Un Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) a ouvert à Eymoutiers. Un autre va ouvrir prochainement à Peyrelevade. Pour comprendre dans quel cadre ces installations se situent, nous vous proposons une immersion dans le dédale des procédures auxquelles sont confrontés les demandeurs d’asile.
Le droit d’asile
En France, selon l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides), le droit d’asile est “la protection qu’accorde un État d’accueil à un étranger qui ne peut, contre la persécution, bénéficier de celle de son pays“. Ce droit est reconnu par la Constitution. Il ne s’applique qu’aux non Européens. La gestion des flux des demandeurs d’asile est régie par une multitude de textes et traités internationaux et européens. Si l’espace Schengen est un espace de libre circulation pour les ressortissants européens, il ne l’est pas pour les extra Européens et l’Europe tend actuellement à “externaliser“ les réfugiés hors de ses frontières. En France depuis 2007, le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) a transféré la compétence en matière d’attribution du droit d’asile du ministère des Affaires Étrangères au ministère de l’Intérieur. L’Office de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) a la charge de ces populations.
Les demandeurs
Le demandeur d’asile est une personne qui fuit la guerre, les persécutions, la mort de ses proches, la torture, les viols… Il n’est pas toujours préparé à tout quitter et son voyage est parfois périlleux. Ce n’est pas un clandestin. Pour les pays d’accueil, c’est, en dépit des grands principes affichés, un indésirable, un fraudeur en puissance et sa présence n’est acceptée qu’au bout d’un véritable parcours du combattant.
Le nombre et la nationalité des demandeurs d’asile varient au fil des années en fonction de l’actualité internationale : de 60 000 dans les années 1990 (en lien avec l’éclatement de l’ex URSS et des guerres des Balkans qui ont suivi) il a fluctué selon les années de 20 000 à 55 0000. En 2013 la nationalité dominante pour l’Union européenne est (sans surprise) syrienne. En France, en 2010, les réfugiés représentaient 4 % de l’immigration légale. En 2013 sur 66 000 demandeurs l’OFPRA et la CNDA (cour nationale du droit d’asile) ont accordé un peu plus de 11 000 asiles. L’augmentation des demandes d’asile mise en exergue ces dernières années est à relativiser : s’il est vrai qu’elle augmente, elle n’a pas rattrapé les chiffres des années 1990.
Les CADA
Les CADA ont vocation à héberger les demandeurs d’asile pendant l’étude de leur dossier par l’OFPRA et, en cas de recours, la CNDA. L’entrée en CADA est subordonnée à l’obtention d’une autorisation temporaire de séjour (ATF) comme le résume rapidement le schéma ci-dessous. Mais obtenir ce sésame n’est pas chose si facile !
Les CADA sont financés par l’État à travers les préfectures qui en fixent la tarification. Leur gestion est déléguée à une association ou une entreprise via un appel d’offre et donne lieu à la signature d’une convention. Les organismes gestionnaires sont de deux types : des associations militantes qui se sont professionnalisées (comme ce sera le cas à Peyrelevade) ou des sociétés d’économie mixte, comme à Eymoutiers.
En 2013 ont été créées 2 000 places de CADA portant leur nombre à 21 410 pour environ 33 000 demandeurs admis au séjour. Il s’agit de réduire la concentration des flux sur certains territoires (41% des demandes arrivent en Île de France). De plus les demandeurs qui n’ont pas de place en CADA sont hébergés dans des dispositifs d’urgence extrêmement onéreux et l’accompagnement dont ils bénéficient pour leurs démarches est souvent sommaire. Les personnes hébergées en CADA ont un taux de réponse positive à leur demande deux à trois fois plus importante que l’ensemble des demandeurs, du fait d’un meilleur accompagnement mais aussi d’une sélection à l’admission. C’est donc dans cette double logique d’amélioration de l’accueil, de réduction des coûts mais aussi de meilleure répartition sur le territoire que s’inscrit l’ouverture de ces nouvelles places et que se sont montés les CADA d’Eymoutiers et de Peyrelevade.
En dépit de cette augmentation, le nombre de places en CADA reste très insuffisant du fait de la durée des procédures et donc des séjours. Les délais d’attente sont très longs et seuls un tiers des admis au séjour pourra en bénéficier. Les célibataires n’y ont quasiment pas accès.
Un rouage du système de contrôle des demandeurs d’asile
Les CADA sont totalement subordonnés aux préfectures et du fait de l’obligation de transmettre les informations sur l’état des procédures, ils contribuent à une meilleure localisation des demandeurs d’asile, plus faciles à expulser en cas de rejet de leur demande, plus faciles à repérer en campagne qu’en ville… La professionnalisation des encadrants au détriment de l’aspect militant, l’arrivée sur le marché de gestionnaires plus axés sur l’aspect managérial qu’humain pose la question à terme, du soutien apporté. Il suffit de comparer les pages d’accueil d’ADOMA (gestionnaire du CADA d’Eymoutiers) et de Forum Terre d’Asile (gestionnaire du CADA de Peyrelevade) pour s’en rendre compte. Cette question est d’autant plus importante que le budget accordé aux CADA se décide au niveau national et qu’on peut craindre que la priorité aille aux moins disants. Le soutien et les aides financières sont strictement contingentés. Beaucoup de ces aides ne sont pas une obligation, comme le montre l’utilisation systématique, dans la circulaire qui régit actuellement les CADA, du verbe pouvoir (et non devoir)… On peut également s’interroger sur les critères de l’attribution de la prime d’intéressement promise à certains directeurs. Enfin, la gestion des places en CADA étant nationale, une personne peut se voir proposer une place à l’autre bout de la France, devant abandonner les liens qu’elle a pu commencer à tisser, réalisant par là un deuxième exil.
Les demandeurs d’asile ayant déposé leurs empreintes digitales, figurant dans divers fichiers, soumis au règlement intérieur de leur CADA et surtout en attente d’une décision vitale, risquent peu d’être des fauteurs de troubles. Les braves gens peuvent dormir tranquilles ! A contrario, l’arrivée d’un CADA en zone rurale est parfois l’occasion de redonner vie au village comme en Lozère, à Chambon-le-Château. C’est la possibilité d’une ouverture, de rencontres.
Dominique Alasseur