C’est bien connu, Millevaches est souvent considéré comme un véritable château d’eau pour les régions environnantes. Point origine de nombreuses rivières conséquentes, la Montagne limousine est connue pour être un territoire d’eau du fait de la multitude de ruisseaux, de cours d’eau, de zones humides, 10% du territoire, et aussi un peu du fait de la présence de six lacs de barrage destinés à la houille blanche.
Pourtant, l’année 2011 donne une toute autre image de ce massif habituellement bien arrosé avec une sécheresse très importante et surtout très longue. En observant l’étiage généralisé de nos cours d’eau, cet événement climatique 2011 est donné avec une période de retour1 de 20 ans.
Analysons un peu cette période bien déroutante, notamment pour les agriculteurs et les forestiers. Celle-ci a commencé dès l’hiver dernier avec de faibles précipitations et peu de neige. Le déficit s’est poursuivi ensuite et s’est fortement accentué au printemps avec le départ de la végétation, si bien que début juillet pour l’ensemble des cours d’eau du plateau bénéficiant d’un suivi automatique2 des niveaux d’eau, on a pu constater qu’en moyenne les débits étaient de l’ordre de 10% des débits recensés habituellement à cette période.
Et pour cause, si l’on s’intéresse aux précipitations mensuelles tombées sur notre territoire entre janvier et novembre 2011, le déficit est plus que frappant. Entre janvier et février, c’est moins 60% par rapport à la normale, en mars-avril-mai, le déficit a même été supérieur à 60% et en octobre, bien qu’inégal selon les secteurs il atteint encore entre 50 et 75 % de précipitations. Le mois d’avril a été le plus sec enregistré depuis 50 ans et le mois de mai arrive aussi dans le trio des mois les plus secs.
Seuls les mois de juillet (105 mm au Montfranc) et d’août ont heureusement connus des précipitations supérieures de 20 à 40% à la normale, ce qui a permis de sauver in extremis une partie des récoltes au niveau agricole.
Mais au delà même des précipitations qui ont fait défaut, il faut aussi analyser les températures enregistrées pendant toute cette période.
Le mois d’avril 2011 a connu un record avec des températures de 4,0 °C supérieures à la normale. Juin et août ont été plus raisonnables avec respectivement 1 et 0,5°C supérieur à la normale, tandis que la température de juillet a heureusement été 1,3 °C inférieure à la normale. Si on compare le printemps 2011 avec ceux des 51 années antérieures tel que le montre le graphique de Météo-France, on s’aperçoit bien que 2011 est plus sec que 1976 mais surtout beaucoup plus chaud. Ces températures très élevées notamment en sortie d’hiver, au printemps et en automne, ont donc accentué très fortement l’état de sécheresse sans compter que pendant de nombreuses semaines on a aussi pu constater un vent marqué assez constant et peu habituel, en particulier au printemps. Les températures conjuguées au vent ont rapidement amené un stress de la végétation, l’absence de pousse de l’herbe, puis nos sols drainants à dominante sableuse se sont peu à peu vidés jusqu’à la dernière goutte. Ainsi au 1er novembre 2011, on a pu encore constater des déficits d’humidité des sols sur notre plateau de l’ordre de 50 à 60 %, ce qui est très rare à cette époque habituellement déjà pluvieuse.
Compte tenu de tout cela, on comprend alors que de nombreuses sources jamais taries de mémoires d’anciens soient aujourd’hui à sec, que certains captages communaux ou de villages soient aussi à sec ou sur le point de l’être. Quant aux cours d’eau du plateau, on a atteint seulement en moyenne 12% du débit normal du mois à la mi octobre et 20% à la mi novembre. Les cours d’eau demeurent donc en étiage très marqué depuis plus de huit mois ce qui devient très critique pour la survie des espèces aquatiques. Un bon indicateur du stress généré par cette sécheresse sur les milieux, au delà de celui de nos agriculteurs, est souligné par la pousse exceptionnelle du mycélium générant une cueillette de champignons digne des mémoires des anciens. Au final, donc qui dit pas de pluie dit chez nous pas d’eau. Une telle sécheresse montre bien, contrairement aux idées reçues, la grande vulnérabilité de notre territoire vis-à-vis de la gestion quantitative de l’eau. Il semble donc très urgent de revoir de fond en comble nos modèles de gestion de l’eau que ce soit à des fins domestique, agricole ou touristique, pour s’adapter à la rareté et être ainsi moins vulnérable.
Vincent Magnet
1 Période de retour : La période de retour d’une sécheresse ou d’une crue. C’est la récurrence de l’évènement, donné comme l’inverse de sa fréquence. La fréquence (au dépassement) d’un événement est la probabilité que cet événement soit atteint ou dépassé chaque année. Par exemple, pour une crue de fréquence égale à 1/10, la période de retour sera 10 ans et cette crue sera dite “décennale“. Ce débit de pointe décennal a, chaque année, une chance sur 10 d’être atteint ou dépassé. Donc dans notre cas, le débit des cours d’eau locaux a chaque année une chance sur 20 d’atteindre ce niveau d’étiage.
2 Débits consultables sur la banque hydro : http://www.hydro.eaufrance.fr/