Soixante dix-huit actions sur 3 ans pour un coût total d’environ 9,6 Millions d’euros, avec des participations de la Région Limousin (1,9 M€), de l’Etat (environ 415 000 €), des départements de Creuse et de Corrèze (120 000 et 245 000 € respectivement ; la Haute Vienne signant un contrat particulier avec le PNR de Millevaches) : c’est peu dire qu’il s’agit là d’une convention importante, extrêmement touffue même (voir encadré page 5). Le PNR de Millevaches a placé la barre haut et aura fort à faire les 3 prochaines années, surtout si l’on ajoute que sur ces 78 actions, une cinquantaine relève directement de sa responsabilité.
Le PNR de Millevaches joue son rôle en étant présent sur tous les champs où ce type de structures, créées pour conjuguer protection, mise en valeur et développement, est légitime.
Difficile de considérer qu’il manque un des domaines clés de compétence des parcs naturels ! Reste que cette situation ne manque pas d’interroger.
Non pas tant sur la quantité ou la qualité de telle ou telle action. Certes, on peut toujours se questionner sur le coût de certaines au regard d’autres. 250 000 € HT prévus pour la réalisation et l’installation de panneaux “images“, cela paraît énorme quand on les compare aux 120 000 € ht prévus pour le soutien à des micro-projets économiques, surtout si l’on pense qu’un des enjeux du développement sur ce territoire réside probablement dans le développement de ce type de projets. Et que dire de l’opportunité d’affecter 230 000 € pour la création d’un mystérieux pôle culturel sur la vie de l’homme de Millevaches en Haute Corrèze ?
Quant à l’analyse des actions au regard des ambitions qu’un parc est censé incarner, elle révèle quelques manques : quid par exemple d’une action volontariste et explicite en faveur d’une agriculture biologique ?. L’importance relative de certains budgets peut surprendre. Les 1,2 Millions d’€ prévus pour assurer la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine bâti, s’ils ne sont pas critiquables sur le fond, pèsent singulièrement lourds par rapport aux presque 280 000 € envisagés pour assurer le développement économique hors agriculture (animation de la DCT - Démarche Collective Territorialisée - et développement de l’économie sociale et solidaire). Au-delà des effets bénéfiques espérés d’une forme de patrimonialisation de l’espace, ne pourrait-on attendre du Parc un réel effort visant à faire émerger et valider des potentiels d’activités, voire à proposer des formes alternatives de travail adaptées à des espaces de faible densité (coopératives d’emploi et d’activités, …) ?
Mais là n’est pas le cœur de la critique que l’on peut être amené à porter. On pourrait même considérer que cette convention souffre déjà, en l’état, d’exhaustivité.
Fallait-il vraiment vouloir y faire entrer tant d’actions, comme s’il s’agissait de démontrer que le PNR existe et qu’il n’est pas un vulgaire “machin “ , qu’il agit concrètement et utilement au territoire ? Situation compréhensible au demeurant : le parc n’a-t-il pas souffert de longues années d’atermoiement qui ont pu le rendre chimérique aux yeux de beaucoup, voire inutile ?
N’en reste pas moins que ce copieux menu pourrait se révéler indigeste sur deux plans au moins.
Sur le plan financier tout d’abord. Car, si pour l’heure le parc ne rencontre pas de difficultés financières pour mettre en œuvre son projet, il pourrait en aller autrement demain. Aujourd’hui directement acteur de nombreuses démarches, en particulier d’études et d’animation, le parc pourrait en effet à l’avenir se trouver face à des besoins de financement croissants pour assurer les investissements en découlant ; y compris à périmètre d’intervention constant. Dans un contexte où la ressource financière a plutôt tendance à se contracter, ce n’est pas là un maigre écueil pour 2010 et au-delà.
