Suite au dossier sur l’eau de notre dernier numéro, nous publions ici le témoignage de Jean-François Pressicaud sur l’évolution d’une petite rivière creusoise, la Beauze, et la réaction d’une lectrice attentive qui attire notre attention sur une illustration... qui ne coule pas de source !
En 1998, lors d’une session “Rivière-Partage de l’eau“1 qui se déroulait dans le secteur d’Aubusson Felletin, nous avons visité l’usine de la Beauze qui alimentait alors en eau potable la ville d’Aubusson.
La fermeture de cette usine était programmée pour l’année suivante. Le directeur nous expliqua que cette décision avait été prise pour deux raisons principales :
- la nécessité d’une mise aux normes jugée prohibitive,
- l’insuffisance du débit de la Beauze, l’affluent de la Creuse sur lequel l’unité avait été installée.
Trente ans
Notre guide nous fit l’historique de l’usine, installée dans les années 1940 et rénovée en 1968. Lors de cette rénovation on estimait que la production serait suffisante pour approvisionner Aubusson même en cas de doublement de la population de la ville.
Or, trente ans plus tard, l’usine n’était plus capable d’alimenter la totalité des habitants, alors que leur nombre avait stagné, et même si les consommations individuelles étaient en croissance. Le directeur nous expliqua alors que pendant ce laps de temps – trente ans seulement ! - le débit de la rivière avait changé du tout au tout. Alors qu’elle avait un débit assez régulier dans les années 60, elle était devenue, selon lui, un “torrent“ : il y avait beaucoup d’eau lorsqu’il pleuvait et le débit devenait très faible en dehors des épisodes pluvieux.
Notre interlocuteur se bornait à ce constat et ne s’avançait pas sur les raisons de ce nouvel état de fait. Mais nous pouvons sans doute, sans grand risque de nous tromper, en énumérer quelques unes.
Explications
En premier lieu, les transformations de l’agriculture : l’exode rural, les modifications dans l’occupation de l’espace avec le développement exclusif de l’élevage au détriment des cultures, la disparition des haies, celle des “rigoles“ qui retardaient l’arrivée de l’eau à la rivière alors que le drainage moderne l’accélère, tous ces facteurs ont certainement un rôle dans la modification du débit de la rivière.
En second lieu, le boisement et notamment l’enrésinement qui se sont développés au cours de la seconde moitié du vingtième siècle. Egalement le manque d’entretien des berges, lié aux deux premiers facteurs. Enfin, les modifications climatiques qu’il faudrait examiner de plus près mais qui comptent sûrement parmi les facteurs d’explication.
Ce petit exemple de la Beauze montre la rapidité des transformations de notre environnement et la confirmation de la fragilité des hautes vallées. Cette vulnérabilité a été à nouveau démontrée en 2003 et 2005, lorsque la canicule et la sécheresse ont affecté notre secteur alors que nous vivions sur l’impression que nous étions à l’abri d’inconvénients de ce genre (“En Limousin, il y a de l’eau partout...“).
Jean François Pressicaud
1 “Rivière-partage de l’eau“ : organisation associative de rencontres entre tous les interlocuteurs de l’eau sur un bassin donné, en l’occurence la Creuse de sa source jusqu’à l’aval d’Aubusson. Les collectivités locales, les agriculteurs, les pêcheurs, les kayakistes y participaient.