La fin de la chiraquie
Dans un an, l’entreprise pilote de Meymac sera fermée. IPNS a demandé aux salariés de Bristol Myers, les BMS de rappeler le sens de la longue grève qu’ils ont menée cet hiver. Ils ne savent rien de ce qu’il adviendra en juin 2010 de ce fleuron de la modernité qui tel une soucoupe volante s’est posé sur la campagne meymacoise en 1990. Il en est de la mort de Bristol Myers à Meymac comme de tant d’autres entreprises introduites en Corrèze pendant les mandatures de Chirac . Elles font aujourd’hui d’Ussel et de la Haute Corrèze le bassin d’emplois le plus sinistré du Limousin.
Un petit rappel de mémoire : le 5 décembre 1966 quelques jeunes haut fonctionnaires issus de l’énarchie et en poste dans les ministères de la magistrature pompidolienne sont réunis à Solignac. Ils sont en quête de conquête électorale pour asseoir leurs ambitions de pouvoirs. Trois d’entre eux jettent leur dévolu sur le Limousin et s’engagent par ce serment de Solignac à bouter dehors de la Région en 20 ans socialistes et communistes ! Le premier Jean Charbonnel est déjà nanti d’un siège de député à Brive, qu’il perdra en 1967 et retrouvera en 1968. Le second Pierre Mazeaud ose s’affronter au lobby limougeaud de la vieille SFIO, éconduit il trouvera sa consolation en Savoie. Le dernier, Jacques Chirac, est depuis 1965 conseiller municipal de Sainte-Ferreole, il entend se tailler un fief sur les hautes terres de la Corrèze. Dans la veine traditionnelle du radicalisme il se revêt de la toge de l’homme providentiel. Député d’Ussel en 1967, il entre par le canton de Meymac au conseil général de la Corrèze en 1968 et s’empare de la présidence en 1970. Cette ascension corrézienne n’était qu’une étape de sa mégalomanie de pouvoir. Par mimétisme corrézien il monte à Paris où il entreprend sa chevauchée dans les ministères. Après trois secrétariats d’Etat il est ministre de l’agriculture en 1972, de l’intérieur en 1974; par deux fois il devient le premier d’entre eux en 1974 et 1986. L’assise limousine est vite oubliée, elle ne sert plus que pour l’entretien de l’adulation populaire et du ticket électoral. Une autre voie s’ouvre qu’il s’empresse de conquérir lorsqu’il brigue et gagne la mairie de Paris en 1977. Il entraîne avec lui bon nombre de ses affidés corréziens pour y occuper des suzerainetés serviles dans la mairie de Paris et ses périphéries, les éloignant d’autant des affaires corréziennes. Tous savaient que la magistrature de la capitale n’était qu’une première marche pour accéder au pavois du magistère suprême de la République en 1995. Occultant les intérêts de la Haute Corrèze de leurs préoccupations ils ont usé leur savoir faire dans la mise en œuvre de cette désastreuse ambition.
Si le parcours corrézien de Chirac est jalonné par la création d’entreprises il convient de rappeler qu’il a considérablement fragilisé les deux pôles d’emploi les plus importants de la région à savoir les tanneries de Bort les Orgues et les fonderies Montupet. C’est toujours en puisant dans les corbeilles des grands groupes industriels du CAC 40 et de la finance internationale qu’il a fait venir de nouvelles entreprises ou qu’il a conforté l’existant. Comme le rappellent les ex-BMS qu’ils soient américains, canadiens ou européens, tous ces groupes industriels n’ont d’attention qu’aux dividendes à servir à leurs actionnaires. L’activité économique de la Haute Corrèze et encore moins le devenir de ses travailleurs ne présentent un quelconque intérêt pour ces chevaliers de la finance et pas plus d’ailleurs pour les politiques qui s’en font les vassaux. La liste du cimetière des entreprises chiraquiennes en Haute Corrèze est impressionnante et trop longue pour tenir en quelques lignes. Elle ne s’arrête malheureusement pas à BMS. Le 15 mai 2009 après trois semaines de grève et deux mois sans rémunération les salariés de Stratifrance à Meymac apprennent la mise en liquidation judiciaire de leur entreprise par le tribunal de commerce.
