Les demandeurs d’asile suivent un circuit balisé : enregistrement et acceptation de leur demande, rédaction de leur histoire, attendre l’entretien OFPRA (office français des réfugiés et apatrides). En cas d’accord ils obtiennent un titre de séjour d’un an renouvelable ou de 10 ans. En cas de refus à l’OFPRA ils peuvent faire un recours à la CNDA (cour nationale du droit d’asile). S’ils ne répondent pas aux critères nécessaires à l’obtention de l’asile ou s’ils n’arrivent pas à bien défendre leur dossier, ils sont déboutés et ont un mois pour quitter le CADA. Actuellement un peu plus d’un tiers des demandeurs d’asile reçoit une réponse positive (cela dépend des nationalités). A ce jour mieux vaut être Afghan ou Syrien qu’originaire de RDC (République démocratique du Congo) ou du Kosovo. Un exilé, débouté du droit d’asile devient un sans papier, privé du droit à travailler, privé d’aides sociales, privé même du droit à l’hébergement d’urgence du 115 (même si cela n’est pas écrit), et nous avons eu des familles avec de jeunes enfants dans la rue. Sans papiers ils n’existent pas. Ils ont cependant la possibilité de faire une demande de titre de séjour dans certaines conditions précises dont une preuve d’hébergement. Les déboutés peuvent par ailleurs recevoir une OQTF (obligation de quitter le territoire français) qui peut être contestée au tribunal administratif avec l’aide d’un avocat.
À Peyrelevade, un an plus tard qu'à Eymoutiers, l’histoire se répète à l’identique. Dès l’ouverture du CADA, des liens forts se sont créés avec les résidents, de façon d’abord informelle à Eymoutiers, plus formelle à Peyrelevade. Dans les deux cas de multiples associations (sportives, culturelles, politiques, issues de l’économie sociale et solidaire, caritatives), des élus et des anonymes se sont mobilisés. La population, hormis quelques fâcheux, s’est montrée bienveillante. À Eymoutiers, très vite s’est posée la question des déboutés. Avec des résidents du CADA nous avons créé l’association le MAS (Montagne Accueil Solidarité), pour accueillir, tisser des liens, répondre aux besoins, offrir et accompagner des hébergements. Nous avons hébergé, dans des locaux désaffectés, chez des particuliers, dans deux appartements prêtés par la mairie qui nous en a confié la gestion. Nous avons toujours fonctionné dans l’urgence, au fil des décisions de la CNDA. Nous avons toujours trouvé des solutions, plus ou moins bricolées, mais nous avons, à ce jour, toujours pu répondre à la demande dans le respect de la dignité des personnes et de leurs choix.
Nous organisons des déménagements, meublons des logements, gérons des covoiturages… Nous offrons dans la mesure de nos moyens une aide pour payer les titres de séjour qui coûtent parfois très cher, donnons si besoin une (petite) aide pour la survie. Un certain nombre de déboutés a obtenu un titre de séjour (souvent précaire), certains sont repartis, d’autres sont toujours ici. Nous avons développé une certaine expertise des conditions nécessaires pour accueillir et avons pu partager cette expérience. Le MAS propose un groupe de rencontres régulières entre résidents, déboutés et habitants, pas juste pour organiser des activités mais pour être ensemble : échanger, partager, se connaître, discuter des problèmes pour mener ensemble des actions collectives... Nous avons créé un groupe local Cimade pour le soutien juridique et nous nous sommes formés pour nous orienter dans le dédale du droit des étrangers. Pour nous financer, nous organisons des événements et des animations auxquels participent les résidents et ex résidents du CADA, bénéficions de (quelques) subventions et dans l’ensemble fonctionnons avec des dons. Tout cela prend du temps et de l’énergie, est parfois émotionnellement difficile, mais riche aussi de beaux moments et de belles rencontres. Nous ne parlons que de ceux qui réussissent à arriver ici, mais il faut savoir que le parlement européen met au vote des textes qui vont renforcer les barrières aux portes de l’Europe(forteresse), créant un nouveau corps de garde-frontières (sans mandat de sauvetage !!), facilitant encore plus les refoulements vers les pays tiers, malgré les nombreuses critiques relatives aux risques de violations des droits, y compris celles émises par les Nations Unies et les instances européennes de défense des droits (Conseil de l’Europe, Agence des Droits Fondamentaux de l’UE, Médiateur de l’UE, Contrôleur des Données Personnelles de l’UE).
