4ème partie - Alternatives aux pesticides en agriculture
Tout d’abord de l’optimisme avec deux exemples d’alternatives aux pesticides en agriculture.
En Limousin, l’importance de l’élevage allaitant et des prairies induitt un usage modéré de pesticides À travers 2 utilisations courantes de pesticides en agriculture, étudions leurs alternatives pour la gestion des clôtures et pour lutter contre le taupin.
1° Comment ne pas utiliser d’herbicides pour les clôtures
Frédéric Moreau, éleveur de vaches allaitantes à Saint-Alpinien
“Dans une ferme, les haies ont des avantages qui contrebalancent largement les inconvénients qu’elles peuvent induire. Une haie ne demande qu’une taille par an, en période de moindre travail . Elle fournit un abri pour les animaux, elle permet à de nombreuses espèces utiles aux cultures de trouver un lieu de reproduction et de vie et pour les sols d’amortir les incidents climatiques (pluie, froid, vent). Bien pourvue en arbres, elle fournit du bois de chauffage. Renforcée en barbelés dans ses points faibles, elle forme la meilleure clôture qui soit puisqu’elle ne demande aucun entretien, à la saison de pâturage .
Bien sûr, ces considérations n’ont pas d’intérêt pour les services officiels agricoles. Après les avoir fait arracher autant que possible, ils ne les considèrent que comme des vestiges du passé, ne servant qu’à faire plaisir aux écolos. Etant inutiles,il faut mettre devant une clôture électrique. Et comme les branches risquent de toucher le fil de clôture, un bon coup de “roundup“ est fortement pratiqué. D’ailleurs, dans la nouvelle PHAE, (Prime Herbagère Agro-Environnementale), le désherbage chimique sous les clôtures est autorisée. Il y a de quoi s’étonner !“
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A Measnes, Joëlle et Philippe Auvillain ont une ferme de 76 ha où ils élèvent des vaches allaitantes limousines en agriculture biologique. Leur gestion des clôtures repose sur le maintien de haies hautes. Grâce à un outil bricolé par Philippe, une sorte de sécateur, une taille douce est réalisée chaque année. Ainsi, les arbres ne sont pas endommagés et restent sains. En complément de ces haies hautes, deux types de clôtures sont posées :
- Soit 3 rangs de barbelés, les vaches peuvent ainsi tailler les feuillus à leur hauteur pour la partie basse. Cette technique a des avantages. Un passage au printemps avant la mise à l’herbe permet de vérifier l’état des clôtures, de changer quelques piquets de châtaigniers ou quelques cavaliers si besoin. L’entretien peu coûteux est réalisé à une saison calme. Par contre, l’investissement est onéreux, mais “25 ans plus tard, un barbelé reste efficace“, précise Philippe.
- Soit une pose de clôture électrique où il est difficile de mettre des piquets (sol pierreux,…). Sous les haies hautes, l’embroussaillement (ronces, orties, …) est faible, car il y a peu d’éclairement. Toutefois, Joëlle et Philippe ont cherché un système permettant de concilier le non-usage d’herbicides avec la commodité du travail d’entretien. Ils pratiquent de même là où il n’y a pas de haies et en bordure de ruisseaux, ce qui évite le piétinement des berges.
Alors que les herbicides appliqués sous les clôtures sont désastreux pour l’environnement, près des cours d’eau ils contaminent les eaux superficielles, au pied des haies ils détruisent une biodiversité végétale qui est fondamentale, Joëlle souligne que leurs méthodes ne représentent pas de surcroît de travail.
2° Comment ne pas utiliser d’insecticides contre les taupins lors de cultures après prairies
Le taupin est un insecte appartenant aux Coléoptères qui a un cycle de cinq ans et dont la larve souvent appelée à cause de son aspect “Ver fil de fer“ ou “Ver jaune“ attaque différentes cultures (céréales, maïs, pommes de terre,…). En Limousin, elle est souvent problématique pour les cultures qui suivent des prairies de longue durée. Ainsi, Joëlle et Philippe Auvillain qui pratiquent notamment une rotation “prairies de 5 à 10 ans, maïs, céréales sur 1 à 2 années“ connaissent les dégâts des taupins sur le maïs. A travers leurs observations, découvrons les moyens de minimiser l’impact des larves de taupins. Tout d’abord, notons que le taupin est favorisé par des sols tassés. Or, l’utilisation d’insecticides tue une grande part de la faune du sol, notamment les vers de terre.
dans la nouvelle Prime Herbagère Agro-environnementale, le désherbage chimique est autorisé !
Avant de passer en agriculture biologique, Philippe en utilisait : “On voyait des vers de terre crevés sur le sol, c’était dégoûtant. On n’était pas logique, en tuant les vers de terre, on favorisait le compactage des sols. Progressivement, on a porté davantage d’attention au travail du sol, on avait besoin d’anticiper pour limiter la densité des taupins, il fallait créer des conditions qui les défavorisent. Maintenant, on laboure dès début mars, puis on va travailler le sol 3 fois généralement à 2 ou 3 semaines d’écart pour ameublir la terre. En pratiquant ainsi, on a d’autres effets intéressants, la pelisse commence à se décomposer avant le semis, le labour limite les adventices, le délai entre le travail du sol permet de réaliser des faux-semis, ce qui va diminuer l’impact des plantes non désirables dans la culture du maïs“.
Outre l’aération du sol défavorable aux larves de taupins, les passages d’outils les remontent en surface et les exposent à la prédation. Ces travaux du sol se réalisent sur sols sains, en période sèche. Philippe précise que pour une bonne efficacité, il faut aussi 48 h de temps sec après le passage d’outils, sinon il y aura compactage du sol travaillé sous l’effet de la pluie, d’autre part l’assèchement de la couche superficielle défavorisera les ravageurs en surface (taupins, tipules, vers blancs, …).
De plus, pour favoriser la levée du maïs et une bonne croissance, ils ne sèment jamais leur maïs avant le 10 mai afin que le sol soit suffisamment réchauffé. Une plante qui lève vite et a une bonne croissance est moins attaquée qu’une qui végète. Pour conclure, ils me disent qu’avant, avec des insecticides, les taupins n’étaient pas toujours bien maîtrisés. Aujourd’hui, ils n’ont pas pour objectif “zéro taupins“, mais d’en limiter suffisamment l’impact pour ne pas compromettre la culture du maïs.
Monique Douillet