“C’est par un geste fort porté collectivement à l’intérieur même du pays le plus nucléarisé du monde, que sortir de cette impuissance devient tangible.“ (Appel au camp antinucléaire de Valognes – 22-24 novembre 2011)
Quelle drôle d’idée, entend-t-on ça et là, que d’aller camper dans le nord Cotentin à la fin du mois de novembre. “Ce sont des gens qui n’ont que ça à faire, qui sont un peu perdus, qui s’occupent à bloquer des trains comme à n’importe quelle autre chose“ entendait-on l’autre jour dans la bouche d’un riverain fâché qu’on ait pu enjamber ses barbelés pour un motif aussi futile que de vouloir bloquer un train de déchets nucléaires.
Si nous sommes partis à quelques cinquante compagnons de nos montagnes limousines pour aller camper dans le nord Cotentin à l’heure des premières froidures, ce n’est certes pas pour “bloquer un train“, ni pour témoigner de notre inquiétude quant au sort des déchets de l’industrie électro-nucléaire, ni pour jouer à la balle au prisonnier avec les gardes mobiles, ni pour priver ces derniers de leur camion de ravitaillement, encore moins pour leur piquer du soda*, ni non plus pour déchirer nos culottes dans les talus épineux du bocage valognais... pour rien de tout ça en particulier en tout cas ou peut-être pour tout cela et surtout pour d’autres raisons.
Parce que la catastrophe de Fukushima se rajoute à la longue liste de l’horreur quotidienne et infinie du nucléaire. Parce que nous ne comptons plus nous soumettre à son chantage structurel ni au contrôle et à la gestion dont il est le meilleur alibi. Parce que nous n’attendons rien d’une quelconque échéance électorale et des promesses de “sortie responsable“ du nucléaire en trente ans qui auront autant de temps pour être dédites au gré des campagnes et du vent qui tourne.
Pour attaquer l’industrie européenne du nucléaire à son maillon faible qu’est le flot continu de ses excréments très longue conservation. Pour participer à notre manière à la constitution d’un mouvement international de longue haleine, seul à même d’imposer un arrêt total de ces chaudières infernales.
Nous y avons trouvé massés autour de la chaleur des braseros, bien plus que l’intensité d’une journée militante qui s’en va aussi vite qu’elle est venue, mais bien une attention chaleureuse et une puissance collective qui promettent de se prolonger dans d’autres batailles et d’autres gestes, ici comme ailleurs, toujours en tout cas aussi loin qu’il est possible du sentiment d’impuissance qui ronge cette époque. En voilà des raisons d’aller camper.
Le train CASTOR (Cask for Storage and Transport Of Radioactive material) qui chargeait à Valognes sa cargaison de déchets nucléaires retraités dans l’usine de la Hague, était le dernier d’une douzaine du genre qui ont acheminé des centaines de tonnes de combustible radioactif à travers la France et l’Allemagne, jusqu’au site d’enfouissement temporaire de Gorleben. Ce site, de l’avis même (tardif) des autorités, impropre au stockage longue durée de ces déchets dont nul ne sait quoi faire, a fait l’objet de plusieurs années de lutte de masse en Allemagne. Cette année le train a battu un nouveau record de lenteur en mettant six jours à compléter sa course et à passer, à grand renfort de gaz lacrymogène et de matraques, les multiples manifestations et actions de blocage qui l’attendaient tout au long du parcours. Ce train était le dernier de sa série mais bien d’autres encore le suivront.
* Parmi les quelque six cent personnes qui participaient à l’action, quatre ont fait l’objet de poursuites judiciaires dont une pour détention de fumigène et une autre, sexagénaire, pour “vol d’une canette de soda“ dans le fourgon cantine des CRS.
Quelques campeurs du plateau.
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- Solidarité avec les Ex-BMS à Meymac
Dix-huit mois après la fermeture du site de Bristol-Myers Squibb à Meymac, les ex-salariés de l’un des plus grand lobby de l’industrie pharmaceutique mondiale, ont obtenu du Conseil des prud’hommes à Tulle un jugement reconnaissant leur licenciement abusif. En délocalisant cette usine ultra moderne au profit du marché de la finance c’était trop simple pour BMS de se réfugier dans la procédure d’un licenciement économique alors qu’à Meymac l’entreprise a tout simplement bradé un outil remarquable et performant réalisé à grand coup de subventions, européennes, nationales et régionales, lors de sa création ex-nihilo en 1990 dans la chiraquie triomphante.
Par ce jugement BMS est tenu de verser à tous les licenciés l’équivalent de six mois de salaires. BMS est en outre tenu de rembourser à l’état les indemnités de chômage perçues par ses anciens salariés.
Mais pour autant tout n’est pas gagné et une ambiance morose subsiste à Meymac. La mise en appel du jugement reporte la décision au mois de février 2012. Il importe de ne pas oublier que sont encore très nombreux les ex-BMS en situation précaire, tant l’équivalence d’emploi est pratiquement nulle dans la région. De plus en juin 2012, ils ne percevront plus les indemnités des ASSEDIC, alors on peut comprendre leur insatisfaction devant les indemnités attendues de BMS. D’autant qu’aucune des promesses de la firme américaine n’a été tenue jusqu’alors. Les quelques reclassés à l’usine BMS-UPSA d’Agen ne l’ont pas été dans leur qualification. Les garanties du repreneur du site à Meymac se sont volatilisées : peu d’embauches d’anciens salariés et surtout une forte inquiétude sur les capacités de production de l’entreprise à faire valoir l’énorme potentiel technologique laissé par BMS.
Gageons qu’au mois de février l’association Solidarité ex-BMS obtienne le soutien de la population et des élus du plateau auprès du Conseil des prud’hommes pour qu’il maintienne ses décisions contre l’ogre financier de l’industrie pharmaceutique.
Alain Carof