Au-dessus du lac de Vassivière, la lande du Puy de la Croix a fait l’objet l’an dernier d’un travail de mise en valeur par le paysagiste Alain Freytet et le CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) des Pays creusois, avec, entre autres, la création d’un sentier d’interprétation. Nous laissons ici ses concepteurs nous présenter leur travail.
Trois regards croisés
Le projet du sentier de la lande du Puy de la Croix s’est inventé en menant de front trois points de vue : le paysage, la connaissance naturaliste et historique du site et la poésie. Le paysagiste a travaillé plus particulièrement sur “l’aménagement“ ou plutôt le “ménagement“ du site, pour faire passer de façon discrète et légère le sentier, et construire quelques éléments inspirés du patrimoine local, comme une loge de berger, une tour belvédère, des ponts planche monolithes, un ponton sur le lac… Le CPIE des Pays creusois s’est attaché à l’interprétation, pour rendre la nature et le pays lisibles et compréhensibles. Il assure aussi la conception d’un carnet, en cours d’édition, accompagnant l’aménagement. Enfin, le conteur et poète Bernard Blot a écrit le fil poétique du trajet, sous la forme d’un conte inspiré et issu des lieux et des ambiances traversés. On peut rêver qu’une telle mutualisation puisse être activée plus souvent. Les projets d’éco-quartier et de plan paysage qui démarrent actuellement sur le plateau vont du reste dans cette direction.
Un projet d’aménagement de longue haleine
Tout projet d’envergure dure. Celui-ci a duré 6 ans, porté par Le Syndicat Mixte de Vassivière, aménageur du site et gestionnaire du domaine du Conservatoire du Littoral, à ce jour propriétaire de plus de 330 ha autour du lac dont l’emblématique site de la lande du Puy de la Croix. Projet qui, dès le départ, a été soutenu avec une confiance réaffirmée par Jean-Philippe Deslandes, délégué Lacs du Conservatoire, sous l’attention des deux Présidents successifs du Syndicat, Renée Nicoux puis Stéphane Cambou, par ailleurs Président du Conseil de Rivages des 16 Lacs français sur lesquels intervient aujourd’hui le Conservatoire du Littoral. La force de ce projet réside avant tout dans la recherche permanente de cohérence entre les actions de génie écologique visant à restaurer un site naturel périclitant par la déprise agricole et le projet de valorisation touristique. Ou comment faire en sorte que l’activité humaine, par le biais du pastoralisme, se réapproprie un espace pourtant façonné par la main de l’homme pendant des décennies tout en amenant le visiteur à la compréhension de l’histoire d’un territoire par le prisme de cette vaste lande à bruyère, relique symbolique du plateau de Millevaches.
Un trajet de paysage hors des chemins battus
Pour pénétrer les paysages traversés, le cheminement a été conçu comme une sente animale, qui relie des ambiances variées, des atmosphères fermées et des ouvertures sur le lointain. Un sentier parsemé de contrastes qui appellent chaque visiteur à varier son rythme, ses efforts de marche, susceptibles de créer une émotion personnelle, un éveil permanent de tous les sens. Ce trajet ainsi fait, permet un contact physique intime avec la lande et les autres milieux traversés, les berges du lac, le ruisseau, le vallon boisé, la lande humide, et encore le fourré à genévriers où le sentier crée un effet labyrinthe, laissant une incertitude de s’y perdre. Enfin, la rencontre avec les brebis limousines, en été, contribue à la valeur du projet. La qualité des aménagements est dû en grande partie au savoir-faire de l’entreprise d’insertion FELIM, en charge des travaux d’aménagement, qui a su façonner les cheminements et les différents ouvrages de bois et de pierres taillées.
Un sentier naturaliste et culturel
Chacune des séquences d’interprétation, correspond à un milieu, à une expression de la flore, de la faune et du travail de l’homme actuel ou passé, dont la connaissance intime a été traduite par le CPIE des Pays creusois sur des supports d’interprétation implantés sur deux lieux spécifiques, le belvédère et le ponton du lac, qui semblent préexister à l’aménagement. Le belvédère en pierre, qui offre une vue grandiose sur la lande et le lac, sert de support à de grandes planches illustrant le paysage visible du site actuel et celui du début du siècle dernier et des planches présentant la faune et la flore des milieux traversés. Plus bas, le ponton de bois implanté au bord du lac, illustre la nature et la vie du lac et de ses berges. Les textes qui accompagnent les illustrations racontent sobrement l’histoire de cette vallée au destin si peu ordinaire.
Un trajet poétique
Le conte de Bernard Blot qui enrichit le projet d’une géo-poétique, s’est nourrit des légendes du Plateau et des milieux traversés lors des nombreuses reconnaissances communes. La traduction du conte par les croquis du paysagiste, puis leur mutation en pierres sculptées par l’artiste Vincent Estaque, donne au parcours la familiarité d’une chasse au trésor qui nous mène jusqu’à la pierre de l’énigme puis à la loge de l’amour. La présence du Centre d’art contemporain et du paysage à proximité, les nombreuses initiatives artistiques du plateau, les sculptures en bas-relief des croix et des vieux monuments du territoire, ont orienté le projet vers cette création interprétative. La plupart des sculptures ont été taillées sur des blocs en place et le sentier a été tracé en fonction de ces affleurements et leur capacité à raconter la légende. Malgré son jeune âge, le sentier s’enracine déjà dans le pays, certains jeunes visiteurs imaginant que ces sculptures datent du Moyen Age… Le projet s’efface pour laisser la place au paysage et à l’histoire.
Bernadette Freytet, directrice du CPIE
Alain Freytet, paysagiste d.p.l.g.
Aurélien Arvis, directeur du Syndicat Mixte du Lac de Vassivière