Les articles que nous avons consacrés dans notre dernier numéro à PEFC et à l’arnaque que représente ce “vrai-faux“ label ont suscité de nombreuses réactions. Du côté de PEFC d’abord qui, interrogé par la presse locale se contentait de répondre de manière anecdotique sur la certification du parking du supermarché d’Eymoutiers : “On s’est fait piégé !“ ou “Nous sommes encore une jeune structure...“ C’était bien évidemment répondre à côté de la plaque. Non, PEFC ne s’est pas fait “piégé“, comme l’indique sa présidente dans La Montagne, puisque cela faisait plus d’un an que tous les éléments du dossier et de la fausse certification avait été remise entre leurs mains pour qu’ils corrigent le tir, ce que notre article signalait très clairement. La vérité est que PEFC ne veut pas voir les questions posées dans l’article et qui sont autrement plus fondamentales... Dommage : ce n’est pas ce genre de réponses qui permet de penser que PEFC cherchera dans l’avenir à être plus exigeant. De la même manière lorsque Christian Beynel dans sa réponse ci-dessous nous fait dire ce que nous ne voulons pas dire (en gros instituer une surveillance quasi policière de la forêt ! Même si c’est de l’humour.), il esquive la question des rapports entre gestion forestière, objectifs écologiques et production industrielle. Une question de fond, qu’IPNS abordera dans un très prochain dossier.
“Ne pas attendre de PEFC ce que PEFC n’offre pas“
Ayant déjà participé aux débats sur PEFC, je réagis sur les articles de Marc Lajara. Comme l’encart le dit bien : PEFC est une marque commerciale. Il est bien de se le rappeler pour ne pas attendre de PEFC ce que PEFC n’offre pas. La marque assure au consommateur que le produit frappé du logo est issu d’une production conforme à la législation forestière, sociale et environnementale. Pour l’assurer, elle met en place la traçabilité depuis l’origine forestière en passant par les différentes étapes jusqu’au produit final. Dans cette limite PEFC me semble une bonne initiative, et j’en salue l’existence. PEFC n’a rien à voir avec une sylviculture écologiste, ni avec la futaie irrégulière, ni avec la surface des coupes pour peu qu’elles soient conformes à la législation, soient agréées par un plan simple de gestion, ou par un autre document de gestion. Les règles légales sont déjà une bonne chose, et la menace de perdre son agrément PEFC suite à une coupe non autorisée, une pollution grave de rivière ou un autre délit est une menace lourde pour une entreprise qui souhaite avoir pignon sur rue. L’engagement dans une gestion plus écologiste que celle préconisée par certains ténors de la filière bois du Limousin ne dépend pas de PEFC. Des modes de gestion Prosylva, “proches de la nature“, en futaie irrégulière ou jardinée existent déjà en Limousin et aussi sur le Plateau. Ils ne sont pas contraires aux règles PEFC, et bien des forêts gérées d’après ces principes sont également certifiées PEFC. Devant certaines futaies d’épicéa mal adaptées aux conditions du Plateau, la proposition d’une gestion en futaie irrégulière n’est pas la bonne. Ni techniquement, ni écologiquement. Leur remplacement pur et simple est certainement nécessaire. Les coupes rases sur le Plateau concernent souvent des futaies d’épicéa bien mal à leur place et peu enclines à se régénérer naturellement. Le douglas peut être une essence particulièrement intéressante à impliquer dans des gestions en futaie irrégulière. Sociable, se régénérant bien naturellement, produisant un bois de grande valeur, capable d’atteindre un âge élevé et peu menacé par des maladies, le douglas peut être mené en futaie mélangée avec d’autres essences, feuillues ou résineuses, ou en futaie irrégulière, en faisant cohabiter plusieurs générations en même temps sur le même terrain. Pour finir, je voudrais rappeler que le nombre d’arbres plantés n’est pas le bon indicateur pour connaître les forêts de demain. Presque toutes les forêts feuillues et les futaies irrégulières en général, ne se régénèrent pas en pépinière, mais par semis spontané depuis les arbres parents sur place : c’est ce que nous appelons la “régénération naturelle “.