Le Chirac providentiel et ses stratèges corréziens ont transformé le serment de Solignac en faillite économique. Ils ne se sont jamais donné la peine d’inventer un projet politique à la mesure des potentialités du territoire et de l’avenir des habitants de la haute Corrèze.
Bristol-Myers Squibb
Notre histoire
L’unité de production pharmaceutique de Bristol Myers-Squibb à Meymac en Haute Corrèze a été créée en 1990.
80 personnes ont été embauchées dont les trois-quarts localement par l’intermédiaire de l’ANPE et formées pour une partie (une quinzaine) en partenariat avec la faculté de Limoges.
Aujourd’hui l’entreprise emploie 162 personnes en CDI , mais l’effectif réel dépasse les 200 salariés avec un volant permanent de CDD et d’intérimaires. A ces effectifs internes s’ajoutent les salariés des entreprises extérieures travaillant tous les jours sur le site : sociétés de gardiennage, de nettoyage, spécialisées pour l’élimination des déchets, ou la maintenance de tous les systèmes informatiques.
Le personnel BMS à Meymac est composé à ce jour de 27 cadres, 64 techniciens et 71 opérateurs et employés.
BMS est spécialisé dans la fabrication de médicaments de pointe pour soigner les maladies marquantes de notre XXIe siècle : sida, cardio-vasculaire, dépression, douleur .... Cette production très spécifique et en permanente évolution nécessite une compétence sans cesse renouvelée de tous les acteurs de l’entreprise. Le dynamisme de l’entreprise résulte de nos capacités d’adaptation pour répondre à la nouveauté, la diversité et la complémentarité des tâches à accomplir. La valorisation de nos métiers par la compétence sera-t-elle reconnue par d’ éventuels repreneur ou investisseur ?
Raisons de la grève
Depuis 1997 BMS a fermé différents sites en Europe dont 2 en France ( l’usine de production de Lognes en 1997 et le centre de recherche de St Nazaire en 2005 )
Soudain en 2008, BMS annonce la fermeture en France des sites d’Epernon (223 salariés) et de Meymac (162 salariés).
La direction nous propose un PSE des plus chiches (Plan de Sauvegarde de l’Emploi), doux euphémisme pour nommer un processus visant à supprimer des emplois.
Devant la morgue de la direction, qui avance des raisons économiques pour justifier la fermeture, alors que ce ne sont que des raisons financières, ceci a été corroboré par l’étude d’un cabinet d’experts mandaté par le CCE (BMS a dégagé un bénéfice de 5,2 Milliards de $ en 2008)
- devant le mépris affiché envers les salariés (seuls comptent les dividendes des actionnaires),
- devant le refus obstiné de négocier des conditions de licenciements décentes,
- devant le refus d’étudier les propositions du CE, des DP et des Syndicats pour maintenir l’activité de Meymac,
- devant la pression et les intimidations envers le personnel de la part de certains responsables, et d’un mercenaire embauché pour cela à la DRH juste avant l’annonce de la fermeture (un salarié a été licencié pour faute imaginaire et des lettres d’avertissement ont été envoyées à plusieurs personnes), nous avons décidé tous ensemble (le Comité d’Entreprise, les Délégués du Personnel, le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, et les syndicats CGT, CFDT, FO, UNSA, CGC, CFTC), après plusieurs débrayages, de lancer un mot d’ordre de grève illimitée.
