En 2012 Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie et du Redressement productif, annonce la relance de l’exploitation minière sur tout le territoire français et l’octroi imminent de dix permis exclusifs de recherche. Après Tennie dans la Sarthe, le deuxième permis est octroyé en novembre 2013 pour le site de Villeranges dans la Creuse. Depuis, l’opposition au projet s’organise.
Le permis exclusif de recherche de Villeranges qui concerne la recherche d’or, d’argent, de zinc, de cuivre, de tungstène, d’étain, d’antimoine et de substances connexes (en fait 45 métaux) a été confié à la société Cominor, filiale de La Mancha. Le périmètre de recherche concerne 47 km², soit sept communes : Auge, Bord-Saint-Georges, Chambon-sur-Voueize, Lépaud, Lussat, Tardes et Sannat (pas très loin de Gouzon et tout près de l’étang des Landes).
De vieux routards des mines
La compagnie minière La Mancha est détenue par un millionnaire égyptien, Naguib Sawiris, son siège social est au Canada et ses fonds d’investissement au Luxembourg. Cette compagnie exploite des mines en Australie et en Côte d’Ivoire. La Mancha a créé pour l’occasion une société nommée Cominor avec une adresse à Paris et nommé Sébastien de Montessus comme directeur et Dominique Delorme comme directeur adjoint. Ces bienfaiteurs qui viennent développer notre territoire sont des vieux routards des mines, anciens d’Areva. Dominique Delorme a été directeur de la mine d’or du Bourneix en Haute-Vienne, fermée en 2002, où des analyses d’eau récentes dans l’Isle mettent en évidence des taux d’arsenic alarmants ! Ce qui traduit une mauvaise étanchéité du vallon acheté par Areva qui y a englouti des tonnes de minerai. Sébastien de Montessus était, lui, chargé d’évaluer en 2007 la ressource minière de la société Uramin qui, une fois rachetée par Areva, s’est avérée être une vaste arnaque : zéro ressource en uranium, 2 milliards de pertes pour Areva et donc pour les contribuables français, 2 milliards envolés dans la nature ! Sans doute la plus grosse affaire de rétrocommissions entre la France et l’Afrique depuis les frégates de Taïwan... Faites leur confiance ! Leur communication repose sur un discours minimaliste sur des travaux de recherches et met constamment en doute l’ouverture d’une mine. Quand elle est envisagée elle est présentée comme une mine propre utilisant de nouvelles techniques. Il s’agit là d’un mensonge puisque les techniques d’extraction d’or n’ont pas évolué depuis 50 ans et utilisent toujours du cyanure.
Une mine à ciel ouvert en 2019 ?
Une première phase de travaux de recherche a pris fin en février 2015. Il s’agissait alors d’effectuer des carotages et des relevés géochimiques sur un périmètre plus réduit de 3 km² sur la commune de Lussat. Le préfet de la Creuse a ensuite autorisé, toujours sur ce petit périmètre, le 28 août 2015, et ce jusqu’au 31 décembre 2015, la deuxième phase de travaux, qui consiste à faire des forages jusqu’à 450 m de profondeur ! 8 km de trou au total ! A l’heure à laquelle cet article est écrit (fin novembre) aucune machine ne s’est installée sur le site. Serait-ce grâce à la mobilisation des opposants ? Mystère...
Trois permis de recherche avaient déjà été délivrés dans les années 1980 à Lussat. La découverte en préfecture des résultats de 24 km de sondages effectués dans les années 1980 et de la demande de concession de Total Compagnie Minière révèle 30 tonnes d’or disponibles ainsi que le projet d’une usine de cyanuration installée au bord de la rivière à Lussat. Une usine qui, par souci de rentabilité, nécessitait l’exploitation de tous les gisements du nord de la Creuse ! L’actuelle société Cominor connait donc les teneurs estimées puisque le périmètre choisi est presque identique. Ceci nous laisse penser que l’exploitation serait rentable aujourd’hui.
