Ne restez pas inactifs, demandez à consulter votre dossier aux renseignements généraux.
Soyons pratico-pratiques. Ce mois-ci, IPNS vous donne quelques conseils utiles. Si vous ne voulez pas être interpellés et gardés à vue jusqu’à 96 heures dans les semaines qui viennent, évitez d’aller manger au Magasin général de Tarnac (tel : 05 55 95 40 87, tous les midis en semaine, sur réservation le soir et le dimanche) et évitez de dire que vous connaissez quelqu’un qui habite au Goutailloux. Si un inconnu vous demande le chemin pour aller à Tarnac, prenez un air ahuri (de celui qui cherche dans sa tête où peut bien se trouver ce patelin) et répondez que ce doit être en Corrèze mais que vous ne savez pas trop où. Si vous avez eu la bêtise de participer à une réunion du comité de soutien, cherchez-vous un alibi crédible et si vous tenez absolument à faire un don pour soutenir les interpellés du 11 novembre, ne le faîtes pas en chèque mais uniquement en petites coupures usagées. Si on vous parle d’un livre intitulé L’insurrection qui vient, précisez que vous avez aimé, comme tous les autres romans de Balzac, et si on vous demande si vous disposez d’un téléphone portable donnez votre numéro, surtout si vous n’en avez pas (dans ce dernier cas ne pas oublier de commencer par 06). En respectant toutes ces recommandations, avec un peu de chance, vous n’apparaîtrez pas suspects aux yeux de la maréchaussée.
Pédagogie policière
On en est là en effet. Le 28 avril une femme est interpellée manu militari dans la rue à Paris – elle avait prêté sa voiture à l’épicier-terroriste et “rôdé“ (terme de police) autour du Goutailloux. Relâchée trois jours plus tard sans charges. Le 18 mai à Rouen trois personnes considérées comme “proches de Julien Coupat“ arrêtées, gardées à vue, libérées sans charges. Le 18 mai 2009, à Forcalquier, 5 personnes liées au comité de soutien de Forcalquier, détenant des tracts, arrêtées, gardées à vue et relâchées sans charges... Cela ne fait qu’un entrefilet dans les journaux mais crée un climat d’incertitude et de soupçon qui pèse de plus en plus lourd dans les milieux militants ou sympathisants.
D’un autre côté, pédagogie policière, cela permet de clarifier les choses, de mettre les points sur les i. Oui, on n’a désormais guère besoin de motifs sérieux pour interpeller, garder à vue et se moquer du monde. On vous interrogera (une dizaine d’interrogatoires successifs pour la parisienne trop prêteuse) pour en savoir le maximum sur vos engagements, vos liens avec les présumés terroristes, avec les amis des présumés terroristes et avec les amis des amis des présumés terroristes.
Soyons pratico-pratiques. IPNS vous invite à anticiper ces interrogatoires. Pour cela, revisitez votre vie militante (ou non ?) en demandant à consulter votre dossier des renseignements généraux.
Un droit
Les renseignements généraux n’existent plus sous ce nom. En effet, depuis juillet 2008, les RG ont fusionné avec la DST (Direction de la surveillance du territoire - le contre espionnage) au sein de ce que le gouvernement a désigné comme un véritable “FBI à la française“ : la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Les dossiers des RG sont donc devenus ceux de la DCRI.
Comme tout document administratif le concernant, chaque citoyen a la possibilité d’avoir accès à l’éventuel dossier constitué sur lui par les RG. Selon la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) environ 2 500 000 personnes ont un dossier, soit environ 4% de la population française ou 5% de la population majeure (soit une personne sur 20).
Comment faire ?
Il faut adresser une demande à la CNIL qui désigne l’un de ses membres pour mener les investigations utiles. A la suite de ce contrôle, trois situations peuvent se présenter :
- Si les RG ne détiennent aucune information vous concernant, la CNIL vous en informera.
- Si les RG détiennent des informations vous concernant, elles vous seront communiquées, après accord du ministre de l’Intérieur, si elle ne mettent pas en cause la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique. La communication a lieu au siège de la CNIL pour les requérants habitant en Ile de France et à la Préfecture du lieu de domicile pour les requérants habitant en province. Vous avez ensuite la possibilité de demander des suppressions ou des mises à jour (corrections d’erreurs de fait, informations erronées,…). en adressant une note d’observation au Président de la CNIL.
- Si les RG détiennent des informations vous concernant et que ces informations mettent en cause la sûreté de l’État, la défense et la sécurité publique, elles ne vous seront pas communiquées. La CNIL effectue un examen approfondi de votre dossier et demande, s’il y a lieu, la rectification ou l’effacement de données. La CNIL vous informe ensuite qu’elle a effectivement procédé aux vérifications, que la procédure administrative est close et vous précise quelles voies de recours vous sont ouvertes.
Depuis sa création (1978), la CNIL a reçu plus de 10 000 demandes d’exercice du droit d’accès indirect qui ont donné lieu à plus de 17 000 investigations dont plus de 7 000 pour les fichiers des RG. Chaque année elle est confrontée à une hausse, parfois spectaculaire, du nombre des demandes qui lui sont adressées. A titre d’exemple, pour 2005, la CNIL a effectué 430 vérifications dans les fichiers des RG. Il en résulte que 73 % des demandeurs n’étaient pas fichés aux RG, et sur les 116 personnes fichées, 109 (soit 94%) ont eu accès à leurs dossiers.
Ecrivons tous à la CNIL !
430 demandes en 2005 ce n’est pas énorme. Mais si, suite à l’affaire de Tarnac, le double, ou le triple, ou bien plus encore de demandes arrivaient brusquement à la CNIL, on saurait vite en haut lieu que l’on ne reste pas inactifs et qu’on ne se contente pas d’aller manifester de temps en temps... C’est pourquoi nous proposons de faire référence à Tarnac dans le modèle de lettre ci-joint, qui ne reste bien sûr qu’un modèle.
Une fois reçue votre réponse, et éventuellement consulté votre dossier, faîtes nous part de votre expérience avec vos commentaires et vos découvertes... L’expérience est de toute façon intéressante pour arrêter les paranos (“En fait il n’y a pas de fichiers à mon nom“), conforter les militants rusés (“Hi, hi, ils m’ignorent !“) ou alerter les trop naïfs (“Mais pourquoi ont-ils donc noté cela ?“). Donc, à suivre... si vous ne restez pas inactifs !
PS : Un dernier conseil. Si vous écrivez un article sur Tarnac, signez toujours d’un pseudonyme.
I. Péhénesse
En savoir plus sur le site de la CNIL : http://www.cnil.fr
- Modèle de lettre
Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
3 Place de Fontenoy - TSA 80715 - 75334 PARIS CEDEX 07
Madame la Présidente (attention ici en 2019),
Suite à de nombreux faits divers et en particulier à l’affaire dite de Tarnac, je fais partie de ces personnes qui s’inquiètent des dangers qui menacent nos libertés en France. Aussi, je souhaiterai vérifier :
Si les Renseignements généraux (maintenant DCRI) disposent à mon nom d’un dossier spécifique.
Si oui, je souhaiterais pouvoir le consulter comme la loi m’y autorise.
Aussi, je vous remercie de bien vouloir procéder aux investigations nécessaires pour répondre à ma demande.
Dans l’attente de votre réponse je vous prie de recevoir, Madame la Présidente, mes très sincères salutations.