“La redynamisation des centres bourgs est un sujet majeur pour de nombreuses collectivités : fermeture de commerces, vacance de logements, vieillissement de résidents… autant de symptômes révélateurs des difficultés qui frappent certains cœurs de bourgs. La Caisse des Dépôts s’engage, aux côtés de l’État et avec ses partenaires pour appuyer les démarches de redynamisation et trouver des remèdes innovants et durables.“
Soyons francs, on ne saurait mégoter son plaisir à la lecture de ces propos émanant tout droit du site de la Caisse des Dépôts, “groupe public au service de l'intérêt général ...“, qui s'attache à “renforcer l'attractivité du territoire et […] contribuer à l'aménagement du territoire“. Voilà une structure avec qui parler développement local, redynamisation des bourgs ruraux, revitalisation des campagnes !
Et l'on se dit qu'il doit en aller de même pour toutes ses filiales, dont la Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) et la Société Forestière !
Mais, mais, mais … voilà que ce vertueux discours se heurte à de bien triviales réalités… A moins que ces mots ne revêtent une si subtile signification que nos esprits embrumés de gros balourds ruraux ne soient pas à même de la percevoir ?
Comment comprendre, sinon, l'édifiante histoire que voici ?
Tout commence en 2015 par un travail sur la “redynamisation des cœurs de bourg“ (financé notamment par la Caisse des Dépôts…). À cette occasion, habitants et élus de La Villedieu identifient, parmi le bâti vacant, une ferme à proximité du bourg, support potentiel d'une installation dont la commune a grand besoin : La ferme du Moulin Vieux. Et ça tombe bien, cette ferme est propriété de la CNP, filiale de la Caisse des Dépôts, qui se montre si préoccupée de revitalisation rurale.
Autant dire qu'il devrait être relativement facile de mobiliser ce bien moyennant un projet solide. Le hasard faisant bien les choses, un paysan installé dans la région se manifeste, désireux de conforter un projet mixte autour de l'agriculture et de la culture1 qu'il a pu tester non loin de là durant plusieurs années.
La machine se met en route, courriers, rencontre entre élus et représentant de la Société Forestière qui gère le site, re-courriers… ; ce qui devait être une évidence se termine en impasse. En 2017, la CNP s'oppose catégoriquement à la cession de la propriété, sans plus d'explication. Fermez le banc.
Au-delà du mépris que l'on peut ressentir à l'égard de petites communes qui essaient tant bien que mal de soutenir des projets de revitalisation dans un contexte de retrait de la puissance publique, sans doute faut-il voir là l'expression de choix clairement à rebours des belles paroles imprimées sur le papier glacé des brochures de promotion. Le choix de transformer les espaces ruraux peu denses en "plateformes productives" au service des métropoles2, le choix d'une sylviculture intensive au mépris des sols et des habitants, le choix d'un désert vert économiquement rentable et si utile pour parfaire une image de bienfaiteur de l'environnement… Le choix, surtout, d'une dévitalisation accélérée et un rappel, amer, de la disparition, il y a juste 40 ans, de la Ferme des Bordes , toujours à La Villedieu3 ...
Stéphane Grasser
1 – Un blog de soutien est consultable : www.chermes.noblogs.org
2 – Scénario 2 de l’exercice de prospective territorial Territoires 2040, DATAR
3 – cf. IPNS n° 28