Maladie de Lyme, les tiques attaquent !
Au retour d’une journée en forêt, mauvaise surprise : une tique s’est accrochée. Vous la retirez et deux jours après, voici une grande plaque rouge et une vague grippe hors de saison puisqu’on est en été. Allô docteur : “Que voici un bel érythème migrant ! C’est la maladie de Lyme“. Et vous voici parti pour 15 jours, 3 semaines, d’une bonne dose d’antibiotiques. Dans l’immense majorité des cas c’est la fin de l’histoire... Une histoire qui semble de plus en plus fréquente depuis quelques années. Nous avons cherché à en savoir plus sur cette maladie.
La maladie de Lyme est due à des bactéries (les borrélia) qui sont inoculées par la salive des tiques (ixodes), elles mêmes contaminées au cours de leurs repas précédents auprès des petits et grands mammifères de la forêt.
La tique peut infecter l’homme à tous les stades de son développement. Sa piqûre est indolore (sauf allergie). Le risque de transmission est d’autant plus important que la tique reste longtemps en place. Il y a différentes familles de tiques. Chez nous c’est plutôt ixode ricinii, présente partout sauf en haute montagne et en principe sur le littoral méditerranéen. Les tiques mordent surtout à la fin du printemps et à l’été. Toutes les tiques cependant ne sont pas contaminées, et le taux de contamination varie fortement (10 à 50 %) selon les pays et les régions. Cela signifie qu’une piqûre de tiques n’est pas systématiquement contaminante.
Une maladie émergente
En France, l’Alsace (données 2011 : plus de 150 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants) et à un moindre degré, le Massif central (50 à 100 cas) sont des zones de forte infestation, mais il y a beaucoup de départements non explorés.
En Limousin , entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2006, 217 cas ont été diagnostiqués (tous stades confondus). Les cantons les plus cités étaient ceux d’Eymoutiers, Saint-Vaury, Ajain, Laguenne, La Roche-Canillac et Saint Privat.
Les personnes travaillant en forêt et dans les champs sont plus à risque, et pour certaines professions la maladie de Lyme est reconnue maladie professionnelle. Mais tout le monde peut être atteint.
La maladie de Lyme est considérée comme une maladie émergente. À cela plusieurs raisons. Certainement un meilleur diagnostic, car la maladie est mieux connue. Mais les cas semblent augmenter tant chez les humains qu’en en ce qui concerne les tiques infectées. Les modifications du biotope jouent certainement un rôle, avec en particulier la disparition des prédateurs des petits mammifères et des prédateurs des tiques (lézards, grenouilles, crapauds et autres salamandres). Les tiques aiment bien les temps chauds et secs ce qui pose la question des modifications climatiques. Enfin les changements de mode de vie (port de vêtements moins couvrants) jouent certainement aussi.
Méchantes Borrélia
Les Borrélia sont un genre de bactéries connu depuis environ 100 ans. Elles sont transmises par les tiques et les poux. Si certaines manifestations sont décrites depuis longtemps, le lien avec les morsures de tiques et l’attribution aux borrélias sont récents. C’est en 1975 qu’un médecin fait le lien à Lyme (États-unis) entre morsure de tique et une épidémie d’arthrites (inflammation articulaire). Le groupe des borélia burgdorferi senso lato (identifié en 1982) comprend lui-même 36 espèces , dont trois seraient responsables de la maladie de Lyme. Les Borrélia de la maladie de Lyme ne sont pas présentes de la même façon dans le monde et ne s’attaquent pas aux mêmes organes. On distingue :
- Borélia garinii : tropisme neurologique, très présent en Europe.
- Borrélia burgdorfer stricto sensu : tropisme articulaire, très présent aux États-unis.
- Borrélia afzelli : tropisme cutané, absent aux États-unis.
Les Borrélia sembleraient avoir la particularité dans certains cas de se maintenir dans l’organisme sous une forme plus ou moins latente (et de se réveiller éventuellement). L’organisme a, de ce fait, parfois quelques difficultés à se défendre et les antibiotiques nécessitent des doses parfois importantes sur un temps suffisamment long.
Trois stades
La maladie de Lyme évolue théoriquement en trois stades, sur une période plus ou moins longue de quelques mois à quelques années. Mais en fait les stades peuvent se chevaucher et le passage d’un stade à l’autre, même en l’absence de traitement n’est pas automatique.
Elle peut toucher des organes très différents. Et sauf l’érythème initial caractéristique, mais présent dans seulement environ 70 % des cas, les signes sont très divers et peu spécifiques. De plus il est probable que les manifestations observées soient dues autant à des réactions dysimmunitaires (réactions aberrantes de l’organisme) qu’aux bactéries elles mêmes.
