Un petit village entouré de pâturages d’altitude, surplombé par un pic dont il porte le nom : c’est ici que notre groupe logera pour les trois prochaines nuits, chaleureusement accueilli par une famille de paysans vivant en quasi-autonomie sur leur ferme. Nous sommes à quelques kilomètres du siège de la Chambre d’agriculture alternative basque, où nous allons passer la journée.
Nous, ce sont des jeunes porteurs de projet agricole, un agriculteur retraité maire de sa commune, une ex-salariée de l’Adear et un salarié de l’Arban férus de foncier, un éleveur syndiqué à la Confédération paysanne et un membre du groupe « Eau » soucieux du devenir des terres dans la vallée de la Vienne, se reconnaissant du Syndicat de la Montagne limousine. Avec nous, une équipe de 3 membres de Télé Millevaches, caméra au poing, attestera de nos pérégrinations dans le but d’en sortir un documentaire pour faciliter la transmission de notre travail d’enquête.
Ce groupe de travail, démarré depuis un an, réfléchit à la création d’une structure pour racheter du foncier agricole sur le plateau de Millevaches. Son premier but serait d’encourager, faciliter et multiplier l’installation de nouveaux paysans sur le territoire. Dans un contexte de départ à la retraite simultané d’une génération d’exploitants, un grand nombre de fermes vont être à reprendre mais leur transmission paraît compromise : la spécialisation dans l’élevage de bovins allaitants, qui représente 60 % des fermes du PNR de Millevaches, a conduit à l’agrandissement des exploitations au cours des dernières décennies. Cette tendance mène aujourd’hui à une impasse en termes de transmission des fermes, équipées de matériel de grande dimension et dépassant bien souvent les 100 hectares, ce qui justifie un prix de revente très élevé. Beaucoup de nouveaux porteurs de projets, ne venant pas de familles d’agriculteurs, doivent donc investir dans leur outil de travail. Enfin, ces élevages surdimensionnés rendent difficile la possibilité d’y projeter d’autres types de production qui permettraient pourtant de tendre vers davantage d’autonomie alimentaire sur le territoire. Dans ce contexte, l’hypothèse de notre groupe est que le rachat collectif de certaines fermes permettrait de faire la transition avec l’agriculteur cédant, le temps de trouver les candidat.es ou groupes candidats à la reprise, ainsi que d’aider à redimensionner les exploitations en lots plus petits adaptés à leur projet.
Nous sommes donc partis pour comprendre en quoi le territoire basque est plus efficace que les autres à installer des paysans, et si ses institutions paysannes alternatives peuvent nous servir de modèle. Nous avons rencontré deux structures : la Chambre d’agriculture alternative Euskal Herriko laborantza Ganbara (EHLG) et la foncière Lurzaindia ainsi que des paysans du syndicat ELB qui nous ont raconté leur histoire. Ces structures constituent le fer de lance de la défense d’une agriculture paysanne au Pays Basque. Là-bas, l’agriculture représente une part non négligeable de l’économie puisque 18 % des actifs sont agriculteurs dans les zones de montagne (contre 3,4 % en moyenne en France). Qui plus est, les fermes paysannes y sont encore nombreuses, en témoigne le syndicat ELB, majoritaire depuis 2001 aux élections de la Chambre d’agriculture officielle dans les cantons basques. De très bonnes terres associées à un climat propice ont permis le développement d’une production spécialisée de fromage de brebis très bien valorisé (AOP Ossau Iraty). Un autre indice de la forte dynamique agricole de la région est la proportion de jeunes paysans repreneurs, plus nombreux à s’installer dans le cadre familial qu’en Limousin. Ainsi, toutes les fermes que nous avons visitées avaient été reprises par les enfants des anciens exploitants. L’identité basque est un ferment de leur engagement en faveur d’une agriculture paysanne. Cette logique semble primer non pas uniquement pour les paysans mais aussi pour le reste de la société civile basque, qui nous a témoigné d’une forte implication dans la défense du maintien d’une agriculture paysanne sur le territoire. Nous avons ainsi rencontré plusieurs citoyens dont une responsable de l’association InterAMAP qui s’est très impliquée dans les instances paysannes en siégeant notamment à la Chambre d’agriculture alternative et en participant à la foncière Lurzaindia.
