Sur le plateau de Millevaches, la qualité des cours d’eau est globalement bonne, voire excellente et des populations piscicoles en équilibre sont présentes sur de nombreux linéaires. Cependant plusieurs éléments à enjeux restent à prendre en compte pour conserver cette bonne qualité globale, ingénieur spécialisé en eau et environnement, l’auteur dans cet article nous le rappelle.
Les zones humides
Les zones humides sont très nombreuses mais elles sont menacées de fermeture par le manque d’entretien et la mise en place d’ouvrages destinés à les drainer. Rappelons que les zones humides ont trois fonctionnalités principales : un rôle de filtre, un rôle de régulation des débits et un rôle de préservation de la biodiversité.
Le risque lié au manque d’entretien
Sans entretien approprié, les zones humides évoluent vers une colonisation par des ligneux et elles perdent à moyen terme tout leur intérêt, les fonctionnalités décrites ci-dessus n’étant plus assurées. Les zones humides doivent être gérées pour exister. La solution la plus adaptée au plateau reste le pâturage extensif raisonné par des ovins. Il s’agit d’organiser une rotation rapide de troupeaux d’ovins sur des parcelles de faibles surfaces. De cette manière les refus sont relativement peu nombreux, et les ligneux ne peuvent pas s’implanter. Cette organisation du pâturage demande un accompagnement technique et financier spécifique pour être viable à moyen et long terme. Des mesures agro-environnementales peuvent être mises en place avec les acteurs intéressés.
Le risque lié au drainage
Depuis quelques années (vraisemblablement depuis 2000/2001), l’ensemble des intervenants au niveau de l’eau constate une augmentation des zones humides profondément modifiées du point du vue des écoulements hydrauliques. Il s’agit très souvent de l’implantation de “fossés drainants“ dont l’exutoire se trouve au niveau du cours d’eau. Ces fossés abaissent le niveau piézométrique1 des zones concernées et mettent donc en péril les zones humides. Ces fossés sont souvent réalisés à l’occasion de plantations forestières ou de mises en culture plus ou moins hasardeuses d’anciennes zones humides. Malheureusement, si la mise en culture est généralement un échec, les fossés restent présents. A remarquer également, l’achat, par un nombre croissant d’agriculteurs, d’engins de travaux publics type tracto-pelle, qu’ils utilisent ensuite pour réaliser ces fossés.
Les pollutions diffuses
Le grand nombre d’assainissements individuels présents sur le plateau pose un problème de pollution diffuse. Plusieurs niveaux distincts sont recensés : l’absence de véritable équipement de traitement, le mauvais état de fonctionnement ou la mauvais implantation. Des SPANC2 sont mis en place, cependant, compte tenu de la présence d’eau sur une grande partie du plateau, les prescriptions techniques relatives à l’assainissement individuel devraient être strictement appliquées. Au contraire, les observations menées montrent :
- des rejets directs dans le milieu (sous prétexte d’une pseudo “auto-épuration“ qui n’existe que dans le discours de ceux qui n’ont pas d’équipement).
- des équipements non entretenus, non vérifiés, qui n’ont plus aucune efficacité après plusieurs dizaines d’années.
- des équipements implantés dans le lit majeur de cours d’eau, ce qui revient à un rejet direct dans ce cours d’eau.
[Pour ouvrir le débat, voir l’article sur l’assainissement, “Doit-on épurer nos standards de modernité ?“page suivante]
Les modes de gestion des bassins versants
L’exploitation forestière et la création de pistes entraînent sur certains bassins versants du plateau des perturbations au niveau des cours d’eau. Les pentes importantes favorisent en effet les arrivées massives de sables et de matières organiques dans les cours d’eau, dès qu’un sol se retrouve sans végétation (ce qui est le cas des pistes et de certaines coupes). A noter que la création de fossés “tampons“ à l’aval des zones forestières exploitées et des pistes est une opération simple, peu coûteuse, et très efficace.
La gestion de la ripisylve3
Sur une partie du linéaire des cours d’eau, la ripisylve n’est pas gérée. Soit elle est absente, soit elle s’est développée de manière “sauvage“. Le premier cas entraîne une fragilisation des berges, un méandrage anormal du cours d’eau, la création d’atterrissements importants qui peuvent perturber la continuité écologique, et la dégradation de la qualité de l’eau (augmentation des matières en suspension). Le second cas pose, à terme, des problèmes d’embâcles4 (multiplication des embâcles dès qu’un événement climatique un peu atypique survient).
Les seuils
Certains seuils, principalement d’anciennes prises d’eau pour des biefs5 de moulin sont actuellement en très mauvais état, et n’ont plus aucune fonctionnalité. Ils représentent cependant un obstacle à la libre circulation piscicole et sédimentaire. Dans la mesure où leur état actuel ne permet pas d’envisager leur remise en état, la question de leur effacement peut se poser. Ces effacements peuvent être envisagés en fonction des sites et avec l’accord des propriétaires. Les cas qui aboutissent sont très rares dans la mesure où un seuil, même en très mauvais état conserve souvent une valeur “patrimoniale“ pour le propriétaire. Beaucoup de communication et de pédagogie sont nécessaires !
Les étangs
Quelques étangs sur le plateau sont en très mauvais état et présentent un risque potentiel pour le milieu aquatique. Il s’agit principalement d’étangs non vidangés depuis plusieurs dizaines d’années, et colmatés par les sédiments. Dans ces conditions, toute vidange, volontaire ou accidentelle, représente un risque important pour le cours d’eau aval. Un départ massif de sédiments peut colmater plusieurs kilomètres de cours d’eau. Les conséquences de ces épisodes sont malheureusement bien connues : au moment de l’arrivée des sédiments il y a destruction de toute vie aquatique par absence d’oxygène, ensuite (parfois pendant plusieurs années) le colmatage des frayères empêche toute reproduction. Il faut insister sur l’obligation de mettre des solutions en oeuvre. En effet, plus le temps passe et plus la remise en état de ces étangs devient difficile et l’idée assez répandue de laisser l’étang se colmater pour devenir ... un pré ... ou autre est une aberration technique et hydraulique. Cette solution n’existe pas ! Les deux seules solutions sont la remise en état de l’étang ou son effacement.
Remarque
Attention tout de même, il s’agit ici de la liste des éléments “problématiques“ à moyen ou long terme. Il ne faut pas perdre du vue que le plateau reste une référence en terme de qualité de l’eau (pour l’instant), et que à notre niveau c’est, et de très loin, le meilleur milieu que nous ayons eu à étudier !
1 niveau supérieur de l’eau stable dans un aquifère. C’est le toit de la nappe souterraine. Aquifère : réservoir formé de roches perméables
2 Service public d’assainissement non-collectif
3 Forêt bordant un cours d’eau ou une zone humide
4 Obstruction du cours d’eau par un amas de branches
5 Canal qui relie un cours d’eau à une machine hydraulique