Au cœur de l’été, nous étions éparpillés par les vacances et, de retour, apprenions la terrible nouvelle : Alain Fauriaux n’était plus. Il ne sera désormais plus là, sur le plateau, avec nous tous, habitants et acteurs de ce territoire, porteur de cette idée d’un territoire vivant, ouvert, dynamique. C’était le 17 août 2008, un accident cardiaque nous séparait définitivement de lui.
C’est avec un article de lui qu’il y a six ans nous ouvrions, comme une profession de foi que nous partagions, le premier numéro d’IPNS. Titre du texte d’Alain : “Pour un plateau vivant“. Et ces lignes, qui sont les siennes, et qui disent tout ce qui le motivait à agir ici : “J’ai acquis la certitude que l’avenir de notre pays est plus dans les représentations que nous en avons que dans les statistiques : l’optimisme ou le pessimisme, la confiance ou la défiance, notamment entre catégories professionnelles, la solidarité ou le corporatisme. Le développement est d’abord dans les têtes. Ce sont ces sentiments, ces conceptions partagées ou non du territoire et de son devenir qui sont à mon sens la source de tout le reste“.
Et cette source, Alain Fauriaux n’a cessé de l’alimenter en lançant de nombreuses initiatives devenues de véritables bornes dans le paysage culturel et associatif du plateau : les fêtes du chemin il y a 20 ans, les bistrots d’hiver qui célébreront leurs dix ans en 2009, le festival “Chemin de rencontres“. Au sein de l’association Pays Sage qu’il avait créée et qu’il présidait, il n’avait de cesse de relier sur le plateau les initiatives et les hommes. Son souci constant – son obsession oserais-je dire – était de réunir, rassembler les populations différentes du plateau (anciens et néos, agriculteurs et artisans, résidents permanents et secondaires, habitants et vacanciers, jeunes et vieux). Son credo : créer les conditions d’une conscience commune du territoire comme espace d’avenir et de créativité. Son attention aux dynamiques culturelles était liée à la conviction qu’il avait que la culture était devenue aujourd’hui l’élément moteur d’une forme possible de renaissance.
Il lui fallait convaincre, expliquer, convertir les uns et les autres à cette vision du pays, mais toujours avec patience, tolérance et attention aux autres, en particulier celles et ceux qui avaient le plus de mal à comprendre des mutations souvent déstabilisantes. Lui, l’enfant de Flayat élevé dans la boulangerie paternelle, il avait quitté le plateau pour les études et le travail (il enseignait à l’université de Clermont-Ferrand et se rendait souvent en Chine dans le cadre d’un partenariat avec une université chinoise). Je le revoie encore animer dans les années 1980, au bord de l’étang de la Ramade, une réunion d’information pour expliquer l’intérêt d’un PNR sur le plateau. Je le revoie l’année dernière, à Masgot après un superbe concert tzigane des bistrots d’hiver haranguer les spectateurs en leur disant en quoi le pays pouvait revivre par la culture. Je le revoie enfin, tout récemment – c’était fin juillet lors du festival Folie ! les mots – nous parler de ses nouvelles fonctions de maire de Flayat auxquelles il venait d’être élu. Il se préparait à affronter une charge lourde et écrasante, mais qui le passionnait, et il se réjouissait d’avoir quelques jours plus tôt réuni dans un moment de fête une large partie de la population de sa commune : toujours ce besoin de rassembler et d’agir ensemble.
Ce sont encore ses mots, dans le n°9 d’IPNS : “Sur la Montagne limousine, il y a de la musique, des rêves, du courage, de l’action. Un nouvel imaginaire se développe, présent, vital, et qui trace le début d’un incertain mais possible avenir“. Un avenir qu’il ne pourra partager avec nous, mais que, sans conteste, il aura largement contribuer à construire.
Michel Lulek
Lire d’Alain Fauriaux dans IPNS :
N°1 : “Pour un plateau vivant“
N°9 : “Le Limousin existe... autrement“