Hans Kreusler, technicien forestier
“PEFC n’est qu’une étape qui va dans la bonne direction“
Votre blague de potache a démontré que PEFC n’est pas une organisation bureaucratique. Nous ne sommes pas encore dans une société contrôlée à 100% digne du meilleur des mondes. Tous les arbres, toutes les parcelles ne sont pas encore repérées par une balise GPS, reliée à un satellite espionnant le moindre individu coupant un arbre dans une zone Natura 2000 pour se faire son bois de chauffage.
Voulez-vous une société normalisée, contrôlée, espionnée où le moindre geste sera enregistré dans une base de données centralisée ? Voulez-vous remplir des questionnaires, des formulaires qui s’empilent et qui font perdre à tous du temps précieux et qui dégoûtent les plus courageux ?
PEFC n’est pas parfait, aucune organisation humaine ne l’est, et repose fort heureusement sur la confiance, sur l’adhésion volontaire, sur la responsabilisation et la prise de conscience des enjeux environnementaux de la planète qui dépasse et de loin le plateau de Millevaches qui sera victime du changement climatique qu’il subit plus qu’il ne le crée.
Au contraire, notre forêt que vous décriez tant, le combat en fixant, reconnaissez le, des quantités très importante de CO2 que nous pouvons évaluer à 1 000 000 tonnes par an alors que l’exploitation forestière sur le territoire du PNR ne dégagerait que 10 000 t selon une des dernières études du PNR. PEFC dans sa forme actuelle n’est qu’une étape qui va dans la bonne direction et qui nous oriente vers une gestion plus respectueuse de l’environnement et vers les types de forêt que vous réclamez de vos vœux. Sa deuxième version va plus loin que la première. Ceux qui acceptent son cahier des charges prennent conscience de leur responsabilité ; pas seulement à court terme mais aussi vis-à-vis des générations futures.
Dans vos nombreuses déclarations particulièrement lors de la fête de Peyrelevade vous vous inquiétez avec juste raison du non reboisement de nombreuses coupes. Nous aussi, les causes en sont multiples, nous essayons de combattre cette tendance, mais les signataires de PEFC prennent l’engagement de maintenir l’état boisé et se soumettent volontairement à de nombreux engagements que je vous recommande de lire.
Nous avons installés une forêt après bien des tâtonnements. En 1920, la société nous demandait de planter des sylvestres pour produire des bois de mine, dans les années 1950, de l’épicéa pour produire du papier. Les bons conseils n’ont pas manqué. Le douglas ne pousse pas au dessus de 700 m ai-je entendu de la part d’un responsable du fonds forestier national sur un ton péremptoire dans les années 1965 alors que j’admirais les douglas de l’amiral Breuil installé à plus de 900 m à la Vergne sur la commune de Pérols-sur-Vézère. J’ai relu Marius Vazeilles : lui était prudent, il parlait d’installer une forêt provisoire, stade nécessaire, permettant d’adapter notre forêt à notre milieu, de bien choisir les essences et les modes de conduite.
Nous sommes entre deux mondes. Nous pouvons conduire nos arbres comme les plantations des Landes et créer une ligniculture à base de douglas ou basculer vers les modèles de l’Est avec une forêt irrégulière, exploitée de manière progressive, arbre par arbre. Il est probable que ces deux techniques voisineront pendant longtemps si le changement climatique ne perturbe pas trop nos efforts et nous donne le temps d’affiner nos connaissances.
Aussi, modestement, avec notre GDF Millevaches aidé par le CRPF, nous cherchons à améliorer l’existant, à vulgariser toutes les techniques, à donner des possibilités de choix aux forestiers y compris celles que vous préconisez mais avec retenue et modestie.
Le danger, à mon sens, le plus grave est l’appropriation d’une grande partie de notre forêt par des intérêts extérieurs à la région conduisant notre forêt à être une simple réserve de matières premières et non un outil de développement pour le Limousin. Une grande partie de notre forêt est une forêt de racines, c’est-à-dire une forêt possédée par les locaux et les originaires de notre région qui ont cru à la forêt comme un moyen de conserver leurs racines rurales ou de les retrouver. Là, à mon sens, est le véritable enjeu.
Christian Beynel
Vice –président du Groupement de développement forestier de Millevaches