Suite à ces rencontres riches d’enseignements, il nous apparaît clairement que la question du devenir du foncier agricole sur le Plateau ne pourra pas se poser sans la mobilisation de deux éléments primordiaux : d’une part celle d’une population paysanne locale soucieuse du rôle social qu’elle joue et cherchant à se renforcer, et d’autre part celle d’habitant.es du territoire qui reconnaîtraient la valeur sociale d’une lutte pour le foncier agricole et l’installation de nouveaux paysans. Les paysans basques sont forts certes par leur nombre et leur détermination, mais aussi parce qu’ils ont une partie de la population basque qui se mobilise avec eux. Là-bas, les enjeux agricoles sont des enjeux de société. Travailler notre inscription sur le territoire nous semble donc être une priorité. Une structure foncière n’est qu’un outil, un prétexte à prendre à bras le corps cette question du foncier et de la place de la paysannerie par chez nous. L’aventure ne fait que commencer, et les pistes à mettre en travail sont nombreuses. En voici deux : faire davantage de lien avec les paysans de la Confédération paysanne qui siègent en Safer et gèrent les dossiers de reprise de ferme, et nous appuyer sur les communes pour réaliser des associations de propriétaires de terre comme c’est en préfiguration à La Villedieu.
1 Syndicat paysan basque membre de la Confédération Paysanne
Les forêts sont riches, diverses, complexes, bref : vivantes. Mais l’industrie aimerait les transformer en monocultures d’arbres bien alignés, faciles à récolter, maîtrisés. Le gouvernement ne s’y oppose pas, il assume : « une forêt, ça se cultive, ça s’exploite ». Pendant ce temps, loin des ministères, la résistance s’organise. Partout en France, des individus, des collectifs et des associations s’activent, inventent des alternatives et défendent les forêts. Le temps est venu d’unir ces forces, pour faire front commun contre l’industrialisation des forêts !
Nos forêts sont devenues un champ de bataille en proie aux machines et à l’appétit insatiable des industriels. Partout, dans nos communes, départements et régions de France, nous voyons notre bien commun se faire malmener, les coupes rases et les monocultures se multiplier. C’est un fait palpable que nous éprouvons au quotidien, une violence que nous ressentons dans notre chair. Le productivisme gagne nos massifs forestiers et plie le vivant aux règles du marché. Des paysages séculaires sont dévastés parfois en quelques heures... Les arbres sont moissonnés comme du blé. Partout, les forêts sont vues comme un gisement inépuisable que l’industrie est appelée à exploiter et le bois comme un simple matériau à transformer.
Depuis cinq ans, l’action du gouvernement est déplorable. Alors que la Convention citoyenne pour le climat avait émis des propositions ambitieuses pour les forêts, l’Exécutif a tout fait pour s’y opposer, en amoindrir la portée et les vider de leur substance. Quant au plan de relance, il a capitulé devant les lobbies des planteurs d’arbres sans aucune contrepartie environnementale sérieuse. Tout au long du quinquennat, il n’a cessé de démanteler le service public. Plus de 1 000 emplois ont été supprimés à l’Office national des forêts depuis 2017, 475 emplois supplémentaires pourraient disparaître au cours des cinq prochaines années.
