Bêtement récidiviste et pourtant ministre !
Depuis quelques mois le débat sur la démographie médicale s’étale dans toute la presse locale, régionale et nationale, et singulièrement en Creuse. Dans son numéro de l’hiver 2006-2007 IPNS en avait parlé au sujet de la région de Felletin rappelant à l’occasion la nécessité d’une organisation équilibrée et équitable d’un système de santé à l’échelle du territoire national et donc la définition d’une politique de santé publique.
Au début du mois de janvier 2008 c’est au tour de la ville de Guéret de s’inquiéter alors que deux généralistes et un pédiatre partent à la retraite sans bien assurer leur succession et que l’âge avancé de leurs confrères risque de rendre la situation très préoccupante à plus ou moins court terme. Et depuis il ne s’écoule pas de semaine sans que la presse alerte l’opinion publique sur le désert médical creusois.
Le déficit médical creusois en médecins généralistes et plus encore en spécialistes est une certitude. Les chiffres en sont cruellement révélateurs : quand il y a 174 médecins spécialistes pour 100 000 habitants en France il n’y en a que 74 en Creuse pour la même population, et comme celle-ci est aussi proportionnellement plus âgée elle est davantage demandeuse de soins de santé. D’ailleurs cette pénurie n’affecte pas que le corps médical, elle touche l’ensemble des acteurs de santé, que ce soient les infirmières, dentistes, ophtalmologistes, manipulateurs de radio, kinésithérapeutes, sages-femmes, etc.
Une telle situation n’est pas spécifique à la Creuse ; elle est préoccupante à l’échelle de tous les départements à dominante rurale. Elle nécessite l’invention d’une politique de santé publique. Mais les réponses de l’Etat sont désespérément vides de bon sens. Et pour en rester à la Creuse les propositions de la ministre de la santé publique sont désastreuses pour ne pas dire outrageantes. Lors du congrès national d’un syndicat médical, des jeunes médecins s’interrogeaient sur un projet de texte susceptible de leur imposer des installations en zone déficitaire. Cette bêtasse de Roselyne Bachelot n’a rien trouvé de mieux à déclarer : “Oh, on ne va pas vous obliger à vous installer en Creuse !“. Notre ministre bonasse - selon les dires d’un de ses parents creusois - ne faisait que reprendre ce qu’elle avait lu sur les calicots des internes en médecine manifestant à l’automne dernier pour le droit à leur liberté d’installation sur le territoire : “Tout sauf Guéret“, “Jamais en Creuse“. Il est à craindre que cette carence d’intelligence politique combinée avec un corporatisme non moins pitoyable du monde médical ne favorisent guère les quelques solutions qui s’ébauchent ici et là. Gageons que les projets creusois de “maison médicale pluridisciplinaire“ de proximité comme il en existe à Gouzon, La Courtine ou Faux la Montagne assureront demain un véritable service de santé publique.
Alain Carof
Tant qu'on a la santé
Sur la Communauté de communes du Plateau de Gentioux on n’a pas attendu que le gouvernement se mette à promouvoir les maisons médicales pour y penser. Depuis plusieurs années le projet est dans les cartons et il passe maintenant à sa phase de réalisation.
Tout est parti de la mise en vente de la maison où le médecin de Faux-la-Montagne a son cabinet depuis toujours. La praticienne n’envisageait pas de racheter le bâtiment et risquait donc de quitter la commune. Mais, même si elle avait acheté, la question se serait reposée pour son successeur, à l’heure de la retraite. Ce dernier aurait du s’endetter pour racheter les murs du cabinet au moment où jeune médecin il n’aurait guère les reins (financiers) très solides... Quand on sait la faible attractivité pour un jeune diplômé d’un cabinet généraliste à la campagne et que peu de médecins se voient exercer dans un isolement professionnel difficile, la Communauté de communes a pensé qu’il était de son devoir de relever le défi.
“En considérant que nous avons deux bassins de vie sur la Communauté, explique Thierry Letellier, son président, nous avons décidé de créer une maison médicale qui aurait deux antennes : l’une sur Faux-la-Montagne et l’autre sur Peyrelevade.“ Concrètement deux bâtiments vont être rénovés, une maison dans le bourg de Peyrelevade et un ancien restaurant dans celui de Faux où seront installés la maison médicale et les nouveaux locaux de la mairie.(photo ci-dessus)
Sur chacun des deux sites quatre à cinq cabinets seront disponibles. Ainsi, à Peyrelevade, en plus des deux médecins pourraient s’installer d’autres professionnels, comme à Faux : un kiné, un dentiste (même temporaire), des infirmières ou tout autre spécialiste. De plus un logement est intégré afin de pouvoir héberger un remplaçant ou un stagiaire.
Cette bipolarité qui fait l’originalité du projet du plateau de Gentioux n’a pas convaincu le Conseil Général de la Corrèze qui a émis un avis défavorable. Par ailleurs la région a commandité une étude pour en établir la pertinence. C’est à l’issue de celle-ci que les financements publics, à hauteur de 50 à 60% des 650 000 euros des deux opérations, pourront être débloqués (Etat, région, Agence régionale d’hospitalisation et Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins).
Une maison médicale doit en effet obtenir ce label, régional et national, pour recevoir les aides publiques. Plusieurs conditions sont nécessaires dont la présence de plusieurs professionnels et la mutualisation entre eux de certains outils.
Dans une profession assez individualiste le pari est osé de faire travailler ensemble plusieurs praticiens. Mais si l’on en croit d’autres banderoles également vues lors des manifestations des internes en octobre 2007, il répond peut-être au désir de certains. Le médecin de campagne d’hier ne sera certainement pas celui de demain.
Michel Lulek