Mon chat a des tiques et des puces… “Et alors ? C’est plutôt banal… Mets-lui un anti-puces et n’en fais pas un fromage !“ Sauf que… le côté “banal“ pose question. Regardons d’un peu plus près…
Plein de bonne volonté, je me rends dans une pharmacie pour trouver un produit qui va bien. Le premier apothicaire me propose une sorte de bombe à laisser diffuser dans la maison : “Efficacité garantie pendant 6 mois ! Mais il faut de préférence ne pas être dans la maison au moment où ça diffuse, et éviter de laisser de la nourriture à l’air libre…“ me précise ledit marchand. Plutôt rassurant, non ? Asperger dans mon logement un produit insecticide efficace pendant 6 mois, ça me paraît un peu louche. Bref, assez peu convaincu, je me rends dans une autre boutique, qui me propose deux produits à asperger directement sur la bête (c’est déjà plus localisé) Advocate® (de chez Bayer) et Frontline® (de chez Merial, filiale de Sanofi-Aventis). Bayer et Aventis excellent dans un autre domaine à forte rentabilité : la production de pesticides. Pas très étonnant, puisque pour combattre des insectes, l’usage veut qu’on utilise… des insecticides !
Des insecticides à la maison…
Donc, la matière active d’Advocate® est l’imidaclopride, et celle de Frontline® est le fipronil. Ces noms barbares ne me sont pas inconnus… L’imidaclopride est la matière active du célèbre insecticide Gaucho® (Bayer), et le fipronil, celle des moins célèbres mais non moins dangereux Régent® (BASF) maintenant interdit et Cruiser® (Syngenta) toujours autorisé. Ces produits ont fait parler d’eux, car ils ont été utilisés en traitements de semences notamment sur tournesol et colza, et ont été sérieusement incriminés dans la mortalité des abeilles, dont Einstein a peut-être dit, mais en tous cas avec raison, que notre survie dépendait de la leur… Les usages sur plantes mellifères sont maintenant retirés, mais l’utilisation de ces produits reste autorisé sur maïs, céréales, betteraves… et sur chats.
Bref, ce qu’on me propose comme produit pour mettre sur le dos de mon chat, qui aime bien dormir sur mes genoux et se faire caresser la couenne, ce sont des pesticides dont l’usage agricole porte à polémique. Evidemment, le risque pour les abeilles est faible pour ce type d’usage, celles-ci butinant rarement sur le dos des chats. Mais qu’en est-il pour la santé du chat, et de ceux qui vivent avec? Ces produits ne sont pas sans risque (infos sur le site officiel agritox.fr). Une dose (nécessairement faible) appliquée sur une semence se retrouve 6 mois plus tard dans le pollen de la plante qui en est émergée, en dose suffisamment élevée pour provoquer une mortalité importante chez les abeilles. Officiellement, l’imidaclopride est classé Xn, c’est-à-dire “Nocif“ par ingestion ; le fipronil quant à lui, est classé T, c’est-à-dire “Toxique“, par inhalation, contact avec la peau et ingestion…
… à utiliser sans précaution ?
Doit-on rappeler que pour utiliser ce type de produits, les agriculteurs sont censés porter des “équipements de protection individuelle“, c’est-à-dire combinaison étanche, masque intégral, bottes et gants ? Et un professionnel de santé me propose d’utiliser ces produits (d’ailleurs posés pêle-mêle parmi les dentifrices, médicaments et couches-culottes) sur le dos de ma bête de compagnie, dans le lieu dans lequel je vis ? Peut-être le marchand veut-il me proposer en même temps une carte de fidélité ! En lisant la notice, on peut lire un bref et laconique “ne pas toucher votre animal pendant quelques (selon fabricant) heures après le traitement, et se laver les mains après application“. Mais combien de personnes lisent la notice ?
“Tout est question de dose“ rétorqueront certains. Sauf que… La méthode officielle d’évaluation de la toxicité est remise en cause par un nombre croissant de scientifiques : pour certaines substances, une seule molécule est potentiellement capable de provoquer l’apparition de cancers. Mais ce n’est pas le sujet ici...
Les tiques de mon chat ne sont bien sûr qu’un exemple, j’aurais pu parler également des antimoustiques et autres insecticides d’usage domestique. C’est pour les entreprises “phytopharmaceutiques“ (comme on dit officiellement et très pudiquement) un moyen efficace d’élargir leurs marchés, d’améliorer la rentabilité de leur investissement de Recherche et Développement (un-sustainable…), et de recycler des produits dont l’usage agricole est sur la sellette. Mais le fonds de mon propos vise essentiellement à incriminer la banalisation de l’introduction de poisons (c’est la fonction objective des –cides : caedere pour tuer en latin) dans nos milieux de vie (faut-il rappeler qu’il y a deux générations, on utilisait encore le DDT comme anti-poux sur le crâne des minots ?). Une étude allemande a révélé la présence d’un insecticide (perméthrine) dans 90% des habitations étudiées ; des données analogues ne sont pas disponibles en France. Mais comme l’a si justement dit André Rico, président d’honneur de la Commission d’étude de la toxicité des pesticides en France : “Ce n’est pas à nous de prendre des décisions par rapport à ceux qui vont naître ; les générations futures se démerderont comme tout le monde.“
Pour plus d’infos sur ces questions de pesticides, consultez notamment le site du MDRGF (Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures) et les livres de François Veillerette et Fabrice Nicolino. Et pour des solutions propres pour les puces et les tiques de votre chat, il y a les tire-tiques, et un bouquin sur le sujet chez Terre Vivante (mais le traitement naturel est un shampoing, bon courage !).
Gaël Delacour