Native de Peyrat-le-Château, j’ai pu observer Pierre Digan en 1983 sculptant Le berger de Saint-Genest dans la cour de l’école primaire. Cette œuvre fait partie des première œuvres exposées sur l’île de Vassivière dans le cadre d’un symposium mettant le granit à l’honneur. Cette expérience est surtout un exemple de l’art allant tout d’abord au-devant du public et lui permettant ainsi la découverte de l’île. Ce dispositif permettait de susciter notre curiosité d’enfant face à cette création mystérieuse et celle de nos parents pour ce lieu devenu public. Architecte, je me suis installée à Eymoutiers en 2010, après avoir été cheffe de projet pour Xavier Fabre et Vincent Speller - les architectes qui ont conçu et dessiné le centre d’art avec Aldo Rossi. Sollicitée pour entrer au conseil d’administration du Centre international d’art et du paysage de Vassivière en mai 2016, je découvre mieux le fonctionnement de cette structure mise en place au début des années 1990.
Les bâtiments appartiennent à la Région et sont mis à la disposition du centre d’art. Le phare et le “mur“, construits entre 1989 et 1991, disposent de 5 espaces principaux d’exposition, d'une librairie et d'une bibliothèque, d'une salle des publics, des bureaux de l’équipe et d'un restaurant mis en gestion indépendamment. De par sa localisation dans un espace rural et son programme, ce bâtiment est remarquable dans l’œuvre d’Aldo Rossi. Il synthétise l’ensemble de sa pensée architecturale. À côté, le château est un espace dédié aux résidences d'artistes depuis 2012, avec des espaces de travail, une grande salle et 3 appartements. Les financements sont à part égale État - Région. Le budget annuel varie entre 600 et 750 000 euros. Par l’origine des subventions, il était devenu nécessaire de confier la présidence à un non-élu. Néanmoins, les subventions de l’État et de la Région sont vitales pour l’existence du centre d’où la présence de leurs représentants au conseil d'administration.
La programmation artistique et culturelle est portée par une association de type loi 1901, organe à deux parties. D'une part un conseil d’administration composé d’élus régionaux, de représentants de l’État, via la DRAC et la DREAL, de représentants du Syndicat mixte du Lac de Vassivière, du département de la Creuse et de personnalités extérieures. C’est à ce dernier titre que je suis entrée en mai 2016 au conseil d’administration, en tant qu’architecte installée localement. Le CA se réunit tous les trimestres. Un bureau est issu de ce CA, avec un ou une présidente, deux vices-président-e-s, un-e secrétaire et un-e trésorier-e. Jusqu’à présent, le président avait toujours été un élu régional.
Par ailleurs, existe une équipe de 11 salariés équivalant à 9 temps pleins. Les postes sont répartis entre la production de trois expositions annuelles, la dizaine de résidences annuelles dans le château, l’accompagnement des artistes, la conservation, la restauration et les commandes d’œuvres en extérieur incluant depuis récemment l’animation d’un programme Nouveaux Commanditaires, l’accueil du public (plus de 50 000 visiteurs par an dont 10 000 prennent un billet d’exposition), les conférences et médiations autour des expositions, l’accueil des groupes, à raison d’un à deux par jour, les actions éducatives sur le territoire, l’artothèque, la librairie, la coordination et le suivi comptable et administratif y compris les demandes de subventions, la communication, les partenariats avec d’autres structures locales et de Nouvelle-Aquitaine, mais aussi au niveau national et les coopérations internationales.
Marianne Lanavère en est la directrice depuis 2012.
Deux partenaires épaulent cette structure. L’association des “amis du Centre d’art“, créée afin de fédérer un public régulier autour de la programmation du Centre d’art, repose sur un petit noyau de bénévoles, amoureux et amateurs d’art contemporain. Le syndicat mixte “Le Lac de Vassivière“, interlocuteur privilégié en particulier pour l’entretien et l’accès au site de l’île de Vassivière, nous met en lien avec la Région, l’ONF et le Conservatoire du littoral, et dans sa mission touristique, avec l’accueil au sens large des visiteurs. Jusqu’en 2016, un élu régional présidait à la fois le syndicat et le Centre d’art et du paysage. Le président actuel du syndicat est Gérard Vandenbroucke.
Directrice et présidente, nos parcours complémentaires nous permettent de croiser nos regards (histoire de l’art, art contemporain, rapport au temps et à l'architecture, paysage, rapport à l’espace). Depuis son arrivée en 2012, Marianne Lanavère développe différentes pistes pour élargir l’accueil des publics autour de chaque exposition. Attentive à la dynamique humaine du territoire, elle cherche à intensifier les liens avec les habitants et le tissu culturel limousin. Ce fut le cas de la collaboration avec l’Espace Rebeyrolle pour l’exposition de Peter Buggenhout en 2013, d'une coopération avec Peuple et Culture Corrèze autour de l’exposition du groupe RADO “Ce qui ne se voit pas“ en 2014, d'une coopération avec Treignac Projet pour l’exposition “Être Chose“ en 2015, d'un échange avec le Centre d’art contemporain de Meymac autour de l’exposition de François Bouillon, un artiste originaire de Treignac, en 2016 ou du parcours “Transhumance“ d’œuvres dans les bourgs de Beaumont-du-Lac, Gentioux-Pigerolles, La Villedieu, Nedde, Peyrat-le-Château, St Amand le Petit et sur Radio Vassivière en 2017.
Le Centre d’Art et du Paysage collabore souvent pour des conférences, des performances, des expositions avec Quartier Rouge à Felletin, La Pommerie à Gentioux-Pigerolles, La Cité des insectes à Nedde, l'association Emile a une vache à Royère-de-Vassivière… À la présidence du réseau d'art contemporain en Limousin CINQ,25 en 2014-2017, Marianne Lanavère a pu ainsi s'insérer dans le maillage des lieux culturels dédiés à l’art contemporain en Limousin.
Dans l’exposition actuellement en cours, l'artiste indienne Hemali Bhuta a saisi trois ressources du Limousin : le granit, l'or et la force de l’eau pour produire le papier. Elle fait un pont entre l’or d’ici et l’or de l'Inde. Cet or a fait du Limousin, au Moyen-Âge, une province riche dont la culture occitane rayonnait. Je vous invite à venir découvrir ce travail délicat, mystérieux, de la transcendance, du passage des ténèbres à la lumière. Le paysage est miniaturisé et l’artiste nous demande de nous faire tout petit, pour découvrir peut-être quelques pépites... Par hasard, cette exposition me touche car elle entre en résonnance avec mon histoire. Pour mon diplôme d’architecture, je suis partie 11 mois en Inde. J’ai travaillé pour une ONG indienne œuvrant en milieu rural pour l’alphabétisation des femmes et la polyculture sur des terres salines. J’y ai construit mes premiers bâtiments : une école et un centre de formation aux techniques de construction, afin de donner un travail complémentaire aux paysans et leur permettre de rester au pays. Une autre façon de parler développement en milieu rural.
Je souhaite que les portes du centre d’art soient toutes ouvertes, à chacune et chacun de nous. Faisons que l’art nous ouvre une porte sur le paysage.
Sophie Bertrand