Au sommet de l’État, tout est verrouillé. Les solutions ne viendront pas d’en haut. C’est une certitude. Seule une pression, à la base, sur le terrain, pourra les faire plier. Dans les couloirs feutrés des ministères, les industriels déploient leur stratégie à coup de bulldozers. Le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, s’en fait le porte-voix. Dans une lettre adressée à la Commission européenne, il s’est attristé de voir « les forêts réduites à des considérations environnementales en ne tenant pas compte des aspects socio-économiques ». À l’Assemblée nationale, il a affirmé qu’« une forêt, ça se cultive, ça s’exploite ». Le gouvernement veut accroître les prélèvements en forêt de 70 % d’ici 2050 et passer d’environ 60 millions de mètres cubes de bois récoltés par an à plus d’une centaine de million. Nous savons ce que cela implique : une exploitation toujours plus accrue de nos forêts et une intensification des coupes-rases.
Nous ne voulons pas être les spectateurs passifs de la destruction en cours.
Il n’y a aucune fatalité à la situation actuelle et il ne tient qu’à nous d’en inverser la tendance. Un grand mouvement populaire est en train de naître autour de la défense des arbres. Après avoir été dépossédé.e.s de tout un pan du territoire national, des habitant.e.s, des citoyen.ne.s, des associations, des forestier.e.s ont décidé de se le réapproprier. Nous refusons que les forêts subissent à leur tour la logique industrielle qui a ravagé et ravage encore l’agriculture, qui détruit des métiers et des savoir-faire reconnus et appauvrit la biodiversité.
Partout, localement, des résistances sont déjà à l’œuvre. Des alternatives éclosent, des alliances naissent. D’autres imaginaires s’inventent. Ici, on achète des forêts pour les gérer de manière soutenable ou les laisser en libre évolution. Là, on développe des circuits courts de la grume à la poutre. Là-bas, on s’oppose à un projet de méga-scierie. Des associations s’engagent pour faire bouger la loi, des forestiers parviennent à s’extraire de pratiques sylvicoles qu’ils savent nocives pour se tourner vers une sylviculture douce, des habitant.e.s créent des vigies citoyennes. Des syndicalistes de l’ONF se mettent aussi en grève. Nos luttes sont multiples. Nos actions s’enrichissent mutuellement. Elles font bruisser le monde que nous souhaitons voir advenir. Elles lui donnent corps. Mais ce n’est pas suffisant. Pour gagner, nous devons passer à un cran supérieur, tisser la toile d’un récit commun, constituer un front. Tout porte à croire que c’est maintenant ou jamais. Nos forêts sont à la croisée des chemins. Nous appelons à une année de mobilisation pour les forêts françaises. La question des forêts ne concerne pas seulement l’autre bout de la planète l’Amazonie, la Sibérie ou l’Ouest Canadien qui sont touchés par les grands feux ou la déforestation. Elle se joue ici sur nos territoires, en bas de chez nous. Ici aussi, les conséquences du réchauffement climatique se font sentir, les sécheresses représentent une menace devenue réalité, les forêts dépérissent et la vision extractiviste continue de se propager. Ici aussi, les indicateurs sont dans le rouge. L’horizon se couvre. Il y a urgence à agir. Nous appelons chaque collectif et association engagés dans les forêts à participer à une campagne nationale contre leur industrialisation. Celle-ci se déroulera au cours des trois prochaines saisons, en trois temps. C’est une première étape, le début d’une lente montée de sève !
Le week-end du 16 et 17 octobre, nous invitons chaque association et collectif d’habitant.e.s à organiser une action localement sur son territoire. Pour que le plus grand monde puisse y participer à sa manière, avec son élan et son énergie, nous nous donnons un cadre d’action non-violent ce qui n’exclut pas les actions de désobéissance civile. Nous ferons résonner ces luttes au même moment sous un même cri de ralliement. Contre leur industrialisation et leurs grands projets inutiles, nous montrerons les forces de nos alternatives et défendrons le maintien d’un service public forestier digne de ce nom ! Nous appelons aussi à ce que cesse l’exploitation forcenée des travailleurs de la forêt, bûcherons, débardeurs et de tous les auto-entrepreneurs taillables et corvéables. Nous invitons chaque groupe et ou collectif à nous contacter et à se présenter pour que nous puissions en amont répertorier leur mobilisation sur une carte interactive en nous écrivant à l’adresse :
L’hiver sera propice à la rencontre. Après une première action sur chacun de nos territoires le 16-17 octobre, nous nous retrouverons début décembre pour une grande assemblée des luttes et des alternatives forestières. Si nous voulons construire le mouvement dans la durée, tenir dans l’adversité, cela passe selon nous par une culture commune qui manque encore et que nous devons enrichir puis faire croître comme un maquis.
