Les nuits sont souvent calmes sur le plateau de Millevaches. Pourtant quelques oiseaux de nuits y organisent, l’espace de quelques heures, des rassemblements festifs et clandestins. Récit d’une “Rave Party Limousine“ avec Jérôme dans le rôle du guide.
Il est presque minuit lorsque Jérôme engage sa voiture sur une petite route du plateau qui le mène jusqu’à une clairière au bord du lac de Vassivière, loin de toute habitation. Il y retrouve des dizaines d’autres noctambules pour une fête éphémère, illégale et gratuite : une des rares “free parties“ organisées sur le plateau de Millevaches.
L’info a circulé par le bouche à oreille principalement : un numéro de téléphone redirigé vers une boite vocale qui donne les indications pour se rendre sur place. Plusieurs sound systems se sont déjà installés et diffusent de la techno, tandis que les premiers “teufeurs“ se rassemblent devant les enceintes. Côté ambiance, on est loin des images d’Epinal : ici, ce ne sont pas des milliers de drogués venus des 4 coins de l’Europe mais juste une centaine de jeunes (et moins jeunes) du coin qui cherchent à faire la fête en dehors du carcan des boites de nuit. Jérôme confirme : “Je suis déjà allé en club mais c’est pas pareil“. Au delà de la musique électro en elle-même, la free party est surtout un espace festif temporaire qui mêle musique, arts graphiques et arts de la rue.... Pour lui, “c’est une liberté qu’on ne trouve nulle part ailleurs“.
La nuit est déjà bien entamée et Jérôme fait une pause... Il rejoint un petit groupe assis autour d’un feu à l’écart. “Je fais souvent des rencontres impromptues et décalées dans ces moments là“. Et de poursuivre : “Quand j’ai découvert ce mouvement, ça a provoqué un vrai déclic chez moi ! J’ai croisé des tas de gens et d’influences. Ça m’a permis de découvrir des groupes comme Kraftwerk et ça m’a motivé à composer mes propres morceaux ! “
Autour du feu, drogues et alcool circulent. Esprit libertaire oblige, une grande tolérance existe vis-à-vis des psychotropes dans les free parties et on y prône l’auto-responsabilisation des participants. Mais là encore, on est loin des clichés habituels. En 10 ans, Jérôme a vu le public évoluer : “Les gens ne viennent pas pour ça. De toute façon, il y a moins de drogue qu’avant. Le public est un peu plus mature. Certains ne prennent rien d’ailleurs“.
La fête se prolonge après le lever du soleil et s’éteint doucement un peu avant midi. Jérôme va dormir dans sa voiture avant de repartir. Pendant ce temps, une équipe de volontaires organise le nettoyage du terrain, sous l’œil interloqué des promeneurs du dimanche. A la sortie du site, les forces de l’ordre font des contrôles d’alcoolémie et surveillent les opérations. Teufeurs et gendarmes se croisent sans accrochage particulier. Lorsque l’on évoque les teknivals autorisés par le ministère de l’intérieur comme le Noise Festival à Laon-Couvron (Aisne) en mai 2011, Jérôme sourit : ”On appelle ça les Sarkovals”. Ces grandes fêtes techno médiatisées et homologuées ne font pas l’unanimité. Beaucoup préfèrent faire la fête loin des caméras. Après tout la clandestinité fait partie de l’attrait de ces soirées.
Ce que regrette surtout Jérôme c’est que le mouvement ne soit pas plus actif dans la région : “Beaucoup de gens viennent sur le plateau de Millevaches pour fuir la société de consommation et retrouver un peu de liberté à la marge du système. Pour moi, ça correspond exactement à l’esprit des free parties... “
Damien Clochard