L’État a installé dans une colonie de vacances EDF une quarantaine de personnes déplacées de Calais : Afghans, Soudanais, Irakiens, Ethiopiens, etc., majoritairement célibataires, ne parlant pas le français et peu l’anglais. Cette arrivée s’est décidée en une semaine, dans l’urgence. Ces personnes “volontaires“ ne savaient pas où elles arrivaient. Un tiers est reparti par ses propres moyens la semaine suivante. D’autres les ont remplacés. Beaucoup ont déposé une demande d’asile. Lors des journées asile d’avril, ils nous ont régalés d’un buffet de plats afghans, ils ont dansé sur les chansons de Siian (moment magique). Le CADA ADOMA d’Eymoutiers a été chargé de la gestion du CAO. L’association Familles Rurales (pour les cours de français) et le Secours Populaire se sont beaucoup investis. Aujourd’hui le CAO est fermé, colos obligent ! ADOMA s’est retiré. Un certain nombre de personnes a été placé ailleurs du jour au lendemain, une dizaine est encore ici, dans des gîtes mis à disposition par la mairie, qui, dans l’attente, va assurer la gestion de leur accueil et des dossiers. La situation de certains résidents et ex-résidents est préoccupante. D’autres déplacés de Calais arrivent prochainement…
Un groupe d’habitants s’est initialement constitué pour mettre à disposition une maison afin d’accueillir des déboutés. Finalement c’est une famille demandeuse d’asile venant de Paris qui l’occupe. Elle a été adressée par une association qui tente de soustraire les personnes aux conditions d’accueil défaillantes en Ile-de-France, où il faut attendre des mois, dans la précarité la plus absolue, avant de déposer sa demande d’asile à la préfecture. La mairie a accordé une subvention. La Cimade d’Eymoutiers les a aidés à rédiger leur récit.
Ce bref aperçu ne donne qu’une vision très limitée de ce qui se joue ici car, petit à petit, s’est créé un vaste réseau de solidarités qui actuellement dépasse les limites du territoire. Les journées asile de 2014 et migrants en avril 2016 ont attiré entre 200 et 300 personnes à chaque fois, et ont bénéficié d’une bonne couverture de presse. Les résidents et ex-résidents des deux CADA, du CAO de Peyrat-le-Château, les demandeurs d’asile de Saint-Martin-Château, y ont participé et ont eu ainsi l’occasion de se connaître. La formation organisée par la Cimade le 1er avril 2016 à Peyrelevade a attiré 25 personnes venant de tout le Limousin (dont Meymac et Uzerche) et a dû refuser du monde. Outre son exposé de l’après-midi, un membre italien de Recosol (réseau de communes solidaires qui intègrent des exilés) est venu présenter l’expérience italienne à quelques maires du plateau (Cf. l’article sur Riace dans IPNS n°45, accessible sur son site internet). La matinée inter associative a réuni plus d’une dizaine d’associations et de groupes de personnes venues de Limoges, Guéret et même Paris, porteuses d’initiatives diverses allant du soutien scolaire dispensé aux enfants du CADA par un groupe de lycéens, à la prise en charge des primo arrivants en région parisienne.
La question est souvent posée : pourquoi s’intéresser spécifiquement aux étrangers alors qu’il y tant de précarité chez nous ? À cela plusieurs raisons : tout d’abord parce que nous souhaitons vivre dans un monde où les valeurs sont celles de la solidarité, de la confiance et de l’ouverture à l’autre et non de la méfiance et du repli. Nous ne voulons pas d’un monde qui laisse des gens mourir à notre porte, qui les prive du droit d’exister. Dans notre pays les étrangers sont objets de méfiance, de suspicion, ils sont exclus d’un certain nombre de droits comme le rappelle le Défenseur des Droits dans son dernier rapport.