Alors qu’au printemps, tout renaît, nous laisserons nos jeunes pousses se déployer. Nous prévoyons d’organiser tous ensemble une action de désobéissance civile dans un lieu précis pour marquer notre présence et montrer que nous ne sommes pas dupes des tentatives de greenwashing. L’action aura lieu une semaine avant la journée internationale des forêts, un événement devenu lisse et récupéré par les industriels. Avec ce coup d’éclat, nous avons bien l’intention de détourner les projecteurs. A l’étalage des bons sentiments, nous opposerons la vitalité de nos luttes et les espoirs qu’elles soulèvent.
Contact :
Cette fête prendrait la forme d’un événement public itinérant, depuis les sources de la Vienne entre Saint-Setiers et Peyrelevade, en suivant ses différents affluents, jusqu’à Saint-Denis-des-Murs où la Maulde rejoint la Vienne. Ce serait à la fois une fête populaire et un moment de rencontres et de débats autour des différents enjeux qui touchent le bassin versant, à savoir : la qualité de l’eau, des sols, de la biodiversité, la qualité de vie des habitants du bassin, les enjeux économiques également. Nous pensions à un événement « perlé » (comme une série de petits événements plutôt qu’un gros rassemblement), qui descendrait progressivement en suivant la rivière et ses affluents, ce qui permettrait d’éviter les effets de trop grande concentration humaine et de limiter les risques sanitaires. Cela pourrait s’étaler sur une dizaine de jours et mêler des événements d’envergures très différentes : une projection ici, une balade naturaliste là, une table ronde, une exposition, une visite d’ouvrage, un spectacle, une descente en kayak, un témoignage...
L’eau ne connaît pas sur son passage de limites administratives, elle se fiche des limites de propriété. Quand elle disparaît, quand les sources se tarissent, nous sommes tous et toutes également touché.e.s, tant émotionnellement que physiquement. Nous le sentons venir déjà : la question de la ressource en eau est le sujet brûlant des années qui viennent. Sur le chemin de cette prise de conscience
(« l’eau pourrait ne plus couler de source ») de nombreux conflits d’usage vont naître et bruissent déjà. Nous pouvons anticiper ces terrains de conflit, anticiper les conséquences désastreuses des pénuries d’eau et de la hausse des températures, à notre très petite échelle peut-être autant voire plus que dans les grandes réunions internationales.
L’eau et par elle, le bassin-versant qui nous traverse et que nous traversons chaque jour nous lie envers et contre tout. Nous pensons qu’il faut sortir les enjeux économiques, patrimoniaux, sanitaires, écologiques, symboliques de la gestion de l’eau, des tiroirs institutionnels où ils reposent, les mettre sur la place publique, produire ensemble une conscience commune du bassin-versant, de ce qu’il y faut permettre, de ce qu’il y faut proscrire, de ce qu’il y faut défendre.
Cette invitation s’adresse en priorité aux habitants et habitantes du haut-bassin versant de la Vienne, mais aussi à toutes les communes, associations locales, groupements professionnels qui œuvrent à la préservation de ce bien commun (sous l’angle de la randonnée, des sports de pleine nature, de la pêche, de la sensibilisation à l’environnement ou de la vulgarisation scientifique, ou encore sous l’angle patrimonial ou artistique). Cette fête pourrait être un carrefour pour nous toutes et tous qui habitons ici et une manière de ne plus laisser traîner les questions brûlantes : l’eau du robinet, la ressource piscicole, la faune et la flore, l’état des sols, le rôle des forêts, des pratiques d’élevage et d’exploitation du bois, l’énergie, la santé... Des traces filmées, audio et graphiques de chacun des évènements permettront de garder mémoire de ces moments et de les partager avec toutes celles et ceux qui n’auront pas pu venir ou qui se posent des questions similaires ailleurs. Faisons de la tête de bassin de la Vienne le fil conducteur de nos débats et de nos coopérations à venir.
