Quand tout un village se mobilise pour défendre son école, et se réunit sur la place publique pour interpeller ses élus, c’est un moment rare de vraie démocratie.
Comme dans la plupart des communes rurales, en particulier sur le Plateau, la fermeture programmée des écoles communales va bon train, orchestrée par les inspections d’académie. La particularité pour celle de Tarnac est que le conseil municipal avait carrément donné son accord, par un vote très controversé à une voix près, pour accepter la proposition de l’inspecteur d’académie où il n’était pas question d’emblée de suppression de poste mais de regroupement pédagogique avec Bugeat.
Tout le monde connaît pourtant l’issue d’un tel scénario, surtout dans nos territoires où des exemples de ce type sont nombreux et aboutissent tous, à plus ou moins long terme, à une fermeture définitive. Aussi, les parents d’élèves, les conseillers municipaux qui avaient voté “contre“ et les habitants en général, ont voulu manifester leur colère et leur consternation devant une telle décision.
Il faut ajouter qu’à Tarnac, l’enjeu pour la municipalité, qui semble avant tout poursuivre un but de rigueur budgétaire, était aussi que la fermeture de l’école avait pour autre conséquence le désengagement de la commune vis à vis de la “maison communale“.
Cet établissement, à mi chemin entre la maison de retraite et le logement communal classique, avait été créé par l’équipe municipale précédente, et fonctionnait pour la préparation des repas, en partenariat avec l’école. Plusieurs emplois étaient donc menacés.
Comment imaginer qu’un conseil municipal, certes pas à l’unanimité mais majoritairement, puisse avaliser une telle décision, qui consistait, à mots couverts, à supprimer de leur commune deux des principaux lieux de vie ?
Quelles qu’en soient les véritables raisons, les Tarnacois ont réagi en montrant qu’il est possible, avec un vrai débat citoyen, d’intervenir dans des décisions qui, dans ce cas précis, avaient été prises sans consulter la population. Cette dernière, en s’emparant, et de la parole et du pouvoir de décision, a réussi à faire changer d’avis les élus, et dès le lendemain, le maire annulait la délibération prise précédemment.
Une centaine de personnes, principalement habitants de la commune, et quelques autres venus en voisins, s’était réunie dans la soirée du 15 juin 2012, sur la petite place devant la maison communale de Tarnac. Une sono fut vite installée et le micro circula entre différentes mains, pour donner la mesure de la décision que venait de prendre le conseil municipal, dans son “huis clos“. Le maire fut mis devant ses responsabilités sans ménagement, mais l’ambiance, au début très tendue prit vite une tournure plus cordiale. On put assister à des scènes quelque peu surréalistes, avec des inversions de rôles entre élus et simples citoyens, qui donnent à réfléchir sur la pertinence de nos institutions territoriales.
De toute évidence, ceux qui venaient d’accepter la logique comptable de l’administration, n’avaient pas de quoi étayer leur démonstration pour tenter de se justifier. Devant la détermination des habitants qui usèrent d’arguments pertinents et bien exposés, cette logique ne faisait pas le poids.
Une autre vision de la vie dans nos territoires ruraux était en train de triompher, là, sur cette place publique : celle de conserver la vie, tout simplement ; la vraie vie d’un village, avec des générations mélangées, des enfants qui jouent dans les rues sous le regard des aînés, des commerces, des fêtes et des occasions de se réunir, des lieux aussi pour travailler ensemble. Cette vision-là avait en effet toutes les chances de faire plier celle de gestionnaires frileux, de ceux qui peut-être, ne voient plus nos communes du Plateau que comme les “bronze-culs“ pour touristes en mal de nature sauvage ? La question ne date pas d’aujourd’hui.
Deux visions donc qui, durant cette assemblée, se sont affrontées en direct et spontanément, et qui ont fini par se rejoindre et se coordonner, ne fut-ce que pour quelques instants... L’avenir de l’école et de toute la commune de Tarnac valait bien de “batailler“ un peu...
Quelques élus, ceux qui s’étaient opposés à la décision du conseil municipal, participèrent ensuite aux réunions, aux journées d’occupation de l’école et aux diverses manifestations, aux côtés des parents d’élèves. L’ancien maire, Jean Plazanet, était aux premières loges !
Les choses allèrent assez vite vers un résultat positif : l’école de Tarnac, alors qu’elle n’avait soi-disant plus de raison d’exister, fut maintenue dans sa structure actuelle pour la rentrée
.
Mais il reste une dernière manche encore à gagner : la consolidation du poste de l’institutrice, qui est toujours dans un cadre de remplacement.
André Nys