Aussi loin que l’on puisse remonter, la Montagne Limousine a été une terre d’émigration, mais aussi une terre d’accueil pour toutes sortes de migrants, d’exilés. Voici quelques années que la “question migratoire“ refait son apparition sur les plateaux de la Montagne limousine sous un jour nouveau. Il y a trois à quatre ans, des centres d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) ont ouvert dans plusieurs communes de la Montagne et de sa périphérie. Suite à l’expulsion militaire du campement informel de migrants de Calais, qui réunissait près de 9000 personnes, s’y sont ajoutés, comme dans de nombreuses campagnes françaises, les très mal-nommés “Centres d’Accueil et d’Orientation“ (CAO). Dans les communes qui se portèrent alors candidates à accueillir de tels centres et dans les communes avoisinantes, des collectifs, des initiatives plus individuelles ont fleuri pour organiser l’hospitalité et la solidarité avec ceux et celles qui arrivaient sur notre territoire sans l’avoir choisi. Des centaines d’habitants de la Montagne se sont ainsi coordonnés, parfois avec le soutien d’ élus locaux, pour faire une place à ces nouveaux venus.
Nous serons de celles et ceux qui feront tout pour que les obligations de quitter le territoire français ne soient pas suivies d’effet
Cours de français, activités diverses, repas conviviaux, transports ont été mis en place par des collectifs d’habitants solidaires. Puis, assez vite, avec l’inéluctable arrivée des premiers “déboutés“ du droit d’asile, et leur sortie des dispositifs d’accompagnement légaux, habitat, subsistance, assistance juridique et morale se sont improvisés, de la même manière. Ce qui relevait des gestes les plus simples, les plus humains dans les premiers temps, s’est progressivement mué en une nécessaire organisation à la marge de la légalité. Légalité qui ne laisse que peu de place à l’expression d’une véritable solidarité avec les exilés, voire qui bien souvent la condamne, la poursuit.
Alors qu’une certaine mansuétude semblait caractériser l’application de la loi dans notre région dans la période récente, un certain nombre de personnes demandeuses d’asile et déboutées ont décidé de rester, de s’installer sur nos plateaux, dans nos communes pour le plus grand plaisir de la plupart des habitants, heureux d’accueillir et d’accompagner cette incontestable source de vitalité, de joie et d’ouverture culturelle. Nous leur avons, de multiples manières, fait place dans nos vies, ils et elles en font désormais partie intégrante. Il n’y a plus que des écarts d’ordre “légaux“ entre eux, elles et nous.
Alors quand nous réalisons ces dernières semaines, qu’un tour de vis annoncé par le gouvernement depuis longtemps sur la “politique d’accueil“ produit ses premiers effets visibles sur nos amis, nous ne pouvons réprimer plus longtemps notre colère. Nous les avons accueillis sans demander l’autorisation à personne, nous nous sommes organisés pour rendre leur vie ici possible même si nous ne sommes pas encore parvenus à lever toutes les difficultés causées par leur statut “légal“. Nous avons bien compris que l’opération catastrophique de maintien de l’ordre du 9 juillet 2018 à Felletin, en Creuse, valait comme un avertissement. Mais renvoyer, ou laisser renvoyer, les gens qui ont tout fait pour en partir, dans des pays où ne les attendent que persécutions, misère, torture et mort, n’est toujours pas, pour nous, un choix envisageable.
Nous, habitants et amis des diverses communes de la Montagne et de ses alentours, avons donc décidé de répondre aux obligations de quitter le territoire français (OQTF), émis par les préfectures dont chacun de nos villages dépendent, de la même façon que nous avons répondu à cette situation jusque-là. Nous n’en tiendrons aucun compte. Mieux, nous serons de celles et ceux qui feront tout pour qu’elles ne soient pas suivies d’effet. Il n’y aura pas d’expulsions d’exilés sur la Montagne limousine, qu’on se le dise !
Nous appelons tout le monde, partout, à faire de même, à exercer ce “devoir de fraternité“* dont de lointaines révolutions nous ont laissé l’héritage.
* Conseil constitutionnel, décision n°2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018.
- Chroniques d'exils
Qu’un sang impur…..
Lors du dernier sommet européen des 28 et 29 juin 2018 sur les migrations, consécutif à la tentative de laisser périr en mer les naufragés recueillis par les navires des ONG, les dirigeants européens ont choisi de céder aux exigences des gouvernements xénophobes qui veulent à tout prix maintenir l’Europe fermée, et de rejeter toujours plus de responsabilités vers des pays situés hors de l’Union européenne (UE).