Le « groupe Eau » au sein du Syndicat de la Montagne Limousine et d’autres amoureux et amoureuses de la vallée de la Vienne, de la Maulde, de la rivière de Lacelle, du Dorat, de la Feuillade, de la Chandouille, du Menoueix et tous les autres...
Qui n’a pas entendu, après s’être plaint de ne pas trouver à se loger sur le plateau de Millevaches, une remarque du genre « Pourtant, il y a plein de maisons vides sur le Plateau ! » ?
Il y a quelques années, une personne ayant repéré une maison inhabitée dans son bourg appelle le propriétaire en région parisienne pour savoir s’il serait prêt à louer son bien. « Ah non ! Vous comprenez, c’est une maison qui vient de mes parents, et puis maintenant je ne suis plus en âge de m’en occuper, ce sont mes enfants qui décideront de ce qu’ils veulent en faire... », explique le propriétaire. Après un petit instant de réflexion, il ajoute : « Mais tout de même, c’est étrange que vous ne trouviez pas à vous loger dans le bourg... Il y a tellement de maisons vides ! »
L’anecdote n’est pas très différente de celle de cette vieille femme qui allait aérer depuis trente ans une maison inhabitée. Au jeune couple qui lui propose de l’occuper moyennant travaux et petit loyer, elle oppose une fin de non recevoir avec un argument de choc : « Vous comprenez, si je m’étais mariée, c’est la maison que j’aurais habitée. »
Et l’histoire de cette autre maison dont le toit s’abîme, les ardoises glissent, les murs se fendillent. La mairie alerte le propriétaire... Il y a danger, péril imminent. Elle le somme de faire quelque chose, un accident pourrait arriver. Résultat : un jour, le propriétaire envoie un bulldozer qui, ni une ni deux, rase le bâtiment.
Dans les années 1970-1980, un château du XIXe siècle avait fait rêver plus d’un.e nouvel.le habitant.e, qui y aurait bien monté, l’un.e une ferme, l’autre un centre équestre. Mais veto du proprio. La belle demeure, perdue au fond des bois, finira par voir sa porte fracturée, ses boiseries dépecées, puis son ardoise s’émietter, sa charpente s’effondrer. Quelques pilleurs de beaux linteaux étaient passés par là... Il ne reste aujourd’hui qu’une ruine. Un pan de mur, une fenêtre vide, un amas de pierres sous une croûte de lierre.
Trois associations repèrent une belle bâtisse dont la toiture vient d’être refaite. Elles y installeraient bien leurs bureaux. Mais le propriétaire, un résident secondaire dont la vie a bifurqué, cherche à en retirer le meilleur prix (il veut au moins récupérer les billes qu’il y a dépensées). Son bien ne vaut pas la moitié de ce qu’il en veut. Sous le panneau « À vendre », un tag rageur est apparu un jour : « À rendre ».
Ailleurs, un groupe d’ami.es tente d’acquérir une maison et le hangar attenant. Amiante dans la toiture, isolation nulle, cloisons à refaire. Le bien ne vaut rien. Les acheteurs sont prêts à le remettre en état, à l’habiter, à le rendre à nouveau vivant. Les propriétaires font monter les enchères avec une hypothétique offre concurrente. Ils s’imaginent détenir une perle immobilière. Maquignons dans l’âme, ils font tout ce qu’ils peuvent pour retirer de l’or d’une poule qui n’est même plus capable de pondre un œuf. Le bâtiment, en attendant, se dégrade...
