Ce sont les premiers mots qui me sont venus à l’esprit en lisant le texte du “Syndicat Asso“ paru dans le n°31 d’IPNS (page 3). Voilà des gens qui découvrent brusquement que l’on pouvait s’organiser en syndicat… en oubliant que des syndicats, il en existe déjà, et depuis longtemps !
Revenons un peu en arrière et au n°27 qu’IPNS consacrait à la précarisation des conditions de travail de l’emploi associatif : “Il faut en finir avec l’enchantement d’un monde associatif pris pour ce qu’il n’est pas pour l’aborder pour ce qu’il est devenu : un marché du travail dont les acteurs précarisés ont perdu le statut naguère garanti par la fonction publique.“ - Matthieu Hély.
Force est de constater jour après jour cette dérive constante du désengagement de l’Etat. On reporte sur les associations certaines missions qui devraient être assurées par un service public digne de ce nom. C’est le glissement des missions fondamentales de l’Etat vers le secteur associatif au moindre coût.
“Assurés initialement par des agents de la fonction publique, dotés d’un statut leur permettant d’assumer leur fonction dans un cadre suffisant d’autonomie et de sécurité, les services transférés le sont aujourd’hui par des structures de droit privé, où voisinent bénévoles et salariés, à la lisière du secteur marchand et non-marchand et où la capacité d’innovation et de réactivité côtoie l’idéalisme associatif, voire un certain angélisme quant aux conditions de travail et de rémunération. Cadre d’évolution salariale imprécis, prise en compte variable des frais de déplacements, de repas…, conditions de travail parfois spartiates, forte demande de disponibilité à la limite de la militance, éclatement de la notion de corps et de la capacité de négociation qu’elle entraînait, les conséquences de ce glissement sont nombreuses et parfois vécues douloureusement.“ - Stéphane Grasser.
Le budget cumulé du secteur associatif représente 4% du PIB hors apport des bénévoles. 5% des “grosses“ associations réalisent 80% de ce chiffre. Le secteur sanitaire et social qui est le plus gros employeur associatif représente 900 000 emplois stables et 300 000 postes précaires. Viennent ensuite l’enseignement et la recherche (200 000 emplois), puis la culture, le sport et les loisirs (plus de 160 000). Au total, le secteur associatif offre près d’un million et demi d’emplois stables.
Autant de métiers différents, que de secteurs professionnels divers. Dans chaque secteur socioprofessionnel des négociations salariales ont abouti à des accords de branche, donnant lieu à la mise en place de conventions collectives, prévoyance, mutuelle, etc. On peut décrier tant que l’on veut les organisations syndicales représentatives (loi de la représentativité : 10% des voix), CGT, CFDT, FO, etc. mais ce sont quand même ces organisations syndicales qui, au bout de tout conflit social, négocient avec les syndicats employeurs et l’Etat. Les syndicats apparaissent souvent pour des “citadelles“ enfermées dans leurs certitudes et habitudes qui conduisent souvent à des ruptures chaque fois que s’amorcent des transformations sociales importantes. Alors quel est le jeu et le poids des minorités qui tentent d’ébranler les engourdissements ? Toutes nos progressions sociales sont dues principalement aux luttes syndicales organisées par la classe ouvrière et traitées dans son ensemble. Je ne me souviens pas d’avancées sociales particulières dues au secteur associatif.
Nous sommes toujours face au problème récurent de la création d’une organisation sur un point précis, donc catégoriel. On “nage“ en plein corporatisme. En farfouillant sur le site syndicat-asso.fr on trouve de nombreuses références à la “participation“, un de ces mots qui fait partie d’un proliférant vocabulaire abscons né, comme par hasard, sous un régime néo-libéral : développement durable, économie sociale et solidaire, etc…
Il est quand même étonnant qu’un syndicat du secteur associatif ne fasse pas mention, dans ses textes fondateurs, de l’éducation populaire ! Et traiter seulement du rapport salarié associatif et conseil d’administration de l’association ne peut à mon avis constituer une base constructive d’une organisation syndicale qui se revendique de participer à la transformation sociale !
Quitte à passer pour un vieux ringard, je préfère encore ceux de la CGT (A voir et à lire : http:/www.cgt.fr/spip.php?page=article_dossier1&id_article=1241 .)
Militant syndical et associatif depuis les années 70, nous avons combattu, y compris dans nos centrales syndicales, notamment à la CFDT, toutes les actions corporatives. Dans chaque branche professionnelle les vieux démons se réveillent, les cadres et les agents de maîtrise, par exemple, ont souvent voulu faire “bande à part“. À problème particulier posé, il ne peut y avoir qu’une réponse globale, sans saucissonner les corps de métiers. Les organisations syndicales représentatives ont toutes une fédération qui prend en charge le secteur associatif et les problèmes du secteur associatif peuvent y être résolus.
Que le syndicat Asso soit membre de “Solidaires“ ne change pas l’aspect catégoriel : “Solidaires“ se situe uniquement sur le plan de la contestation et ne fera donc pas le “poids“ au stade de la négociation nécessaire (comme les autres syndicats de Solidaires du reste). Mais, la négociation, c’est peut être justement ce que ne souhaitent pas les promoteurs du Syndicat Asso ?