L’article “Produire local, une nécessité” dans le numéro précédent d’IPNS m’a donné envie d’écrire quelques mots sur Via Campesina pour montrer à quel point les préoccupations exprimées par Yvan Tricard pour le Limousin sont partagées au-delà des frontières et des mers.
Difficile de choisir un autre titre pour faire un article sur la Via Campesina. C’est le slogan du mouvement, connu dans toutes les langues de la planète, et cri de ralliement pour nombre de familles paysannes à travers le monde.
La Via Campesina est un mouvement international qui regroupe de part le monde environ 150 organisations paysannes dans près de 60 pays d’Asie, d’ Afrique, d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale et d’Amérique latine. Il a été fondé en 1993 et oeuvre depuis lors pour améliorer les conditions de vie des familles paysannes, renforcer la production locale d’aliments pour la consommation locale et ouvrir des espaces démocratiques pour permettre aux agriculteurs de faire entendre leur voix. En effet, la plupart des organisations internationales telles que l’OMC, la Banque Mondiale, le FMI mettent en oeuvre des politiques de libéralisation des échanges qui ont un impact direct sur les familles paysannes. Mais, elles ne consultent jamais évidement ceux qui sont les premières victimes et les plus concernés par ces soi-disantes politiques de développement. Lassés de n’être n’y entendus, n’y consultés, les leaders de plusieurs organisations paysannes ont décidé de s’unir pour porter et défendre à tous les niveaux leurs propositions pour un autre développement, pour une agriculture respectueuse des hommes et des territoires.
Pour se faire, en 1996, lors de sa deuxième assemblée internationale, La Via Campesina a proposé pour la première fois l’idée de la souveraineté alimentaire. Pour le mouvement, la souveraineté alimentaire est un droit. C’est le droit des peuples et des pays à définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles ainsi que leurs propres politiques agricoles. C’est le droit des peuples à produire leurs propres aliments et à organiser la production alimentaire et la consommation dans le respect de la culture de chacun et selon les besoins des communautés locales. Or ce droit est aujourd’hui bafoué puisque les pays ou les Unions de pays édictent bien souvent leurs politiques agricoles en fonction des principes de l’OMC ou des accords de libre échange et non en fonction de l’intérêt de leur population.
La Via Campesina et ses organisations membres s’attachent donc à faire reconnaître ce droit en travaillant au niveau national auprès des gouvernements les moins libéraux et avec les institutions internationales les moins “idéologiquement contaminées” par les théories du libre échange (la FAO, la CNUCED1, la Commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme etc...). Certains pays, conscients des dégâts engendrés sur leur secteur agricole par des décennies d’ouverture des marchés, ont fait le pas d’inscrire dans leur constitution ce droit. C’est le cas du Népal, de la Bolivie et du Mali par exemple. Mais la généralisation et la mise en application de la reconnaissance de ce droit reste encore à acquérir.
Elle passe par des luttes concrètes sur de nombreux sujets (semences, accès à la terre, biodiversité, migrants, participation des femmes, violation des droits de l’homme, etc). Comme les organisations françaises qui font partie de la Via Campesina, tous les autres membres du mouvement résistent à la diffusion des semences génétiquement modifiées. Ils mènent aussi des luttes pour obtenir des réformes agraires, rappeler que les sols ne doivent pas devenir des objets spéculatifs pour la production d’agrocarburants. Ainsi sur cet exemple de l’accès à la terre, à nouveau les niveaux international et local se font écho. Il s’agit bien de l’illustration du slogan de la Via Campesina : «Globalisons les luttes pour globaliser l’espoir !»
Solenne Garin
1 Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
https://viacampesina.org/fr/