Un Creusois dans la “guerre du Mexique“ (1861-1867)
Les guerres du XXe siècle n’ont pas été les seules à marquer les histoires familiales. Exemple : l’itinéraire d’Antoine Papounaud qui enchaîna la guerre du Mexique et celle de 1870.
L’expédition du Mexique, décidée et réalisée par Napoléon III, est une partie peu connue de notre histoire, si ce n’est la célèbre bataille de Camerone (1863), un haut-fait de la Légion étrangère [enfin “haut“ : paraît-il !]. On sait moins que 38 500 jeunes français y effectuèrent leur service militaire. Des documents familiaux nous renseignent sur “un gars du Plateau“, des plus anonymes, qui découvrit ainsi sans l’avoir voulu le climat tropical – mais pas les plages ! – de Vera Cruz. Libéré de ses obligations militaires après 7 ans réglementaires de service (1861-1867), il eut même droit à un petite “allonge“ durant la guerre franco-allemande de 1870-1871.
En renfort contre les Mexicains
Nous pouvons reconstituer les grandes lignes de son parcours militaire à partir de la copie de ses états de service, de son livret militaire, de sa médaille commémorative de l’expédition du Mexique et de son certificat de bonne conduite. Ce petit bonhomme d’1m 59, aux yeux bleus sur un visage ovale, surmontés de sourcils blonds, était né le 3 mars 1840 à Auriat (Creuse), dans une famille de métayers. Il fut incorporé le 20 août 1861 au 2è Régiment d’Infanterie de marine de Brest, n’ayant “aucune infirmité apparente ou cachée qui puisse l’empêcher de servir“ et, d’autre part, “n’étant pas marié“. Il embarqua pour le Mexique à Brest en août 1862, soit 9 mois après le début de la guerre, sur un navire appelé Le Duquesne. Après une escale à Cherbourg, où il changea de bateau (Le Sibylle), son régiment débarqua à Vera Cruz le 11 novembre 1862, ce qui représente tout de même 3 mois de mer. Ce contingent faisait partie d’un renfort de 26 000 hommes, jugé nécessaire après les premiers échecs de 1862.
Brave soldat revient de guerre
De ses véritables états de service, on sait peu de choses, si ce n’est qu’il revint en France à partir de Tampico en avril 1864. Ces quelques 17 mois sont résumés par ces mots : “a tenu une bonne conduite... et a constamment servi avec honneur et fidélité“. C’est ce qui justifia sans doute l’obtention de la médaille commémorative. On sait aussi qu’il n’eut : “Blessures : néant / actions d’éclat : néant“. “Brave soldat revient de guerre“ : il avait sans doute eu de la chance. Il lui restait tout de même 3 ans et demi de service à accomplir, ce qu’il fit à Brest, jusqu’à sa libération le 31 décembre 1867 ! Ce fut donc probablement pour lui un joyeux réveillon. Il n’eut guère le temps de profiter de son retour en Creuse, en tout cas ni pour se marier ni pour faire d’enfant. En août 1870, il était rappelé dans le même régiment, incorporé dans l’armée du Nord, combattant les “Prussiens“, qu’il quitta le 25 mars 1871.
Un fils mort à Verdun
Il se maria donc assez tardivement à Marie Chapoulaud, de 18 ans sa cadette, fille de son patron, Guillaume, meunier à Labassat (Saint-Junien-la-Brégère). Quand naquit leur premier enfant, Eugène (1874), le père avait 34 ans, mais la mère seulement 16. Ils vécurent le reste de leur vie entre Saint-Junien-la-Brégère, Royère et Saint-Martin-Château. En 1885, Antoine abandonna le métier de cultivateur pour embrasser celui de meunier. Il avait donc survécu à deux guerres. Son fils aîné n’eut pas cette chance, puisqu’il mourut à Verdun le 22 juin 1916, quelques semaines avant son père : il avait déjà 42 ans ! (mais que faisait-il donc là, à cet âge ?)
Michel Patinaud