En terme d’organisation politico-administrative locale et d’efficience des politiques publiques ensuite. Le Parc, on l’a vu, porte de très nombreuses actions, dont certaines directement destinées à des particuliers (OPAH - Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat - et DCT ). Il n’est pas certain que ce choix soit le plus efficace à l’usage. La capacité du PNR à irriguer finement le territoire, à assurer une animation de proximité et à faire émerger ce faisant des porteurs de projet reste à démontrer. On aurait à tout le moins pu imaginer que des structures opérationnelles de proximité, de type communautés de communes, auraient été autant, sinon plus, adaptées pour effectuer ce travail. La très bonne couverture du territoire du PNR en intercommunalités (et en pays …) plaidait en tout cas en ce sens, tout comme l’exigence de clarification des rôles et compétences des différentes structures présentes. Il n’en va pas ainsi aujourd’hui et cela participe à brouiller le paysage. Mais sans doute faut-il y voir, là encore, la marque d’une histoire locale bien particulière, où le PNR doit parfois jouer des coudes pour exister et s’investit ce faisant sur le financement d’actions dirigées vers les particuliers pour être reconnu.
Un PNR financeur direct et gestionnaire de dispositifs, telle est donc aujourd’hui l’image donnée.
S’il s’explique, cet état de fait n’en pose pas moins la question du rôle que doit jouer un échelon d’aménagement et de développement de ce type. Car si le parc met aujourd’hui “les mains dans le cambouis“, cela se fait pour partie au détriment d’une mission cruciale, qui est de sensibiliser les acteurs, de les fédérer et de les inciter à agir dans une perspective de développement durable en s’appropriant intimement les enjeux du territoire.
Certes, il est plus d’un pan de la convention qui révèle un vrai effort de concertation, de coordination entre acteurs de la société civile et représentants élus. C’est notamment le cas des actions prévues en matière d’innovation (bourse à l’innovation, éco-centre de Lachaud), d’économie sociale et solidaire ou encore de culture, qui portent à la fois la marque d’une impulsion de la société civile (via le Conseil de Valorisation du PNR ou d’autres initiatives de fédération des acteurs) et d’une appropriation politique. (Même si l’on peut toujours s’interroger sur la façon dont ces actions seront relayées au-delà des premières expérimentations …)
C’est moins le cas dans d’autres domaines, tel l’environnement. L’effort de sensibilisation, d’animation puis de choix stratégique partagé n’a manifestement pas été porté ici, et les actions retenues illustrent plus une stratégie “technique“ que “politique“, avec des projets pointus (diagnostics piscicoles, diagnostics d’espèces, étude de fonctionnalité des écosystèmes…) plus que des démarches d’impulsion politique (comme peut le devenir le Plan Climat Territorial). De là à penser que ce domaine souffre d’un manque d’appropriation politique, il y a un pas qu’il est facile de franchir sans grand risque de se tromper et qui aurait peut-être pu être évité si le Parc s’était situé comme espace de débat, de rencontre et d’orientation, plus que comme acteur immédiatement porteur de projet.
A sa décharge, signalons toutefois que l’absence de direction sur une bonne partie des années 2006 et 2007 n’a guère permis de faire émerger simultanément des priorités portées par l’équipe technique du parc, par la société civile et par les élus locaux, puis d’identifier des passerelles entre elles et d’opérer des jonctions.
Pris dans l’alternative du “faire“ ou “faire faire“, le PNR est donc pour le moment resté au milieu du gué. Si cela manifeste probablement un “défaut de jeunesse“, voir une nécessité historique, cette situation ne pourra néanmoins souffrir longtemps d’hésitations. Il en va de sa crédibilité et de sa capacité à jouer un rôle autonome, tout en étant complémentaire des autres acteurs en présence.
De ce point de vue, les perspectives qui se dessinent pour l’avenir, avec la préparation des axes de travail pour 2011-2013, laissent au Parc la latitude de se repositionner comme animateur des réflexions, coordinateur des initiatives plutôt que comme gestionnaire.
Rôle certes ingrat que celui de “mettre en musique“ des initiatives parfois antagonistes et de fédérer des énergies, mais également valorisant, lorsqu’il s’agit d’intervenir en stratège, chargé d’éclairer l’avenir du territoire et de rendre possible ici “une autre vie“ (cf. slogan de la Fédération des PNR).