Nous saurons après la rentrée ce qu’il en est des fermetures de classes envisagées pour l’année 2011/2012. On peut supposer qu’il y en aura peu. Faut-il en remercier M. Sarkozy (cf. discours du 19 juin en Lozére) ou bien louer la lutte acharnée des professionnels, élus et parents ?
Ne nous leurrons pas, il n’est pas question de renoncer à la RGPP (révision générale des politiques publiques) destinée à “maîtriser et rationaliser les dépenses publiques tout en améliorant la qualité des politiques publiques“ (Sic !). Le Limousin devait “rendre“ 148 postes (53 dans le primaire et 95 dans le secondaire). L’“effort“ portera sur “les postes invisibles“ : remplaçants, RASED (réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), formateurs, encadrement périscolaire, réduction de certaines options dans les petits collèges et lycées, postes détachés vers l’enseignement spécialisé et le soin. Au total ce sont les élèves en difficulté qui seront pénalisés, les autres, parents aidant s’en sortiront.
Certes, le nombre n’est pas garant de la qualité mais on peut interroger le projet social d’une école qui utilise les structures de soutien aux élèves en difficulté comme variable d’ajustement, ne prévoit pas de remplacer les maîtres (il faudra donc se débrouiller pour récupérer le programme) et qui de fait planifie l’exclusion dès la petite école.
Nous voilà bien loin du modèle républicain, d’un modèle social qui voudrait que l’école tente de réduire l’écart de chance dû à la naissance et de la déclaration que tous naissent et demeurent libres et égaux en droits.
Le texte suivant (Cahier de politique économique N°13 de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique), 1996) traite des politiques de stabilisation économique et d’ajustements structurels et de la faisabilité politique de ces ajustements: “Si on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles et aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement. Cela se fait au coup par coup, dans une école et non dans un établissement voisin, de telle sorte qu’on évite un mécontentement général de la population“.
L’AGCS (Accord général sur le commerce des services), est en cours d’élaboration depuis 1994 par l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Il vise à inclure dans le système marchand et donc concurrentiel les services publics gérés ou sous contrôle de l’État, dont l’éducation.
La dégradation programmée d’un service public, par les réductions de personnel, la baisse d’attractivité et par conséquence la réduction des vocations, la déqualification et la précarisation des personnels ouvrirait donc ainsi la voie à la mise en place d’un service privé présenté comme plus efficace, plus séduisant. A terme seulement apparaîtront la restriction de pans entiers de missions et le coût pour l’utilisateur.
L’éducation nationale est pesante, normative, jacobine. Les initiatives y sont regardées avec méfiance. Elle a certes besoin de réforme. A ce jour son projet reste de délivrer enseignement et éducation à tous les enfants, sans exclusive, pas (encore) de vendre de la formation. Dans ce contexte gagner sur les fermetures de classe ne serait qu’un leurre, le risque étant surtout la dégradation du service offert, la fin de l’éducation pour tous, le rejet des élèves difficiles afin de laisser la place propre pour des organismes de formation. Car la RGPP est fille de l’AGCS.
Ces remarques paraissent bien loin du plateau de Millevaches, quoique… Notre région, du fait de sa situation géographique, économique, démographique est fortement concernée par les services publics, leur dégradation et leur remplacement par des entreprises dont l’objectif n’est pas de délivrer un service mais d’être rentable.
Dominique Weber