Il nous paraît qu’on ne peut pas segmenter la solidarité. En ces temps de détricotage social, nous savons que les atteintes aux droits débutent par les plus vulnérables, et se propagent ensuite vers les autres catégories de la population. Nous entendons la souffrance de nos concitoyens et sommes convaincus qu’en défendant les droits des étrangers c’est leurs droits, à terme, que nous défendons. Les paroles du pasteur Niemöller (1892–1984) sont encore d’actualité : “Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas communiste. Alors ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n’ai rien dit parce que je n’étais pas syndicaliste. Puis ils sont venus chercher les Juifs, et je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas Juif. Enfin ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre.“ Nous refusons l’argument économique (très contesté par ailleurs) car comme le disait Hannah Arendt : “Si nous nous obstinons à concevoir le monde en termes utilitaires des masses de gens en seront réduites à devenir superflues“.
Certes nous faisons face actuellement à des arrivées massives mais c’est loin d’être la première fois ! La France est de tout temps une terre d’immigration et ces multiples arrivants n’ont cessé de nous enrichir au fil des siècles. Depuis la préhistoire, les humains n’ont cessé de migrer à travers le monde et près d’un million sept cent mille Français vivent à l’étranger.
Nous savons que nous ne sommes pas seuls. Partout en France, dans le monde, des personnes, des associations, des municipalités parfois, s’organisent pour accueillir des exilés quelles que soient les raisons de leur exil. Le réseau Hospitalité, ouvert à tous les exilés, quel que soit leur statut, prend de l’ampleur. Et nous ne parlons là que de ceux qui réussissent à arriver ici... Il faut en effet savoir que le parlement européen met au vote des textes qui vont renforcer les barrières aux portes de l’Europe-forteresse, créant un nouveau corps de garde-frontières (sans mandat de sauvetage !), facilitant encore plus les refoulements vers les pays tiers, malgré les nombreuses critiques relatives aux risques de violations des droits, y compris celles émises par les Nations Unies et les instances européennes de défense des droits (Conseil de l’Europe, Agence des Droits Fondamentaux de l’UE, Médiateur de l’UE, Contrôleur des Données Personnelles de l’UE).
Sachons aujourd’hui encore accueillir et faciliter l’installation sur la Montagne limousine, traditionnellement terre d’accueil, des personnes désireuses de vivre ici, où elles ont trouvé refuge. Comme leurs prédécesseurs elles sauront amener de nouvelles énergies dans nos villages.
“Ils touchent plus que le RSA ! “
Combien de fois n'a-t-on pas entendu dire que les réfugiés étaient bien mieux servis que les bénéficiaires du RSA ! Pour en finir avec cette fausse idée, rien de mieux qu'un petit tableau comparatif. Face aux rumeurs et aux fantasmes, les chiffres rétabliront la vérité.
Comparatif RSA / ADA (allocation) pour demandeur d’asile | |||
Mensuel | RSA | ADA | |
hébergé centre d’accueil sans repas | non hébergé | ||
personne seule | 524 € | 202 € | 330 € |
seul avec 1 enfant | 787,02 € | 306 € | 432 € |
seul avec 2 enfants | 944,43 € | 408 € | 534 € |
seul avec 3 enfants | 1154,29 € | 510 € | 636 € |
seul avec 4 enfants | 1364,15 € | 612 € | 738 € |
couple | 787,02 € | 306 € | 558 € |
couple 1 enfant | 944,43 € | 408 € | 660 € |
couple 2 enfants | 1101,84 € | 510 € | 762 € |
couple 3 enfants | 1311,70 € | 612 € | 864 € |
couple 4 enfants | 1521,56 € | 714 € | 966 € |
“Si un homme, une femme, un enfant souffrent et que personne ne veut les secourir, vous entendrez tout. Toutes les excuses, toutes les justifications, toutes les bonnes raisons de ne pas leur tendre la main. Dès qu'il s'agit de ne pas aider quelqu'un, on entend tout.
À commencer par le silence.“
Ainsi commence le texte de Daniel Pennac édité par 40 éditeurs jeunesse et destiné à manifester leur solidarité avec les réfugiés.
Ce petit livre vendu 3 € au bénéfice de la Cimade est illustré par Serge Bloch, dont nous avons largement utilisé les dessins pour accompagner ce dossier sur les exilés.
Contacts :
Groupe local CIMADE d'Eymoutiers
06 41 45 66 17
MAS d'Eymoutiers
06 78 73 53 04
La Cimade de Peyrelevade
07 78 54 28 74
MAS de Peyrelevade