L’ancien hôtel dépare le haut du bourg. Depuis des années, des privés, la commune, proposent à la famille, absentéiste, de lui racheter le bien. On parle d’en faire un bar, une école, des logements sociaux. Non, le vieux ne veut rien entendre : « Vous en ferez ce que vous voudrez quand je serai mort. » Il finit par décéder. Sa veuve : « Vous en ferez ce que vous voudrez quand je serai morte. » Elle aussi trépasse. Les enfants, qui habitent loin, qui ne savent peut-être même plus à quoi ressemble le vieil hôtel des aïeux, s’imaginent détenir un cinq étoiles sur le plateau de Millevaches. Pas question de céder un tel trésor ! Le toit commence déjà à fuir... La faillite est pour bientôt, mais, en attendant, la friche enlaidit un bourg et bloque des initiatives.
Dans ce village, voilà un jeune qui cherche à agrandir son terrain pour faire du maraîchage. Mais tout est bloqué. Ce qui n’est pas déjà utilisé est gelé : « On veut pas s’embêter avec un locataire », « J’en ferai peut-être quelque chose un jour. » La situation perdure. Le jeune finit par s’en aller ailleurs.
On pourrait, en arpentant les communes de la Montagne limousine, égrener tout un chapelet d’historiettes du genre qui illustrent avec une terrible récurrence comment le sacro-saint principe de propriété peut être handicapant pour un territoire qui accueille plus d’habitant.es que de personnes qui le quittent, des habitant.es qui bien souvent peinent à se loger. Que ce soit en empêchant des personnes de trouver facilement un toit, en gelant un immobilier qui pourrait servir, en laissant se dégrader un patrimoine qui devient vite une verrue dans un village quand ce n’est pas un danger. Des propriétaires, souvent non résidents, organisent inconsciemment le blocage du foncier et l’inertie immobilière. Patrimoine en déshérence, biens vacants, ruines désespérantes... À côté, les résidences secondaires, pimpantes ou tristounettes, se font presque pardonner leurs volets fermés et leurs portes barricadées...
La présence de biens vacants, notamment immobiliers, sur le ban des communes, constitue une réelle épine dans le pied des élu.es. Outre les risques encourus pour la sécurité des personnes, ces biens pèsent sur l’image et l’attractivité des bourgs et villages et donnent un aspect d’abandon qui ne facilite pas la revitalisation des centres-bourgs.
On ne peut rester passifs devant de telles situations. Des collectivités s’y emploient, souvent en rachetant du bâti, en le réhabilitant puis en l’offrant à la location. Cela a un coût qui est souvent important car il faut rajouter au prix d’achat celui de la réhabilitation qui est souvent très élevé. Mais il arrive que la vente soit impossible ou même parfois que le propriétaire ait disparu ! Même si peu de leviers existent pour agir sur de tels blocages, il y en a malgré tout quelques-uns, trop souvent ignorés, encore moins souvent utilisés, que ce soit par méconnaissance, par timidité politique ou par respect exagéré du droit de propriété.
La brochure éditée par le Syndicat de la Montagne limousine vise à donner quelques outils pour dégonder les choses. Il ne s’agit pas d’entrer par effraction (encore que dans certains cas il puisse être légitime de le faire), mais de venir, code en main, loi en tête, se saisir, dans les interstices du droit, des dispositifs et des procédures qui permettent de récupérer des logements vides, des terres en friche ou des maisons inhabitées. L’évolution du droit, notamment au début des années 2000, a donné aux collectivités locales de réels moyens d’agir. Indépendamment de la procédure de péril, qui porte sur des édifices menaçant ruine et présentant un risque pour la sécurité des biens et des personnes, les procédures de déclaration de parcelle en état d’abandon manifeste et d’acquisition de biens sans maître ont ainsi ouvert d’intéressantes perspectives pour les communes. Il existe en effet toute une batterie de dispositifs qui, sans remettre en cause les fondements du droit de propriété, ouvre la possibilité, pour les communes, de remettre en vie un patrimoine en déshérence. Ces outils existent : osons les utiliser !
