Après une sécheresse marquée jusqu’en novembre 2011 (voir article de décembre 2011, p.16 du n°37 d’IPNS), un mois de décembre 2011 bien arrosé (cf. tableau infra) et de fortes crues de toutes les rivières du plateau avec un pic de crue significatif le 16 décembre 2011, la question du niveau actuel de la ressource en eau revient fréquemment dans les discussions. Retour à la normale ou déficit persistant ?
Des pluies encore insuffisantes
Où en est-on donc véritablement en ce début de mars, alors qu’une partie de l’hiver est déjà dernière nous et que la survenue de quelques beaux jours soulignent déjà l’éventualité d’un nouveau printemps précoce et sec ? Les fortes pluies arrivées bien tardivement par rapport à d’habitude, auront eu pour conséquence de ré-imbiber complètement les sols jusqu’à saturation. Ce faisant, une part des réserves souterraines et superficielles auront ainsi pu se reconstituer. Une part seulement, car le déficit annuel de précipitation ayant été très important, ce sont plusieurs mois de pluie intense en période hors sève, qui sont nécessaires à la recharge complète du complexe hydrogéologique (sols aquifères, zones humides, ruisseaux, cours d’eau) avec en particulier le remplissage des alvéoles granitiques où reposent les grandes tourbières du plateau de Millevaches. Ce sont ces alvéoles tourbeuses qui contribuent probablement pour une bonne part au soutien naturel des débits d’étiage des ruisseaux et cours d’eau de nos hauts bassins. Les failles profondes dans le granite y contribuent aussi, celles qui font que certaines sources ou captages ne tarissent pas. Ces failles ont notamment besoin d’un ennoyage conséquent et durable pour être saturées.
28% de débit moyen fin février 2012
L’assèchement du système ayant été poussé assez loin lors de la saison végétative précédente, il n’est pas évident, si la fin de l’hiver et le printemps prochain demeurent secs, que les réserves soient véritablement reconstituées. Un bon indice à cela est donné par le débit actuel des cours d’eau. La synthèse des données de débits des stations automatiques de dix cours d’eau du plateau donnait mi octobre dernier une moyenne à 12% du débit moyen* d’octobre. Le même pointage réalisé après le dégel, fin février 2012, pour 7 de ces cours d’eau (trois stations de mesures étant momentanément hors service) donne une moyenne de 28% du débit moyen de février, ce qui reste très faible. Même si les sols demeurent gelés en profondeur et que toute l’eau du sol n’est pas encore disponible pour arriver dans les cours d’eau, on peut penser qu’un déficit assez marqué subsiste, au moins supérieur à 50%, lié à une recharge insuffisante des sols et zones d’accumulations superficielles ou souterraines.
Baisse tendancielle des pluies
Et ceci n’est en fait pas vraiment étonnant puisqu’en année normale, pour les localités situées au cœur du plateau, aucun mois ne cumule en théorie moins de 80 mm de précipitations. Or rien que sur les quatre derniers mois, trois d’entre eux sont en dessous de ce niveau et viennent s’ajouter à la mauvaise série de 2011. Ces données climatiques locales 2011-2012 vont dans le sens de ce qui est attendu et observé avec les changements climatiques mondiaux : une baisse tendancielle du régime des précipitations mais surtout un changement marqué dans la répartition des pluies sur l’année avec de forts déficits à un moment auxquels succèdent de forts excès. Alors 2012, encore une année sèche ? C’est fort possible, affaire à suivre. En attendant, anticipons dès maintenant cette hypothèse néfaste éventuelle. A tous niveaux, individuels et collectifs, les solutions existent et sont nombreuses à court terme comme à long terme.
Vincent Magnet
* Débit moyen : débit calculé correspondant aux débits moyens mensuels sur plus de 50 ans.