Nous ne reviendrons pas ici sur l'utilité sociale des associations et le concours qu'elles apportent à la construction d'un espace de vie dynamique susceptible de conforter la vie des personnes habitant sur le territoire et de drainer de nouveaux habitants. Que serait la vie sans les associations ? Des crèches aux clubs de sport en passant par les associations d'accueil des personnes handicapées ou des personnes âgées, celles développant des activités de formation, de loisir, de culture ou permettant l'expression du spectacle vivant, toutes contribuent au bien vivre, à la rencontre, à l'échange et au brassage des populations. Oui, une vie sans associations est évidemment envisageable et l'on peut penser que laisser les lois du marché régenter l'aménagement du territoire réduirait la dépense publique. Mais à quel prix pour nos territoires ruraux et pour les populations les plus fragiles ?
Examinons donc de plus près cette bulle associative qui utiliserait des financements publics de manière dispendieuse et inefficace. Rappelons qu'en France le secteur associatif emploie plus de 1 750 000 salariés, soit 10% de l'emploi salarié (chiffre 2015), à comparer par exemple au 1 150 000 salariés du secteur du bâtiment. Le budget consolidé de l'ensemble des associations représente environ 80 milliards d'euros, soit plus de 4 % du PIB (chiffre 2015). C'est l'équivalent du budget de l'agriculture. Les financements publics représentent, toutes sources confondues (subventions, conventions, prestations de services, etc.) 49% des ressources. Mais ce chiffre cache de grandes disparités suivant les secteurs.
% ressources publiques | |
Economie et développement local | 71 % |
Action caritative humanitaire | 60 % |
Culture | 40 % |
Défense des droits et des causes | 34 % |
Loisirs et vie sociale | 26 % |
Sports | 23 % |
Ensemble | 49 % |
Qu'en est-il plus précisément sur le territoire de la Montagne Limousine ? Serait-il un lieu de refuge pour égo-centristes impénitents qui détourneraient des fonds publics à leur seul profit et sans effet positif sur la collectivité qui les accueille, comme le prétendent certains ?
Pour mesurer les effets économiques de l'action associative locale, le collectif d'associations “Associations-nous“ a décidé de lancer une enquête auprès de ses membres. Ce collectif regroupe une quarantaine d'associations de tous horizons intervenant dans l'action sociale, la santé, l'animation sociale, la formation, le développement local, la promotion de la culture ou encore l'économie sociale et solidaire.
Même si le travail d'enquête n'est pas encore terminé, on peut déjà, à partir des données recueillies sur 17 des 40 associations de ce collectif, en tirer les quelques enseignements que nous reproduisons ci-dessous. Précisons que ce collectif ne compte pas dans ces rangs les grosses associations d'accueil et d'hébergement de personnes âgés et/ou dépendantes. On sait que celles ci sont de grosses pourvoyeuses de main-d'oeuvre puisqu'une personne hébergée génère un emploi équivalent temps plein, et qu'elles sont donc un atout précieux pour l'économie globale du territoire.
L'enquête confirme qu'à côté de ces associations d'hébergement, la vie associative du plateau de Millevaches est aussi un employeur important du territoire puisque les 17 associations ayant déjà répondu emploient 60 salariés. Et contrairement à une idée reçue, les 2/3 de ces emplois sont des CDI ne relevant d'aucun dispositif d'emplois aidés.
Du point de vue budgétaire, ces associations se situent un peu au-dessus de la moyenne nationale puisque les financements publics représentent 54 % de leurs ressources. Sur un total de budget de 1,65 millions d'euros, les ressources propres (cotisations, dons, ventes de produits,etc.) de ces associations représentent donc 760 000 euros tous les ans. L'activité produite par ces associations est le fruit du travail des salariés des associations mais aussi celui de leurs nombreux bénévoles. Une moyenne de 50 bénévoles actifs par association ont passé 26 000 heures à la gestion et 33 000 heures à la conduite de projet, soit un total de près de 60 000 heures représentant un apport en bénévolat valorisé de l'ordre de 600 000 €/an. De 24 à 277 adhérents suivent chacune des associations qui touchent jusqu'à 4 500 usagers pour les plus importantes.
D'un point de vue économique, quelles sont donc les retombées locales de cette activité associative ? Globalement les autres acteurs économiques du territoire sont, de loin, les premiers bénéficiaires de l'ensemble de cet apport économique de 1,65 million d'euros annuel.Par l'apport des salariés de ces associations tout d'abord. Ils consomment sur le territoire où ils paient aussi leurs taxes et leurs impôts. Soulignons que 2 sur 3 sont propriétaires de leur logement, ce qui veut dire qu'en plus, ils s'inscrivent dans un projet de vie à long terme. Parent d'une centaine d'enfants, ils dynamisent la démographie locale et permettent la pérennisation des écoles.
Par ailleurs, pour exercer leur activité, chaque année, ces associations dépensent 75% des 450 000 € annuels de prestations de service et d'achats auprès de fournisseurs locaux dans leur environnement proche. De même elles réalisent plus de la moitié de leurs investissements (350 000 euros annuels) auprès d'artisans ou commerçants de l'ex-Limousin.
Au total, ce sont près de deux millions d'euro par an qui sont injectés dans l'économie locale, au bénéfice de l'activité des artisans, commerçants et producteurs locaux. Et nous ne parlons ici que de l'apport financier généré par 17 associations ! Notons simplement que sur un territoire comme celui de la Montagne limousine on estime à plus de 1 500 le nombre d'associations vivantes dont au moins 20 % sont employeuses. N'allons pas plus loin dans les chiffres si ce n'est pour confirmer qu'à côté du rôle social incontestable qu'assure la vie associative son impact économique sur un territoire comme le nôtre est considérable.
Pas question de remettre en cause les autres secteurs économiques que ce soit celui des producteurs agricoles, des commerçants ou des artisans. Nous voulions simplement par cet article alerter l'ensemble des acteurs du territoire sur l'interdépendance économique dans laquelle nous vivons. Alors plutôt que de dénigrer systématiquement ce que font les autres mieux vaut essayer de réfléchir ensemble à la manière d'en faire un atout pour notre vivre ensemble. Chiche ?
Alain Détolle