Suite à l’article sur l’utilisation des pesticides en forêt dans le précédent numéro d’IPNS, nous avons reçu une réponse de la CFBL, afin d’ “apporter (leur)part de réalité“. Les citations en italique sont extraites de ce courrier.
Tout en comprenant l’impasse technique dans laquelle le modèle sylvicole pousse les propriétaires forestiers, nous avons souhaité porter à la connaissance de nos lecteurs ces pratiques forestières, qui, bien loin d’être une nouveauté (un témoin affirme que des produits étaient déjà utilisés sur les plantations qu’il effectuait à la fin des années 80), restent assez généralement méconnues du public. Toutes les informations provenaient de sources officielles (DRAAF) ou professionnelles (revue Forêt-Entreprises). Il n’y a pas de raison de croire que les travaux expérimentaux sur le pesticide Suxon Forest aient été réalisés hors d’un cadre légal et public. Cependant, bien peu de gens non directement concernés par les questions de gestion forestière consultent ces sources.
En dépit de l’urgence technique de la situation, nous pouvons cependant nous étonner de l’usage, même s’il est temporaire, d’un produit aussi controversé. En effet, début janvier, l’EFSA9 a publié un rapport indiquant le lien entre l’utilisation des pesticides de la famille des néonicotinoïdes (dont fait partie l’imidaclopride, matière active du Suxon Forest) et la mortalité des abeilles. L’UNAF10 a réagi et recueilli 300 000 signatures sur une pétition demandant le retrait de ces produits. Les experts des Etats membres de l’Union Européenne doivent se prononcer sous peu. Quant aux autres pistes explorées, espérons qu’elles visent non pas la substitution d’un produit dangereux par un autre, mais plutôt une remise en cause du système de production monoculture / coupe rase, dont il est clairement établi qu’il est la raison première du risque hylobe (parasite des résineux).
A ce jour (07/03/13), le site officiel du ministère de l’Agriculture n’affiche toujours pas cette décision. L’ANSES11, chargée de délivrer les homologations des produits a été sollicitée par l’association Générations Futures pour publier les décisions d’homologation, tel que stipulé par la réglementation, ce qui n’était pas fait jusque là. Fin février, l’ANSES s’est engagée à publier ces informations d’ici un mois. Bref, en l’état actuel, la seule information disponible sur l’homologation du Suxon Forest est celle fournie par la CFBL.
Encore une fois, nous n’avons pas de raison de douter du respect de la réglementation par la CFBL. Toutefois, rappelons ici que nous avons simplement transcrit les paroles de notre témoin-planteur, qui affirmait que “les conditions ne permettaient pas toujours de se protéger efficacement“. Sur cette question de la sécurité des travailleurs, un lecteur nous fait parvenir de manière fort opportune un article12 reprenant les conclusions du rapport de la mission d’information sénatoriale remis en octobre 2012 au Sénat, dont les positions sont bien éloignées de la mièvrerie concupiscente, voire partisane, du précédent rapport de l’OPECST13. Ce dernier affirmait par exemple que la mortalité des abeilles était liée à “une gestion sanitaire déficiente“ des ruchers par les apiculteurs. Le rapport de 2012 met en lumière d’une part “le manque d’information des utilisateurs sur la dangerosité de ces substances“12, et d’autre part le fait que l’efficacité des Equipements de Protection Individuelle (EPI) ne faisait pas partie des critères pour l’homologation d’un produit. “En clair, le produit est mis sur le marché, mais rien ne garantit que l’EPI adapté existe.“13
Il est évidemment souhaitable de ne pas tomber dans l’amalgame caricatural et stérile. Une diversité de pratiques existe, et certains entrepreneurs de la filière rencontrés depuis se défendent d’appliquer ces pratiques. Soulignons simplement que, en dépit du caractère dérogatoire de l’utilisation du Suxon Forest ces deux dernières années, le nombre de plants traités en France en 2011 s’élevait à 11 millions14, sur un total de 32 millions de plants vendus (tous résineux confondus, dont certains insensibles à l’hylobe)15 ; ce qui représente 55 tonnes de Suxon Forest.