L’association Eclats de Rives a consacré son exposition estivale à la vie de Jean-Henri Prébost, aux circonstances qui l’ont conduit devant le peloton d’exécution en avril 1915 à Flirey, en Lorraine, à côté de François Fontanaud, Antoine Morange et Félix Baudy. Ce dernier est bien connu localement car sa tombe se trouve à Royère avec une plaque du syndicat des maçons. La mémoire de Prébost s’est effacée sans doute parce qu’il vivait et a été enterré à Villeurbanne. Eclats de Rives a aussi obtenu de la municipalité de St-Martin-Château la pose d’une plaque dédiée à sa mémoire sur la place du bourg, à côté du monument aux morts.
L’itinéraire d’un maçon creusois
Jean-Henri Prébost est né au village du Mas-Faure en 1884 dans une famille d’agriculteurs et de maçons. Il a suivi le chemin de nombre de ces maçons creusois qui au début du XXé siècle quittèrent définitivement la région pour s’installer à la ville. Les flux migratoires du canton de Royère fournissaient en priorité la ville de Lyon en plein développement. Jean-Henri Prébost y a exercé les métiers de maçon et de plombier. Il était syndiqué à la fédération des maçons de la CGT. Agé de 30 ans à la déclaration de la guerre en août 1914, il était marié et père de deux enfants. Incorporé au 63éme RI de Limoges il a participé aux combats d’avril 1915 à Flirey au cours desquels son régiment a été décimé. Le 19 avril sa compagnie est restée l’arme au pied refusant d’être lancée une nouvelle fois dans un assaut inutile et meurtrier. Jean-Henri Prébost a fait partie des cinq soldats “tirés au sort“ pour être jugés le jour même par une cour martiale. Quatre d’entre eux ont été condamnés à mort et fusillés le lendemain pour servir d’exemple.
L’affaire des fusillés de Flirey
La 5e compagnie du 63e régiment d’infanterie est désignée en avril 1915, après avoir combattu sur le front de Champagne au début de l’année, pour attaquer en Lorraine dans le secteur de Regniéville. Les combats sont difficiles et les pertes élevées : les soldats se heurtent aux réseaux de barbelés allemands que l’artillerie française peine à détruire. Puis les hommes apprennent que la compagnie est associée au 31e corps d’armée pour mener une nouvelle attaque alors qu’ils pensaient pourvoir se reposer après les combats. Un tirage au sort est organisé pour désigner la compagnie qui doit sortir la première et attaquer en tête. Le sort désigne la 5e compagnie. Les hommes considérant que ce n’était pas leur tour, protestent et refusent de monter en ligne. Le 19 avril, à 6 heures du matin, une quarantaine d’hommes seulement sortent de la tranchée, parcourent quelques mètres avant d’être pris sous un feu nourri provoquant le repli immédiat des soldats : “Sur quinze hommes qui venaient de franchir le parapet, douze sont tués ou blessés et gisent devant les yeux de leurs camarades“. La réaction des officiers ne se fait pas attendre. Le général Delétoille, commandant le 31e corps d’armée, qui ne peut ignorer de pareils refus de marcher, menace de faire fusiller toute la compagnie à la mitrailleuse soit 250 hommes.
Cinq soldats sont tirés au sort : le caporal Antoine Morange est choisi au hasard dans le carnet du sergent Chaufriasse, François Fontanaud, quant à lui est désigné après que le lieutenant Mesnieux ait demandé à un soldat de dire un nombre. Il choisit le 17. François Fontanaud est le dix-septième nom de la liste. Ils sont donc jugés, condamnés et exécutés ainsi que deux autres de leurs camarades : les soldats Baudy et Prébost. L’historien Jean-Yves Le Naour précise, concernant Félix Baudy et Henri Prébost qu’ils auraient été choisis parce qu’ils étaient syndiqués à la CGT, ils étaient tous deux maçons dans le civil.
Extrait du document CNDP (Centre National de Documentation Pédagogique)
- Inauguration de la plaque commémorative à la mémoire de Jean-Henri Prébost le 28 juillet 2013 à St Martin-Château.
Nous sommes réunis pour rendre hommage et raviver la mémoire de Jean-Henri Prébost fusillé pour l’exemple le 20 avril 1915 à Flirey en Lorraine en compagnie de François Fontanaud, Antoine Morange et Félix Baudy qui a sa tombe à Royère-de-Vassivière avec une plaque à sa mémoire.
Je ne vais pas retracer la vie de Jean-Henri Prébost et les événements qui ont conduit à sa fin tragique et injuste, vous en découvrirez les détails en visitant l’exposition que lui consacre l’association Eclats de Rives à St Martin-Château. Je rappellerai simplement qu’ils furent tous les quatre fusillés pour l’exemple après que leur compagnie eût refusé de repartir à l’assaut le matin du 19 avril 1915. Leur régiment avait perdu plus de 600 hommes les jours précédents au cours d’une série d’offensives aussi infructueuses que meurtrières.
Il faut souligner que ces attaques inutiles étaient commandées par des états-majors pour qui la vie ou plutôt la mort des hommes de troupe était le dernier des soucis, à l’image du tristement célèbre général Nivelle dont les offensives du Chemin des Dames ont coûté la vie à 160 000 poilus pour un résultat nul !
Pour résumer, je dirai que Jean-Henri Prébost et tous ceux, si nombreux, dont les noms emplissent les monuments aux morts, ont été sacrifiés à un militarisme absurde et meurtrier.
J’ajouterai que le sort particulièrement tragique des quatre fusillés de Flirey et de tous les autres fusillés pour l’exemple dénonce le caractère implacable et inhumain de la mécanique guerrière qui s’est installée au pouvoir en Europe au début du 20ème siècle. On sait quelles atrocités elle a ensuite généré, faisant de ce siècle le plus meurtrier de l’histoire des hommes. Nous savons tous aussi que les idéologies guerrières sont bien toujours présentes sous les formes les plus diverses et sont prêtes à se réactiver au moindre prétexte partout dans le monde. C’est pourquoi par cet hommage rendu à la mémoire de Jean-Henri Prébost notre démarche est avant tout pacifiste. A travers ce terrible passé de la première guerre mondiale c’est aussi à notre présent que nous nous intéressons.
Je terminerai en rappelant que si Jean-Henri Prébost et ses compagnons ont bien été réhabilités en 1934, plus de 600 fusillés pour l’exemple ne le sont toujours pas…Le combat pour leur réhabilitation est toujours d’actualité, il est aussi important pour leur mémoire que pour nous-mêmes car leur réhabilitation marquera l’avancée de notre pacifisme et notre volonté de continuer à dire : “MAUDITE SOIT LA GUERRE“.
Michel Lagoeyte
Président d’Eclats de Rives.
- Aujourd’hui des associations comme la Ligue des Droits de l’Homme, la Libre Pensée, Le Mouvement de la Paix ou l’Association Républicaine des Anciens Combattants continuent à militer pour la réhabilitation des fusillés de la Grande Guerre. Les historiens estiment à environ 600 le nombre des fusillés pour l’exemple durant cette guerre. Selon le général Bach, ex-chef du service historique de l’armée de terre, une cinquantaine d’entre eux seulement ont été réhabilités, dont une trentaine en 1934.