1. La phase primaire :
érythème (rougeur caractéristique en anneau de taille parfois très importante), avec souvent un petit syndrome grippal, qui a tout de même la particularité de survenir au printemps et en été. Elle peut guérir spontanément en trois à quatre semaines. Un traitement antibiotique oral, donné à cette phase permet la guérison.
2. La phase secondaire :
elle peut faire suite à la première phrase, en l’absence de traitement. Elle survient entre un et six mois suivant l’infestation.
Les manifestations neurologiques sont les plus fréquentes en France (neuroborréliose plus ou moins précoce) : douleurs résistant aux antalgiques, souvent nocturnes, insensibilités, fourmillement ; méningite à minima avec maux de tête ; paralysies (faciale chez l’enfant).
Les autres manifestations sont plus rares en France (mais non absentes): manifestations articulaires : arthrites (genou souvent) ; manifestations cutanées : lymphome (tumeur) bénin, atrophies (acrodermatite chronique atrophiante), récidive d’érythème ; autres manifestations cardiaques (troubles de la conduction), oculaires, fatigue, vertiges, etc.
A cette phase le traitement reste antibiotique, parfois en intraveineuse.
3. La phase tertiaire :
aggravation des manifestations précédentes, surtout neurologiques.
Le syndrome “post Lyme“ correspond, après une maladie de Lyme correctement soignée, à l’association d’une asthénie (fatigue), d’algies (douleurs) diffuses, et de plaintes cognitives (sensation de trouble de la mémoire). La responsabilité d’une infection active à Borrélia n’est pas démontrée. La reprise d’un traitement antibiotique n’en modifie pas l’évolution.
Diagnostic
Le diagnostic d’une maladie de Lyme est avant tout clinique. À la phase primaire et en présence d’un érythème migrant il n’y a besoin d’aucun autre examen et le traitement est simple et assure la guérison. Par contre il n’y pas d’immunité acquise et on peut être contaminé plusieurs fois.
La phase secondaire ne survient qu’en l’absence de traitement. Le diagnostic repose sur les signes cliniques et la sérologie. Parfois il faut faire une ponction lombaire.
Dans la région, le test Elisa (qui détecte IgG et IgM) est confirmé par un Western Blott au laboratoire Pasteur de Paris. Une sérologie négative doit être refaite 15 jours après.
Concernant les sérologies, il faut comprendre que les anticorps mettent 15 jours à un mois pour être détectés (les IgM sont d’abord sécrétées et disparaissent en 6 mois, les IgG sont sécrétées ultérieurement et mettent très longtemps à disparaître).
L’inquiétude joue son rôle
Il reste que cette maladie inquiète, par ses modes d’évolution. Passé le stade 1 la symptomatologie est loin d’être spécifique et, à la fréquentation des forums de discussion sur internet, on trouve des symptômes tellement divers et atypiques qu’il est très facile de se trouver malade ! La sérologie elle-même est de peu d’aide. Les anticorps sont sécrétés même s’il y a traitement au stade 1. Une sérologie positive signifie seulement qu’on a été contaminé mais pas forcement qu’on est malade. Par ailleurs des études suisses ont retrouvé des personnes séropositives depuis plus de 10 ans sans aucune manifestation clinique. Pour citer un interniste : “On soigne des symptômes, pas des sérologies!“
Quand elle est prise au stade 2, il semble exister une incertitude sur la guérison définitive.
Reste le syndrome post Lyme dont il est bien difficile de dire s’il est dû à des phénomènes non détectables dans l’état actuel de la science et où l’inquiétude, l’anxiété, jouent certainement un rôle.
Les informations circulant sur les nombreux forums peuvent être utiles mais véhiculent aussi des dires plus ou moins fantaisistes et il y a le risque de tomber sur des personnes abusant de l’inquiétude des visiteurs. Il y a, sur certains, un côté “bienvenue au club“ qui est un peu gênant... En cas de doutes, les services d’infectiologie et de médecine interne de Guéret et Limoges peuvent aider au diagnostic et au traitement.
Pour finir quelques rappels de prévention : éviter de batifoler à demi nu dans la nature ! Sinon, s’inspecter partout partout et retirer au plus vite les tiques au tire-tique (pas à l’éther et autre alcool car alors elles régurgitent leur salive et le risque de contamination augmente) puis désinfecter. Enfin, et pour vous remonter le moral, il y a au moins sept maladies transmises par les tiques ! Et chats et chiens peuvent être touchés.
Dominique Alasseur
Bibliographie
16ème Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse Institut de veille sanitaire réseau Franche-Comté et réseau Limousin, Observatoire Régional de Santé, site orphanet, et Wikipédia.
Remerciements aux Dr Etillé, au Dr Devesa-Mansour (CH Guéret) et au laboratoire Michaud d’Aubusson.
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ThèmeSanté
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