Une fois la deuxième phase de travaux de recherche terminée, la société pourra présenter ses résultats au gouvernement pour demander une concession. Ce scénario aboutirait à l’exploitation d’une mine à ciel ouvert en 2019, comme annoncé sur le site de La Mancha !
Menaces sur l’eau
Ce remake des années 1980 a un goût amer pour les habitants de Lussat et ses agriculteurs à l’heure où la commune s’est mise au “vert“ en soutenant largement le développement du tourisme lié à la zone Natura 2000 de l’étang des Landes (propriété du Conseil départemental) située à 2 km du périmètre du permis, et classée Réserve naturelle nationale. Rappelons aussi que le cœur des recherches se situe au dessus de la nappe phréatique qui constitue la réserve en eau potable de 18 communes ! Placer une usine et une mine à cet endroit condamnerait la ressource en eau potable déjà fragilisée par la présence d’arsenic. La station dédiée à la dépollution de cette eau a déjà bien du mal à se rapprocher des limites de potabilité (10µg par litre). Alors pourquoi faire courir le risque d’empoisonnement aux métaux lourds de la seule nappe phréatique du département ? Pourquoi sacrifier la vallée de la Voueize, zone humide classée Zone nationale d’intérêt écologique faunistique et floristique ? Pourquoi la population devrait-elle faire confiance aux industriels qui arrivent la bouche en cœur en prétendant exploiter les mines proprement ?
Opposition
L’association STOP MINES 23 s’est attachée à informer la population et a remuer les élus pour arrêter cette mascarade. Elle s’oppose à ce projet de mine et au permis de recherches en cours. Il ne s’agit pas d’attendre la menace d’un permis d’exploitation pour se réveiller ! Par son action elle a obtenu le positionnement contre le projet de 7 communes dont 6 directement concernées par le périmètre de recherche, du Conseil départemental, du Conseil régional et, plus récemment, de l’Association des Maires et Conseillers de la Creuse. Autant dire la quasi totalité des élus creusois ! L’association organise des stands informatifs, des réunions publiques et, cet été, a proposé un festival contre l’extractivisme (No Mine’s Land). Elle réfléchit à des projets alternatifs sur le secteur qui pourraient prendre la forme de recycleries pour matériaux technologiques, d’activités pâtissières, d’activités légères de kayak et de découverte des richesses naturelles de la Voueize (dont le fameux triton crêté, emblème du logo). Fin novembre, un courrier a été adressé à Michel Vergnier, député, et maire de Guéret, pour lui suggérer une demande de moratoire signée par l’ensemble des élus opposés. L’association attend toujours une réponse... Une plainte a également été déposée au tribunal administratif de Limoges pour abus de pouvoir, en partenariat avec l’association Sources et Rivières du Limousin et avec l’aide précieuse d’Antoine Gattet, juriste et spécialiste du Code minier. Tout renfort et toutes idées sont évidemment bienvenus !
Perrine Garreau
Contact : STOP MINES 23. www.stopmines23.fr - contact@stopmines23
L’association se réunit tous les 15 jours
à Chambon-sur-Voueize.- Pas qu’en Creuse !
La reprise de l’exploitation minière en France s’est traduite depuis 2012 par l’attribution de 16 nouveaux permis exclusif de recherche (PER), dont deux en Limousin : Villeranges (Creuse) et Bonneval (Haute-Vienne).
Les autres sites en France sont ceux de Tennie (Sarthe et Mayenne), Merléac (Côtes d’Armor), Beaulieu (Loire-Atlantique), Saint-Pierre (Maine-et-Loire), Dompierre (Ille-et-Vilaine), Beauvoir (Allier), Cressy (Saône-et-Loire), Penlan (Finistère), Kanbo (Pyrénées-Atlantiques), Couflens (Ariège) et Olivet (Mayenne).
Les permis exclusifs de recherche de Silfiac (Côtes d’Armor et Morbihan) et Loc-Envel (Côte d’Armor) ont été suspendus fin novembre grâce à l’action des associations Douar Di Doul et Mine de rien et à la mobilisation des élus.
Enfin trois permis ont également été délivrés en Guyane.
En savoir plus : www.panoramine.fr