Membres d’associations de sylviculture, de collectifs de défense des forêts, bûcherons, élagueurs, gestionnaires forestiers, charpentiers ou habitants de territoires forestiers : les participants et participantes sont réunis autour d’un cercle. La parole circule de manière fluide, chacun apportant sa vision et son expérience pour nourrir la discussion.
“Comment faire émerger des propositions alternatives ?” commence un charpentier du plateau de Millevaches. Il poursuit son intervention en pointant l’importance de se réemparer des questions économiques : “On a laissé tomber ça, et du coup, on se retrouve totalement désarmé pour faire des propositions alternatives à l'industrie [...] pourquoi on n’est pas beaucoup plus affûté sur ces questions d’économie ? Tant qu'on ne le sera pas, on reproduira tout simplement les schémas capitalistes de domination et de non-partage de la valeur.”
En forêt, se jouent en effet des rapports de dominations et d'inégalités de conditions sociales entre personnes aux métiers et statuts bien différents : les propriétaires, les gestionnaires, les bûcherons, les débardeurs, les conducteurs de camions, les scieurs, etc. Pour créer une filière locale et juste, il faudrait donc porter attention au travail de tous les acteurs de la chaîne pour s’assurer que tous les travailleurs soient correctement payés.
Au cours de la discussion, plusieurs propositions émergent pour favoriser le partage de la valeur : limiter les intermédiaires pour que chacun ait droit à un peu plus de valeur ajoutée ? Privilégier la collectivisation : recréer du commun forestier ? Un membre d’une association de formation en sylviculture et bûcheronnage insiste sur la nécessité de développer une “écoute empathique” entre les acteurs de la filière comme les gestionnaires forestiers et les bûcherons par exemple : “j’entends surtout du bashing entre les deux” constate-t-il, en pointant l’importance des hiérarchies sociales dans le fonctionnement du système capitaliste. Il s’interroge sur la manière de rompre avec ces hiérarchies et ces rapports de domination économique : “comment fait-on pour que les gestionnaires assument de faire travailler des bûcherons très bien payés dans de la futaie irrégulière ? [...] Et qu’ils assument de dire au propriétaire : “tu vas baisser ton revenu” et que chaque étape soit plus socialisée et équilibrée dans les répartitions ? ”.
Selon plusieurs participants, un meilleur partage de la valeur pourrait passer par le fait de décloisonner les différents métiers de la forêt : ainsi, chaque travailleur aurait conscience des enjeux des uns et des autres, ce qui rendrait les chantiers beaucoup plus fluides et justes pour tous. Ils proposent aussi que les tâches les plus pénibles soient collectivisées.
Une personne membre de l’association corrézienne Faîtes et Racines propose par exemple de généraliser la pratique collective du débardage ou d’impliquer les débardeurs dans d’autres étapes de l’exploitation forestière : “ le débardeur, il ne faut pas le laisser que débardeur. Moi non plus ça ne me vend pas du rêve quand on me dit : « y’a personne pour le faire » et qu’on va débarder.” Elle ajoute que le débardeur pourrait également assister au marquage (c’est-à-dire la sélection des arbres à abattre) car il pourrait ainsi communiquer directement ses contraintes et difficultés : “on choisit les arbres qu’on va couper, sauf que le débardeur, il arrive derrière et nous dit : “je m’en sors comment moi ? ”.
Enfin, se réemparer des questions économiques permet également de penser la valeur intrinsèque de la forêt : quelle est la valeur de la forêt aujourd'hui ? Comment l'inclure dans les réflexions économiques sur un modèle sylvicole alternatif ? Un bûcheron ardéchois invite par exemple à se questionner sur la pertinence de l'utilisation des arbres de la forêt, au-delà de l'aspect purement financier : “ y’a aucune raison d’exploiter une forêt si on n’en a pas besoin. Il n’y a aucune raison de couper un arbre si le résultat est de faire une palette avec : donc on ne prend pas d’arbres en forêt si on n’a pas un projet derrière.”
