À Chamberet, Jaquelin et sa compagne Julia sont pris aux tripes par les nouvelles qui finissent par arriver via des membres de la famille installés a New York. Rapidement Jaquelin ne tient plus et part tenter de “faire quelque chose pour son pays“. Il emporte tout ce qu’il peut dans ses bagages mais lorsqu’il arrive sur place l’ampleur des dégâts, des souffrances et des besoins est telle qu’au bout d’une semaine, il n’a plus rien pour soigner. Démuni et dépassé par l’ampleur de la tâche il appelle Julia et lui demande si elle peut prendre l’avion le lendemain… avec quelques milliers de dollars et tout ce qu’elle peut pour soigner…
Quand Julia raccroche, elle a à peine 24 heures pour réunir les remèdes et l’argent nécessaire pour acheter ce qu’ils n’auront pas pu récupérer, alors elle écrit, à tous ceux qu’elle connaît : amis, amis d’amis, herboristes, tout le monde reçoit les mails bouleversants de Julia qui décrit la situation en Haïti: les décombres, les orphelins, les maladies, le choc, le manque d’eau potable, de nourriture, de soins, et l’urgence d’aller prêter main forte. Julia quitte Chamberet 24 heures après l’appel de son compagnon et découvre, en arrivant à New York, que la chaîne de confiance a fonctionné : quelques milliers de dollars et des montagnes de remèdes l’attendent. Elle se dépêche de faire le tour des pharmacies new-yorkaises pour acheter tout ce qui manque et décolle pour Haïti, avec la complicité des agents de la compagnie aérienne qui ferment les yeux sur son irréel surplus de bagage… Lorsqu’elle atterrit, c’est l’odeur de cadavres qui l’accueille…
Certains quartiers ont été particulièrement sinistrés parce qu’ils étaient proches de l’épicentre, d’autres, rassemblant la frange la plus pauvre de la population étaient fait de bric et de broc et de baraquements dont rien n’est resté. C’est là que Jaquelin et Julia ont installés leur “clinique“, là où l’idée même de mériter des soins n’était pas une évidence, là où vivent ceux qui jamais n’auraient imaginé s’approcher des camps de la Croix rouge ou de Médecins sans frontières. En urgence ils ont dressé une table, des chaises, sorti les flacons, les herbes, les granules récoltées à la hâte et ont commencé à soigner du matin au soir pendant un mois. Secondés par un “râleur d’os“1, herboriste, “sage femme“ haïtien, ils ont successivement installé leur clinique dans 5 zones différentes du pays et soigné 3000 personnes lors de leur premier voyage en février 2010.
Les deux premières questions que les gens posent systématiquement à Julia et Jaquelin font froid dans le dos et laissent perplexes quant au genre de traitement auquel sont habitués les Haïtiens… Julia et Jaquelin n’en reviennent pas : presque toujours, les gens demandent si ils vont les vacciner de force et s’ils vont leur donner des médicaments périmés. Stupeur pour ce couple qui n’a ni vaccin ni médicaments dans ses valises et tente avant tout d’apaiser, d’écouter et d’accueillir les gens avec leur souffrance, à commencer par le choc qui les empêche de parler…
Julia se souvient d’avoir distribué du “rescue“2 donné par le pharmacien de Linards (87) à des enfants debout en ligne, rendus muets par le traumatisme. “90 % des enfants ont vu des gens mourir“ explique Julia... “Il a fallu d’abord calmer les gens, les aider à retrouver la parole.“ À base de remèdes homéopathiques, de ventouses, d’élixirs floraux3, de massages et d’huiles essentielles de thym, de lavande, d’arbre à thé, de citron, d’eucalyptus, de pin, de girofle, ils soignent entre autres les problèmes de respiration (ils ont tous respiré beaucoup de poussière), de toux (en janvier c’était l’hiver en Haïti et la plupart des gens, sans toit, ont pris froid en dormant dehors), de diarrhée (l’eau n’était plus potable et ne suffisait plus pour se laver ou laver ses vêtements)… Des remèdes tellement efficaces que les gens semblent redécouvrir la valeur de l’herboristerie traditionnelle et des remèdes que l’on peut faire soi-même à partir de ce qui pousse autour de chez soi. Le bouche à oreille fonctionne et leur amène des personnes qui avaient fait 6 heures de bus pour venir les trouver...
Jaquelin et Julia restent un mois et repartent, après avoir revu certains malades, et laissé à d’autres de quoi continuer les traitements. Automne 2010, deuxième voyage. Julia et Jaquelin soignent encore 2500 personnes, toujours à partir de remèdes naturels. Cette fois ci, le lendemain de leur départ, ils apprennent qu’une épidémie de choléra s’est déclarée ; elle emportera plus de 3000 Haïtiens. Arrivée avec les casques bleus népalais cette épidémie épargne justement les 5 zones du pays où Julia et Jaquelin ont travaillé. Ils n’en reviennent pas puis commencent à comprendre : les 4 huiles essentielles les plus utilisées dans les soins quotidiens, font partie du traitement préventif et curatif du choléra…
Julia et Jaquelin sont repartis en octobre 2011 et retourneront en Haïti au printemps 2012. Aujourd’hui en Haïti seuls 5% des bâtiments ont été reconstruits, et les Haïtiens (pas les diplomates ni les expat’) n’ont accès à l’électricité qu’environ une heure par jour. Jusqu’à présent, Julia et Jaquelin ont été frappés par la relative indifférence rencontrée en France par leur démarche. Aux Etats-Unis, à l’inverse, “tout le monde se sent très concerné par ce qui se passe en Haïti“. Julia et Jaquelin sont évidemment bénévoles, et puisent leur énergie dans la chaîne de confiance qu’ils génèrent…