Avec sa froideur hivernale, ses anciennes bâtisses mal isolées, sa population vieillissante et ses maigres finances, le Plateau souffre de nombreux handicaps côté logement. Mais sa créativité et son énergie ont permis de développer toute une dynamique autour de l’éco-construction.
État des lieux et perspectives.
Le Plateau a changé, imperceptiblement mais indéniablement. Il y a 25 ans, il faisait partie des régions où le taux de toilettes extérieures et l’absence d’éléments de confort était un des plus élevés (Insee). Aujourd’hui, le territoire s’est mis au diapason du pays. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, une révolution du logement se prépare. Elle est initiée par des précurseurs qui ont posé les fondements de ce que l’on appelle éco-construction, logement durable, éco-habitat... Un bouleversement qui tient à deux révélateurs : le Grenelle de l’environnement et l’augmentation forte et rapide du coût des énergies. En effet, la maison est en première ligne dans la consommation des énergies fossiles d’où la nécessité d’améliorer l’isolation, de concevoir autrement le logement (espace plus réduit, nouvelles formes, énergies renouvelables…) et d’utiliser des matériaux sains valorisant les richesses locales, mais aussi de reconsidérer les politiques pour que le logement reste accessible financièrement (ce qui ne va pas de soi car en renforçant la réglementation thermique on surenchérit le prix du m2 !). En Limousin, élus, professionnels et associations se sont saisis de cette question. L’ADIMAC (Agence de Développement Industriel du Massif Central) présente des fiches de propositions d’actions, l’IPAMAC (association Inter Parcs du Massif Central) propose de soutenir les filières de production d’éco-matériaux et Esther (Technopole de Limoges) présente un projet de futur pôle d’éco-construction.
Le Plateau : de nombreux handicaps, mais beaucoup d’énergie !
Comment à l’échelle du Plateau de Millevaches allons nous résoudre l’équation suivante : construire et réhabiliter en intégrant les paramètres environnementaux, humains, économiques et rattraper le retard en terme de logements sociaux alors même qu’il y a pénurie de professionnels et manque de moyens ? Car le Plateau souffre de nombreux handicaps : un climat qui nécessite du chauffage 9 mois sur 12, un habitat essentiellement individuel avec des coûts de rénovation très importants et des propriétaires âgés, un faible revenu des ménages et des services publics qui se délitent, ce qui peut entraîner une fuite des personnes âgées vers les centres urbains. Avec la crise énergétique, le risque est fort de voir de nouveaux arrivants renoncer à leur installation au regard des distances à parcourir et du budget transport. Plus grave, cela peut devenir une cause de départ pour ceux qui sont là. A nouveau la spirale de la désertification se profile à l’horizon...
Mais notre territoire possède également des atouts indéniables : des ressources en bois-énergie, des centres de formation aux métiers du bâtiment (Felletin, Egletons), des matières premières renouvelables (bois, paille, pierre) et des entreprises capables de les valoriser ainsi qu’un cadre de vie préservé, un patrimoine architectural en bon état, une histoire faite d’hommes et de femmes de caractère. Mais ce n’est pas tout. Le Plateau de Millevaches est aujourd’hui un espace créatif où de multiples réseaux se tissent. On trouve sur notre territoire toutes ces personnes que d’aucuns diront “originales“, parce qu’elles ont fait le choix de s’implanter ou de rester en dépit des affirmations du style “il n’y a pas d’avenir ici“. Cette farouche envie, ou cette résistance, ont fait tâche d’huile et ont contribué à changer les modes de vie. D’où un fourmillement de réalisations liées à l’éco-construction : maisons en paille, en fuste, à ossature bois, en toile (yourte), toits végétalisés, couvertures en bardeaux, systèmes de phyto-épuration, panneaux solaires, projets d’éco-lotissement, associations de réhabilitation du patrimoine ancien, associations de maîtrise de l’énergie, chaufferies bois automatiques…
Engagement politique et citoyen
La solution à l’équation est donc double : il doit y avoir à la fois un effort de solidarité des régions les plus riches, de l’Etat et de l’Europe vis à vis de régions comme les nôtres, et à la fois une prise en charge active par la population elle-même qui s’exprime par l’engagement des élus, des associations et de toutes les bonnes volontés… La première condition, c’est une bataille à mener pour affirmer la nécessité d’associer dans une même réflexion et une même action territoires urbains et ruraux car les solutions aux problèmes des villes sont aussi dans les solutions aux problèmes des campagnes. La deuxième condition, c’est notre capacité d’autonomie. Seule une volonté d’expérimentation nous permettra de nous faire entendre, considérer, et peut-être de contribuer aux changements (le fameux “effet papillon“). Notre pauvreté relative est peut-être un avantage dans la mesure ou elle nous oblige à agir, expérimenter… sous peine de disparaître complètement. Cette “niaque“, cette “envie de vivre ici“, a besoin de solidarité et de soutien. Tant mieux si dans les programmes du PNR, le volet éco-construction prend de l’ampleur. Bravo si les communautés de communes intègrent dans leur compétence logement la dimension d’éco-construction, d’éco-réhabilitation, et en font une priorité d’action.
Les professionnels doivent prendre le virage
Chez les professionnels du bâtiment, la prise de conscience est bien là, mais les moyens à mettre en place en terme de formation, d’adaptation aux nouveaux matériaux, aux nouvelles normes sont colossaux. Des nouveaux métiers vont apparaître, comme “technicien d’éco-construction“, “accompagnateur d’auto-construction“, “diagnostic en éco-réhabilitation“... Du côté des architectes, le défi est le même. Lors d’une réunion officielle, un professeur d’architecture déclarait que le temps du raisonnable était venu, qu’il fallait en finir avec les projets délirants, énergivores, et que la profession devait absolument s’engager dans une architecture au service de la planète. Selon un artisan responsable d’une fédération régionale du bâtiment, “certains resteront sur la touche, incapables de prendre le virage…“. Dans les métiers qui s’adaptent très vite, le cas des plombiers-chauffagistes est exemplaire : les nouvelles énergies (solaire, chauffage bois automatique, ventilation double flux) amènent cette profession à revoir complètement ses savoirs et ses pratiques. Ces profonds bouleversements sont de nature à modifier l’image que se font les jeunes des métiers du bâtiment. A l’âge où les idées généreuses servent de gouvernail dans leurs choix d’orientation, l’idée de devenir l’artisan de maisons écologiques peut être un moteur d’engagement professionnel positif et de valorisation sociale.
Olivier Davigo
Président de l’Association pour la Promotion de l’Eco Habitat sur le Plateau de Millevaches