Comme tous les parcs naturels régionaux, celui de Millevaches doit au bout d’une dizaine d’années revoir ses objectifs et les reformuler dans une charte à remettre à jour. Ce temps de bilan et de prospective est venu pour le PNR qui a confié ce travail à deux cabinets d’étude dont on ne peut pas dire qu’ils aient été très performants...
Après une phase diagnostic destinée à établir le bilan des réalisations du Parc depuis sa création en 2004, le cabinet MC2 consultants, spécialisé en “stratégie et évaluation des politiques de développement“ et basé à Toulouse, a mené une série de réunions de consultation auprès d’un groupe d’une petite trentaine d’habitants pour prendre le pouls de la “population“ sur des thèmes comme l’éco-développement, les patrimoines et la vie locale. Ce cabinet toulousain s’est adjoint l’appui d’un autre cabinet, de Toulouse également, le cabinet Ectare, spécialisé lui en “stratégies environnementales“.
Concertation en catimini
L’idée était, je cite, “d’établir un diagnostic du territoire “ et, pour cela, de “recueillir les perceptions des participants : il s’agit de permettre à chacun de s’exprimer spontanément et librement sur les éléments qu’il juge caractéristiques du territoire. Ce diagnostic “vécu“ sera ensuite croisé avec les données techniques disponibles pour mettre en évidence les éventuels décalages entre ce que les gens peuvent ressentir sur le territoire et la situation telle qu’elle est dans les faits.“ Mais qui étaient ces “gens“ qui furent réunis à quatre reprises, les 30 avril, 13 mai, 28 mai et 11 juin 2013 ? Un groupe assez varié d’hommes et de femmes du Plateau, certains habitants de toujours ou presque, d’autres tout juste arrivés, des profils différents, des élus, des responsables associatifs, des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes. La constitution de ce groupe s’est faite de façon assez informelle, les personnes ayant la chance d’en être informé pouvant s’y inscrire... Les autres : tant pis pour elles !
Les cabinets aux chiottes !
Dès la première réunion, l’un des membres du groupe, Georges Pérol, par ailleurs élu du Parc, saluait les animatrices du cabinet par un valeureux : “Bonjour, je vous préviens tout de suite, je n’aime pas les cabinets !“ Cette méfiance, sans doute assez partagée dans le groupe, a vite été confirmée, voire amplifiée, lorsqu’on est entré dans la phase opérationnelle. En deux heures, avec des interventions limitées à 30 secondes (mais la consigne a vrai dire n’a jamais été respectée), les animatrices ont cherché à faire ressortir les atouts et les faiblesses du territoire en matière d’écodéveloppement (sans jamais au demeurant que quiconque n’ait pris le temps de s’entendre sur la définition de ce concept flou), de définir les menaces qui pèsent sur le territoire et les opportunités qui peuvent s’y développer, pour terminer par un exercice de hiérarchisation de ces mêmes menaces et opportunités... Train d’enfer pour une réflexion qui demande du temps et de la clarté... Pour les menaces et opportunités chacun était invité à les inscrire en quelques mots sur un post-it, puis de coller un certain nombre de gomettes sur ces post-it pour repérer celles qui attiraient le plus de suffrages.
Perseverare diabolicum
Perplexité des participants devant cette consultation menée tambour battant... Malgré les commentaires qui sont remontés auprès du parc, l’exercice a pourtant été renouvelé sans modifications (même canevas : atouts / faiblesses – menaces / opportunités sur post-it – hiérarchisation avec gomettes) pour les patrimoines et la vie locale, thèmes on ne peut plus larges qui permettaient de parler de tout et de n’importe quoi dans un temps toujours aussi limité... Il est vrai que l’absence du président comme du directeur du parc ne leur a pas permis de voir le fiasco de cette participation-post-it et que le turn-over des techniciens du parc envoyés à tour de rôle participer à cette caricature de travail collaboratif n’autorisait aucun regard global sur la démarche. Les participants ont fini par se prendre au jeu, les post-it se faisant de plus en plus “osés“, le jeu des gomettes permettant les hiérarchies les plus diverses – il suffisait à deux personnes de rassembler leurs 5 gomettes sur le même post-it pour que celui-ci triomphe dans les “préoccupations des habitants“ ! Comme disait le président du conseil de valorisation du parc a l’issue de la troisième réunion : “Au moins on a bien rigolé !“ Le même cabinet avait, selon les mêmes procédés (atouts et faiblesses, post-it et gomettes) animé quelques semaines plus tôt une réunion, cette fois avec des maires du plateau, sur le thème : “Comment motiver davantage les élus du territoire à s’investir dans le parc ?“ La méthode, il est clair, n’était pas propice à les mobiliser davantage...
“C’est la dépossession du pouvoir des habitants sur leur avenir qu’orchestrent naïvement les cabinets spécialisés“
Qui sont les experts ?
L’appel à des cabinets extérieurs à certes l’avantage de mettre les rênes de la concertation entre des mains extérieures non engagées sur le territoire. Mais il a le gros inconvénient de faire intervenir des personnes qui, de fait, ont une connaissance très limitée du territoire, voire ignorent certains enjeux ou réalités locales. C’était clairement le cas lors de ces réunions où des notions comme les “assemblées populaires du plateau“, “les scénarios de la
Datar“ où des sujets polémiques autour de la gestion forestière, ne pouvaient être perçus par les animatrices avec tout l’arrière-plan d’actualité, d’initiatives ou de débats qu’ils pouvaient avoir pour des acteurs locaux. De même, une réflexion sur l’avenir d’un territoire ne peut se baser sur les seules données quantitatives, statistiques ou générales qu’une enquête extérieure peut facilement rassembler. Elle a besoin de sentir avec beaucoup plus de finesse et de subtilité, des évolutions mineures ou marginales mais qui ouvrent des perspectives importantes, que seule une fréquentation au ras du territoire permet d’appréhender (évolutions démographiques en terme de migrations, types d’installations, motivations des nouveaux habitants, revendications de nouvelles images du plateau laboratoire d’expériences, “plateau insoumis“, “territoire alternatif“, etc.). De ce point de vue, les véritables “experts“ en “politiques de développement“ ou en “stratégies environnementales“ sont les habitants du territoire. Encore une fois, c’est la dépossession de leur pouvoir sur leur avenir qu’orchestrent naïvement les cabinets spécialisés qui aiment à faire croire que leur extériorité est garante de leur objectivité, là où la subjectivité des habitants serait pourtant la plus pertinente des entrées pour définir ce qu’ils veulent pour le territoire qu’ils habitent 365 jours sur 365.
Michel Lulek
- Vous aussi participez à la révision de la charte du PNR !
IPNS a décidé de relayer avec enthousiasme la démarche participative engagée par le Parc et, s’appuyant sur les méthodes éprouvées des cabinets MC2 consultants et Ectare, vous offre l’occasion unique de vous associer à cette démarche. Pour cela nous mettons gratuitement à votre disposition un post-it sur lequel vous pouvez faire vos propositions pour la prochaine charte du parc.
Compte-tenu de l’espace disponible, merci de limiter vos propositions à six mots n’excédant pas, s’il vous plaît, 6 lettres chacun (le traitement informatique des données ne permettant malheureusement pas, pour des raisons purement techniques, le traitement de mots plus longs et d’un nombre trop importants de mots). Le post-it est à renvoyé au PNR sous enveloppe affranchie.
Merci de votre collaboration active !