Personne ne jette l’opprobre sur la vulgarisation forestière. L’unanimité est acquise sur son impact très positif ; elle a démarré 25 ans après la vulgarisation agricole et copié la même démarche productiviste. L’agriculture, la viticulture s’interrogent sur des techniques alternatives. Les forestiers engageront ces réflexions avec le même décalage. C’est inéluctable.
Remèdes
La plantation industrielle ne valorise pas les multiples fonctions de la forêt, ne respecte pas les services non marchands de la nature. Soldée par une coupe rase qui massacre le meilleur capital du propriétaire : le sol, elle a aussi un fort impact sur la qualité de l’eau et sur les paysages !
Il existe un autre mode de gestion plus proche de la nature faisant appel au sens de l’observation. Ceux qui n’ont jamais essayé prétendent, exemples sous les yeux, que ça ne marche pas. Pourtant, depuis des décennies, 300 000 ha pour le sapin, le douglas, le hêtre et le chêne… les références abondent. Comme en Slovénie où la productivité de la forêt a doublé en interdisant la coupe rase ...
Nous vous recommandons l’excellent ouvrage récent “Le traitement des futaies irrégulières“ de l’AFI (Association Futaie Irrégulière). On y évoque la futaie irrégulière, la préservation de l’écosystème, la forêt pérenne, la coupe jardinatoire etc. un prélèvement de 15 à 25 % du volume, renouvelé à une rotation de 6 à 10 ans y est conseillé. Les forestiers qui respectent ces règles démontrent que la production augmente et que la forêt est éminemment plus rentable. La rentabilité n’est pas synonyme d’un gros revenu tous les 40 ans, mais incontestablement du revenu net/ha/an.
Les contraintes
Les aléas phytosanitaires-sécheresses et le morcellement, historique en Limousin et en Auvergne, entravent tout acte de gestion. La récente disposition dite “droit de préférence“ dans la loi du 27 Juillet 2010 constitue un réel atout pour le regroupement de parcelles. L’option d’une grande coupe rase ne peut se justifier… par le morcellement des parcelles voisines, ni en prétendant que l’industrie serait friande de petits bois. Les industriels se sont adaptés au fait que les forêts ne peuvent plus depuis 1990 leur fournir assez de gros bois de qualité pour répondre au marché. Pour preuve : le recours aux importations massives. En outre, pendant la vie d’un arbre, les process industriels peuvent changer deux ou trois fois. Dans une filière, chaque maillon peut tenter d’optimiser son modus operandi. Produisons donc le plus de bois d’œuvre de la meilleure qualité possible : on facilitera les options du maillon aval, sans se prononcer à sa place.
Le forestier : une charge ou un gestionnaire ?
L’image du forestier réduite à celle d’un “coupeur de bois“ n’est guère gratifiante… ni obligatoirement pérenne : il suffit d’envoyer les références cadastrales et coordonnées GPS au chauffeur de la machine et d’attendre en retour les bordereaux de cubage ou de tonnage de l’usine. La mécanisation systématique = vecteur de l’exode rural… Souvenons nous : le machinisme a éradiqué le personnel des fermes de Beauce.
La gestion forestière doit considérer tous les paramètres pour qu’une forêt soit belle, riche en biodiversité, pérenne… et rentable. Le forestier a toutes les compétences pour mettre les indicateurs en place et assurer la gestion des écosystèmes.
La vulgarisation
Puisse cette modeste contribution alimenter la boite à idées sur les thèmes à proposer en complément des sujets mono-culturels :
- ce que le forestier n’ose jamais faire sur 150 m2, les tempêtes l’ont fait sans discernement en provoquant de grandes trouées : inventorier, étudier et analyser les résultats ,
- la futaie jardinée de douglas,
- la coupe jardinatoire,
- comment irrégulariser les plantations ?
- installation de placettes expérimentales dans des peuplements irréguliers.
2011, année mondiale de la forêt… une opportunité pour poursuivre l’effort de vulgarisation sur le plateau.
Philippe Benoist
expert forestier