Pierre Urien a été parmi les fondateurs de l’association Les maçons de la Creuse, créée à Felletin en 1996.
Dès 1998, en qualité de responsable de la commission historique et ethnographique de l’association il publie “Quand Martin Nadaud maniait la truelle… La vie quotidienne des maçons limousins, 1830-1849“. À cette époque quelques 30 à 40 000 creusois quittaient chaque année pendant huit ou neuf mois leurs villages. Ils rejoignaient les chantiers de construction essentiellement dans les villes pour assurer la subsistance de leurs familles.
À l’occasion du centenaire de sa mort il n’écrit pas une nouvelle biographie de Martin Nadaud. Il puise des citations dans Les Mémoires de Léonard et prend appui sur son témoignage pour nous donner à comprendre ce qu’a été le travail et tous les aléas de la vie quotidienne des migrants creusois à Paris. Il complète l’expérience de Martin Nadaud par des citations du Solitaire. l’auteur inconnu des Souvenirs d’un maçon de la Creuse, parus en feuilleton dans le journal La Croix de Limoges quelques mois après la publication des Mémoires de Léonard pour s’opposer aux idées républicaines développées par Martin Nadaud Pour confirmer ces deux témoignages d’une exceptionnelle qualité publiés dans les années 1880, Pierre Urien rassemble une profusion citation de textes empruntés à des journalistes et des politiciens, à des préfets et des fonctionnaires, à des historiens et des philosophes, à des romanciers et essayistes ; de multiples et différentes manières ceux-ci évoquent la trace laissée par ce phénomène migratoire dans l’ordinaire de notre histoire nationale. Jusqu’à son décès en 2004, Pierre Urien annote son ouvrage de nouvelles réflexions et citations avant de transmettre ce travail au président des Maçons de la Creuse.
Une réédition complétée de cette riche étude s’imposait. Elle est augmentée par le travail remarquable que nous livre Jean-Luc de Orchiandano sur Les migrants de la maçonnerie à Lyon de 1830 à 1849. Jean-Luc est aussi membre des Maçons de la Creuse et nous a déjà laissé un ouvrage important : Lyon, un chantier limousin : les maçons migrants (1848-1940) dont les lecteurs d’IPNS ont lu avec grand intérêt de bonnes feuilles en 2007 et 2008.
Sous diverses formes l’association Les Maçons de la Creuse, forte de quelques 450 membres répartis dans toute la France, poursuit des travaux de reconnaissance, de recherche et de mémoire dans notre patrimoine bâti national pour y retrouver l’empreinte de cette migration creusoise multiforme qui s’est étendue depuis le XIV° siècle jusqu’au milieu du XX° siècle. À titre d’exemple, du 13 juillet au 30 septembre 2016 l’exposition d’été du village de Masgot : “Jean Teilhard un maçon migrant contemporain de François Michaud“. Serge et Dominique Montagne, au terme d’une longue et difficile enquête ethno-sociologique, nous font découvrir le cadre de vie et de travail d’un ancêtre maçon né aux Essarts, le village voisin de Masgot dont ils ont suivi les marques de sa migration en Bourgogne entre 1849 et 1856.
À Felletin l’association Les Maçons de la Creuse a déjà rassemblée une abondante et précieuse documentation qu’il conviendrait de mettre à la disposition du public. Gageons que la Municipalité parviendra un jour à dépasser sa gestion financière maniaco-parcimonieuse pour ouvrir ce dossier de la conservation de ce fonds d’archives ; sachant que de toute manière cette question demeure liée au devenir du Lycée des métiers du bâtiment et au destin de son site prestigieux.
Alain Carof