des abords du bourg.
4. Mettre en valeur le patrimoine de Gentioux, qu’il soit naturel (remise en valeur de l’eau et du petit patrimoine qui lui est lié, accès à la statue de Notre Dame du Bâtiment) ou bâti.
Ces orientations ont été déclinées en actions. Citons parmi les plus importantes le réaménagement de la place du monument aux morts, l’aménagement du pré de la Salle à l’entrée Nord du bourg, la création d’un lieu dédié au service, à la culture et à la rencontre (bibliothèque, agence postale, lieu d’exposition) dans l’ancienne école située sur la place du monument, la relance d’un lieu de commerce en lien avec les producteurs locaux au cœur du bourg.