Le 18 février 2014 à la mairie de Pontarion, lors de la dernière réunion du comité de pilotage du site Natura 2000 de la vallée du Thaurion, il a aussi été question de coupes de bois et plus particulièrement des formations de “hêtraies à houx“ qui sont considérées comme un milieu “d’intérêt communautaire“ mais qui devraient aussi être protégées en tant qu’habitat vital pour des espèces animales elles mêmes d’intérêt communautaire (plusieurs espèces de chauves souris en particulier).
Coupe rase : un habitat “suspendu“
Faisant le bilan de l’évolution de ce site Natura 2000, la structure qui anime le programme pour le compte de l’État, le Conservatoire d’Espaces Naturels du Limousin, a constaté qu’entre 2007 et aujourd’hui, 65 ha de hêtraies à houx ont disparu sur le site du fait de coupes à blanc. Ces coupes ont, la plupart du temps, été faites sur des pentes très raides et une bonne partie en Haute-Vienne, un des départements les moins richement dotés en superficie Natura 2000 dans notre pays (8 974 ha sur 13 sites, soit 1,6% du territoire départemental selon la DREAL ; 9,5% en Corrèze, 7,2% en Creuse, 12,4% en France). Bien entendu, ces 65 ha ne représentent qu’une partie de ces coupes, les milieux forestiers “plus banaux“ n’étant pas pris en compte.
Le représentant du Centre Régional de la Propriété Forestière a essayé d’atténuer cet amer constat en prétendant que l’on ne pouvait parler de destruction d’habitat que si la coupe rase était suivie d’une plantation, de Douglas par exemple. Sinon, pour lui, l’habitat reviendra de lui-même et ne serait donc que “suspendu“ pour quelques temps... ! Il faudra vérifier ce qu’il en est en l’occurrence sur les sites concernés, mais compte tenu des travaux qui y ont été effectués, il serait étonnant qu’on attende la repousse naturelle…
Dévastation durable
Si la disparition des 65 ha a, finalement, peu fait réagir le comité de pilotage, plusieurs de ses membres ont vivement contesté l’assertion selon laquelle il n’y avait pas destruction, alors que le retour de l’habitat qui était considéré comme méritant une protection ne pouvait guère être espéré avant 100 ans. Et on ne parle pas de toutes les fonctionnalités qui ont disparu, en particulier celle de terrain de chasse pour les chiroptères…
Il est donc malheureusement de plus en plus évident que même le dispositif Natura 2000 actuel et les divers outils qu’il met en œuvre (contrats forestiers visant au maintien sur pied de boisements âgés, évaluation préalable des incidences potentielles de travaux prévus sur le milieu et les espèces, charte de “bonne conduite“ dont les représentants des forestiers demandent pourtant “l’assouplissement“), ne permettent pas du tout de protéger les habitats forestiers, pourtant listés à l’annexe I de la directive Habitat et, de plus, habitat d’espèces.
Et y’a plus qu’à se servir
Et si Natura 2000 n’est pas très efficace pour sauver les boisements naturels âgés, on peut espérer qu’il reste au moins les dispositifs réglementaires de protection des sites et des paysages. Et bien, même pas ! Sur le site classé des Rochers de Clamouzat à Faux-la-Montagne, c’est une malencontreuse coupe qui a été effectuée chez le voisin sous l’égide d’un célèbre expert forestier. Et là encore, le CEN Limousin est concerné puisque c’est lui qui est propriétaire de la parcelle ! Pas de bol, le CEN…
Guy Labidoire
(IPNS n°46, mars 2014)
- Retour sur le Plan pluriannuel régional de développement forestier (PPRDF)
Obligatoire de par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010, le PPRDF a été écrit par la Région et la DRAAF, en étroite collaboration avec le monde des forestiers. Précédé par une analyse d’un bureau d’étude plus porté sur la finance et l’économie que sur l’environnement, il débute par cette phrase “L’objectif du PPRDF est d’accroître la valorisation économique du bois, en améliorant sa production et en augmentant sa mobilisation“.
Vers une exploitation durable ?
La fin de la phrase “dans le respect des principes de la gestion durable et multi-fonctionnelle des forêts“ n’est là que pour faire croire que l’environnement ne sera pas sacrifié. En fait, et les associations de défense de l’environnement qui ont été consultées pour le principe mais qui n’ont pas été associées à la réalisation de ce plan, l’ont bien signalé dans un courrier au Préfet : ce plan est vide sauf l’annonce d’un objectif de mobiliser 350 000 m3 de bois supplémentaires par an d’ici 2016 et un zonage du Limousin pour répartir ce supplément. Le groupe de travail censé traiter de la gestion durable de la forêt n’a abordé que le thème de la communication, sans réflexion sur le fond du problème !
Une contestation prise en compte ?
La mobilisation citoyenne qui a suivi la consultation publique organisée en pleines vacances de Noël, et celle des associations naturalistes, a cependant perturbé l’élaboration de ce plan qui n’a été définitivement adopté que le 26 juin 2014, et a permis d’y rajouter un ou deux paragraphes sur la biodiversité forestière et sur l’effort d’amélioration et de renouvellement des peuplements forestiers. Ces ajouts ne sont cependant que de pure forme car ils ne sont liés à aucun objectif. Notons au passage le détournement du mot écosystème dans le sens de système économique alors que son sens courant s’applique à l’ensemble du vivant et de ses interactions dans un espace donné.
Une mise en application précipitée
Les conséquences environnementales de cette pression supplémentaire sur la forêt dépendent des Orientations Régionales Forestières (ORF) qui datent de 1999 alors que les connaissances sur l’impact de l’exploitation forestière à grande échelle ont beaucoup évolué, de même que les réglementations environnementales et la mobilisation sociétale vis à vis de pratiques souvent trop brutales pour la nature. Les associations ont donc demandé la révision de ces ORF avant toute mise en œuvre du PPRDF. Cette demande n’a pas été acceptée puisqu’en février 2014, un Programme Régional de la Forêt (PRF) a été mis au point, pour l’application du PPRDF, sous forme d’un contrat entre l’État, la Région et l’inter-profession (BOISLIM), ce qui montre une certaine précipitation puisque le PPRDF n’était pas formellement adopté.
Où va t’on ?
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause la fonction économique de la forêt mais de demander une exploitation qui respecte ses autres fonctions envers la biodiversité, l’eau, les hommes, le climat. Il faut d’ailleurs constater que les alarmes lancées par les défenseurs de l’environnement commencent à faire réfléchir certains forestiers qui s’inquiètent de l’impact possible du développement forcené de la filière bois-énergie s’appuyant sur un prix ridiculement bas du combustible à base de bois dans un modèle économique qui nie totalement les cycles naturels. De plus, la forte progression de l’exploitation des bois de feuillus risque d’entraîner un enrésinement important des massifs puisque les replantations de feuillus sont très largement plus rares que les replantations en résineux.
Il reste aux associations de défense de l’environnement à s’impliquer dans la refonte des ORF que la DRAAF semble vouloir engager.
Michel Galliot
Limousin Nature Environnement
Du 16 novembre au 2 décembre 2014, Limousin Nature Environnement organise sa quinzaine de la biodiversité, dont le thème en 2014 est l’arbre et la forêt.