Le peu d’intérêt que portent les habitants à leur section ainsi que les exemples d’abus (Pierre Couturier) qui se font sous couvert de pratiques collectives ancestrales (jeu de pouvoir au sein d’une section, agriculteur ne payant pas le prix juste pour l’usage des terres...) pourraient amener à penser que la propriété collective est une idée désuète. Pourtant certains exemples très actuels tendent à démontrer le contraire.
Pour répondre à des enjeux urgents qui s’opposent à des logiques politiques ou financières très fortes, la société civile s’organise parfois en utilisant la propriété collective. L’intérêt de ceux qui s’engagent est bien souvent militant avant d’être économique.
Le groupement forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan
Pour faire face à l’enrésinement du Morvan dont la principale conséquence et la fermeture des paysages et la diminution importante des boisements de feuillus, l’association Autun Morvan Ecologie a décidé en 2003 de créer un groupement forestier. Le but étant d’acquérir des parcelles qui se distinguent par une grande diversité arbustive (hêtre, chêne, charme, houx ...) et de démontrer qu’une gestion respectueuse de la forêt est possible et rentable.
Le capital nécessaire pour atteindre cet objectif a été réuni grâce à la prise de parts (150 euros chacune) par des personnes sensibles à ce projet et qui voyaient dans la propriété collective un moyen d’unir leurs forces et d’enrayer une tendance lourde. Aujourd’hui, le groupement forestier gère 140 hectares, ce qui lui permet d’avoir une position de propriétaire auprès des instances forestières.
La foncière Terre de Liens
Actuellement, pour un paysan, acheter des terres revient à s’endetter sur plusieurs générations. La spéculation sur le foncier empêche les agriculteurs de s’installer ou de transmettre leur ferme.
Pour faire face à ce constat, la Foncière Terre de Liens a été créé en 2006. Cet outil d’investissement solidaire collecte l’épargne auprès des citoyens, entreprises et associations pour acquérir du foncier agricole qu’elle louera ensuite à des paysans. La collecte d’épargne se fait par l’achat de part (100 euros chacune). Au final, les actionnaires de la Foncière sont collectivement propriétaires de fermes.
Ces deux exemples amènent à penser que la propriété collective n’a de sens aujourd’hui que si elle réunit les personnes autour d’idées fortes. D’où la nécessité pour que perdurent les sections, que leurs propriétaires soient porteurs d’idées fédératrices, qu’ils soient prêts à s’impliquer dans leur gestion, dans leur utilisation pour réaliser des projets pertinents à l’échelle de leur village, voire plus largement.
Les principales difficultés résident dans la capacité des villageois à faire preuve d’imagination, à s’organiser et à s’entendre pour définir un projet commun et se réapproprier l’usage de ces biens collectifs. Avec le temps, les marges de manoeuvres qui leurs sont autorisées se sont réduites, mais les jurisprudences et le fait que la section “reste un défi à l’ordre administratif” (P. Couturier) laisse imaginer que des choses sont encore possibles.