Dans son numéro du 29 décembre 2007, Le Monde a publié une article intitulé «Des experts dénoncent la pollution due aux chaufferies à bois». Cet article a inquiété certains habitants de Felletin qui l’ont porté à la connaissance des élus municipaux. Nous publions ci-dessous les remarques de Jean-François Pressicaud présentées au conseil municipal de Felletin, visant à ramener à leur juste mesure les dangers dénoncés par «des responsables de l’environnement dans la région Rhône-Alpes».
Au-delà de Felletin, c’est tout le développement du chauffage à bois en Limousin (et ailleurs) qui peut être atteint par de telles controverses. Aucune activité humaine ne peut prétendre avoir un impact nul sur l’environnement, mais certaines génèrent moins de nuisances que d’autres. Le chauffage au bois ou l’énergie éolienne ne constituent pas la panacée des systèmes parfaits. Mais là où ils peuvent être utilisés, ils ont toute leur place dans le cadre d’une politique visant d’abord les économies et ensuite la diversification des énergies, avec priorité aux productions renouvelables et locales.
De 2 à 20 MW th, ce n’est pas pareil !
L’article du Monde vise principalement les chaudières d’une puissance inférieure à 2 MW th (mégawatts thermiques) qui “échapperaient à toute réglementation“. Ce n’est pas du tout le cas de l’installation felletinoise dont la puissance-bois est de 14 MW th. De plus, le ministère de l’industrie lui a appliqué la réglementation concernant les chaudières de plus de 20 MW th, en additionnant la puissance de la chaudière-bois et celle de la chaudière de secours à gaz (6,5 MW th) alors qu’elles ne peuvent jamais fonctionner simultanément.
Le classement dans cette catégorie a eu des conséquences importantes : on est passé du régime de la déclaration à celui, beaucoup plus lourd, de l’autorisation, avec notamment la nécessité d’une enquête publique.
Au final l’arrêté préfectoral (n° 2005-0160) autorisant l’exploitation reprend les exigences de l’arrêté ministériel du 20 juin 2002 “relatif aux chaudières présentes dans une installation nouvelle ou modifiée d’une puissance supérieure à 20 MW th“. Il ressort de la lecture de ces deux arrêtés que, contrairement à ce que peut laisser croire l’article du Monde, la liste des polluants surveillés est impressionnante, et concerne en particulier les métaux lourds (cadmium, mercure, thallium, plomb, chrome, etc…) et les H.A.P. (hydrocarbures). Le texte intégral de ces arrêtés est consultable en mairie.
Un niveau de pollution très faible
Les dernières analyses effectuées par le bureau Veritas en novembre 2007, montrent que tous les paramètres étudiés dans les rejets atmosphériques sont conformes aux exigences de l’arrêté d’autorisation. Cela n’est guère étonnant, car les travaux complémentaires effectués depuis deux ans, concernant notamment la préparation du combustible, les réglages et le revêtement intérieur du four, ont permis d’aboutir à un fonctionnement optimal de l’installation. La combustion étant bonne, le niveau de pollution se situe à un niveau très faible, et les normes sont aisément respectées.
Nos arbres n’ont guère de produits dangereux à capter
L’article explique que “l’arbre capte les éléments contenus dans l’atmosphère et dans le sol… et on retrouve dans l’air des produits dangereux“. Or, nous savons que, dans notre région, les sols sont pauvres en sels minéraux ; c’est par exemple une caractéristique de nos eaux de source. Par ailleurs, et bien que la pollution atmosphérique ne connaisse pas de frontières, les forêts du Plateau de Millevaches croissent dans un air moins pollué que celui des zones urbaines. Nous avons donc toutes les raisons de penser que la pollution due à la concentration dans les arbres d’éléments dangereux doit être très faible et peut-être même insignifiante. Cette supposition est confirmée par les résultats rassurants des analyses.
Faire des comparaisons pertinentes
L’article du Monde fait constamment le parallèle entre la chaufferie-bois et les incinérateurs d’ordures ménagères. A qui fera-t-on croire que les dangers sont les mêmes ? Entre la combustion du bois brut non traité et celle d’ordures ménagères comprenant des plastiques, des métaux et de nombreux produits chimiques dangereux, la différence saute aux yeux.
Ce n’est pas avec les incinérateurs d’ordures ménagères que devraient être comparées les chaudières bois, qu’il s’agisse de Felletin, ou de celles, de dimensions diverses, qui existent à Bourganeuf, Egletons, Pontarion, Faux la Montagne ou ailleurs, c’est plutôt avec la pollution des installations individuelles au fioul ou au gaz qu’elles évitent que l’on pourrait établir des comparaisons. On constaterait alors que ce sont des milliers de tonnes de combustibles fossiles qui sont économisées grâce à ces chaufferies bois et que c’est bénéfique autant par la non émission de gaz à effet de serre que par la diminution considérable des autres polluants.
Ne pas croire les experts sur parole
Nous pensons donc qu’il ne faut pas inquiéter les populations avec des dangers hypothétiques et de faible gravité alors que d’autres sont passés sous silence (bien qu’établis avec certitude) : déchets nucléaires, transports routiers ou aériens, chauffage au fioul ou au gaz …
Bien que leur avis soit toujours utile et généralement nécessaire pour étayer notre jugement, il ne faut pas prendre la parole des experts pour une vérité indiscutable, les désaccords qui existent dans le milieu scientifique nous montrent que personne, même parmi les plus “savants“, n’échappe à des préjugés idéologiques (ou même à des intérêts) qui influencent leurs prises de position. Les controverses concernant les questions d’énergie sont très vives, les lobbies divers (nucléaires, pétrole) sont puissants et ils ont tout intérêt à discréditer les énergies renouvelables.
Au-delà de ces débats, il faudrait que chacun comprenne que nous, Felletinois, devons être fiers d’une installation de co-génération qui a maintenant dépassée ses défauts de jeunesse et qui produit proprement, à partir d’une ressource renouvelable et locale, de la chaleur utilisée par le réseau qui alimente les bâtiments collectifs et de l’électricité en quantité trois fois supérieure à la consommation de la ville.
Au niveau national cette reconnaissance existe. Ainsi, le CLER (Comité de liaison des énergies renouvelables) a, pour la troisième année consécutive, décerné à la commune de Felletin la médaille d’or du championnat des énergies renouvelables des communes (catégorie bois-énergie, commune de moins de 2000 habitants). Il faut maintenant que, localement et régionalement, cette réalisation soit citée en exemple.
Jean-François Pressicaud