L’accord prévoit notamment
- des “centres contrôlés“ pour les demandeurs d’asile et les migrants dans les États de l’UE.
- des “plateformes de débarquement régionales“ pour débarquer les personnes secourues en mer en dehors de l’Europe.
Encampement
Ainsi la réponse de l’Europe à la détresse des personnes en exil est l’encampement en Europe ou dans des pays tiers (la Lybie, de sinistre réputation, semble exclue de ce projet mais de justesse…). En Europe, ces camps (hotspots) qui existent déjà en Grèce et en Italie sont en fait des lieux d’enfermement, de tri, d’identification (prises d’empreintes parfois violentes en Italie) et d’expulsion où l’étude de la situation des personnes est réduite à la portion congrue. Les conditions de vie y sont atroces : surpeuplement, promiscuité, manque de nourriture et d’hygiène et donc violence et révoltes. Les relocalisations se font au compte-goutte et les durées de séjour dans les camps grecs sont infinies.
La création de hotspots dans les pays de transit (comme Agadez au Niger) pose aussi de nombreux problèmes du fait du tri effectué et du peu de personnes retenues. Les relocalisations ne sont pas à la hauteur des besoins. Les aides promises ne suivent pas. De plus l’ingérence dans la politique intérieure de ces pays est très mal vécue d’autant plus qu’il existe un espace de libre circulation entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Le climat d’insécurité de certains pays pose aussi question.
“L'étranger c'est l'ennemi“
“Beaucoup d’entre nous sont à la merci de cette idée que “l’étranger c’est l’ennemi“. Le plus souvent cette conviction sommeille dans les esprits comme une infection latente ; elle ne se manifeste que par des actes isolés sans liens entre eux, elle ne fonde pas un système. Mais lorsque cela se produit, lorsque le dogme informulé d’une conception est promu au rang de prémice majeur d’un syllogisme, alors au bout de la cha-ine logique il y a le Lager [camp en allemand] ; c’est-à-dire le produit d’une conception du monde poussée à ses plus extrêmes conséquences avec une cohérence rigoureuse ; tant que la conception a cours, les conséquences nous menacent. Puisse l’histoire des camps d’extermination retentir pour tous comme un sinistre signal d’alarme.“ Primo Levi (Si c’est un homme).
Primo Lévi mais aussi Scholastique Mukasonga, rescapée du Rwanda démontrent que pour que le système fonctionne il faut aussi déshumaniser les personnes, les réduire à la condition de sous-humain (untermensch en allemand), en faire des objets de dégoût et de mépris qu’il faut éliminer comme des nuisibles (Iinyensi, cafards au Rwanda).
Aujourd’hui, l’exilé est désigné comme ennemi (envahisseur terroriste potentiel, destructeur d’une prétendue culture européenne). On l’enferme dans les conditions sus-décrites, l’expulse, l’empêche par tous moyens d’aborder en Europe (noyade mais aussi barbelés des pays de l’Est de l’Europe).
On va jusque lui refuser les droits minimums : de soins, d’hébergement, de douches, de latrines, manger par terre après avoir fait la queue avec sa gamelle, gazage (Calaisis et campements parisiens).
Crime contre l’humanité
Le Tribunal permanent des peuples (TPP) est un tribunal d’opinion indépendant des États qui répond aux demandes des communautés et des peuples dont les droits ont été violés. Il se compose de personnes venues du monde entier. Le but des audiences est de “restaurer l’autorité des peuples lorsque les États et les organisations internationales ont échoué à protéger les droits des peuples“. Les sentences prononcées sont remises à plusieurs instances telles que le Parlement européen, la Cour européenne des droits de l’Homme, les commissions de l’ONU, aux organisations internationales et régionales, aux organisations humanitaires, etc.
Le dernier TPP, consacré aux droits des exilés, considérant que l’ensemble des migrants forme un groupe, s’est réuni les 4 et 5 janvier 2018 à Gennevilliers. La sentence finale retient contre “l’Union européenne et les Etats qui la composent, dont la France“, la qualification de “complicité de crime contre l’humanité“. Le tribunal recommande la “révision immédiate de tous les accords passés entre UE et pays tiers“ pour externaliser ses frontières. Ou encore, la ratification de la Convention de 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants, dont aucun Etat membre n’est aujourd’hui signataire.
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