La grève a commencé le 11 février 2009 à 8h et s’est terminée le 16 mars 2009 après 33 jours de lutte. Elle a été suivie par plus de 120 salariés et soutenue par la plupart des CDD et des intérimaires. Elle a été une expérience rude mais enrichissante. Elle a permis de créer des liens entre les salariés des différents services qui jusqu’alors ne faisaient que se croiser ; elle a permis de révéler des qualités et des talents cachés chez certains d’entre nous (cuisiniers, organisateurs, animateurs, assistante sociale…..). Elle a surtout permis de peser sur la négociation du PSE en soutenant nos délégués.
L’association : Solidarité Ex BMS
Un autre bénéfice de cette grève aura été la création de notre Association. Lorsqu’on démarre un mouvement de grève illimitée, une des premières questions c’est de savoir combien de temps on pourra tenir sans salaire. Dès les premiers jours, voyant que le mouvement était bien suivi, nous avons pensé qu’il faudrait nous autofinancer pour aider ceux d’entre nous qui auraient des difficultés financières et assurer l’intendance. Organiser des manifestations et des animations pour récolter des fonds et faire connaitre notre lutte aux habitants de la Haute Corrèze. Voilà comment est née cette association avec trois objectifs différents :
- Communiquer les raisons qui ont amené les salariés à s’engager dans une grève générale reconductible
- Accompagner le plan social en apportant une aide matérielle, et en ouvrant une souscription pour venir en aide aux salariés grévistes en difficulté financière
- Mener toute forme d’action et si nécessaire d’agir en justice, afin de défendre les intérêts individuels des ex-salariés notamment pour obtenir réparation de préjudice moral ou financier auprès de BMS-UPSA.
Sa création a été rapidement menée, dépôt des statuts la première semaine, déclaration la semaine suivante. Grâce à la bonne volonté de certains, à leur débrouillardise, à leur sens de l’organisation, un week-end de solidarité a été rapidement planifié: soirée dansante le samedi animée par nos collègues musiciens et thé dansant le dimanche après-midi, puis une soirée concert au Pueblo à Ussel. Le théâtre de la Chélidoine a ouvert au public, au bénéfice de notre association la répétition générale de sa nouvelle création “Travailler peu, vivre beaucoup“, spectacle en lien direct avec les problèmes du monde du travail, que nous vous recommandons chaudement. L’organisation de ces manifestations, et la spontanéité généreuse des habitants de la Haute Corrèze nous ont permis de récolter des fonds et de faire connaitre notre lutte.
Après 33 jours de grève, le travail a repris et l’association est toujours là. Nous avons tenu notre première assemblée générale, fait notre bilan, préparé les actions à venir dans le respect de nos objectifs et de nos valeurs : entraide, solidarité et convivialité.
Solidarité entre nous bien sûr mais aussi envers les salariés d’autres entreprises en difficulté.
Convivialité tisser et entretenir des liens d’amitié entre nous et avec les personnes qui nous ont soutenus.
Entraide : c’est demain, après la fermeture du site, que nous allons mesurer l’ampleur du désastre. Beaucoup d’entre nous seront au chômage, certains auront vu leur vie familiale chamboulée, et c’est là que les mots Solidarité, Entraide, Convivialité, prendront tout leur sens C’est à nous de faire vivre cette association, pour que notre histoire commune ne s’arrête pas en juin 2010.
Que va-t-on perdre ?
Pour nous salariés de BMS, nous perdrons nos emplois, pour certains leur maison, leur relations, pour beaucoup leurs illusions et leurs certitudes.
Pour la Haute Corrèze, ce sera une forte perte de compétences professionnelles et d’emplois qualifiés, une hémorragie de population jeune (moyenne d’âge pour les parents 38 ans, plus les enfants) représentant une perte pour les collectivités, pour la vie associative, et pour l’économie locale.
Association Solidarité Ex BMS
- Merci encore aux habitants de la région, aux associations, aux municipalités, aux commerçants, aux entreprises et aux divers CE… qui nous ont apporté leur soutien.
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©2011 le journal IPNS - Journal d'information et de débat du plateau de Millevaches - Publication papier trimestrielle.
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