Ces discussions autour des alternatives forestières, pointent un fait majeur : malgré leurs efforts pour inventer de nouvelles pratiques, ces travailleurs et travailleuses de la forêt constatent leur marginalité. Un participant évoque l’ambition “d’être réellement quelque chose qui existe dans la filière et pas juste une marge folklorique”.
Plusieurs problématiques se dressent devant le développement d’une filière alternative, plus respectueuse du vivant et des travailleurs. L’une des principales est la concurrence des acteurs industriels : “Nous, on scie 500 mètres-cubes par an : c'est ce que Piveteau [la scierie d’Egletons] scie en ½ journée” témoigne un membre de Faîtes et Racines.
Pour se démarquer, certains misent sur des secteurs où l’industrie ne peut pas répondre à une demande : que ce soit en termes de qualité du bois ou parce qu’un acheteur cherche un produit bien spécifique.
Néanmoins, des obstacles demeurent. Un participant cite par exemple l'accès difficile au foncier forestier et aux machines/outils qui permettent d’exploiter la forêt “sans se ruiner la santé et sans être complètement hors-jeu par rapport aux réalités économiques capitalistes”. Malgré leurs pratiques diamétralement opposées au modèle dominant, ceux qui tentent de créer un modèle alternatif se voient en effet imposer des normes de tarifs et de valeurs définies par l’industrie. Mais certains s’opposent à cette recherche de compétitivité : “la référence des prix par rapport à l’industrie : on n’en a rien à foutre, c’est de l’esclavage !” affirme un participant venu d’Ardèche.
Mais renoncer à se calquer sur les prix bas imposés par l’industrie soulève également des interrogations : une participante résume son dilemme ainsi : “quel est le sens si le prix est tellement élevé qu’on doit vendre à des personnes à très haut niveau de revenu ? ”.
Enfin, un membre du RAF soulève ce qu’il pense être un impensé des discussions autour de la filière alternative : “ il ne faut pas oublier que l’État subventionne l’industrie et la gestion industrielle des forêts : c’est aussi pour ça qu’on s'épuise à essayer de se calquer sur eux ”.
Le modèle de gestion industriel des forêts reçoit effectivement une part importante d’argent public. On peut citer par exemple la subvention de 650 000 euros accordée par la région Nouvelle-Aquitaine pour aider à l’installation de l’usine à pellets Biosyl à Guéret.
Pour sortir de la marginalité, et développer une sylviculture douce, des participants à la discussion pointent la nécessité de changer en profondeur les imaginaires.
Selon l’un d’entre eux, cela passe avant tout par le fait de “se dépolluer” par rapport au modèle capitaliste : “Y’a un problème dans notre manière de parler : on est pollué par l’industrie (...) ! Donc tant qu’on reste pollué, on n'arrive pas à trouver de bonnes solutions : RAF ça veut dire Réseau pour les alternatives forestières. Une alternative, c’est donc autre-chose que ce qui est proposé. Allons-y : faut oser, tenter des choses ! ”.
Une personne membre du collectif « méga scierie non-merci » exprime quant à elle le “besoin de nouveaux récits” : la nécessité de relater par exemple des expériences de collectivisation de forêts, de coopératives où l’on cherche à réduire la division du travail. Selon elle, “ ces systèmes sont très éloignés des réalités des gens et comportent donc un gros facteur d’inconnu pour eux : ça peut dissuader à se lancer ”. Elle estime donc que le partage de ces expériences le plus largement possible permettrait de lever un frein à des changements de pratiques chez de nombreux propriétaires et travailleurs forestiers.
Eloi Boyé
Cette carte a été réalisée à partir d’un recensement d’initiatives fait par Vincent Magnet, du Réseau des alternatives forestières. Vous connaissez d’autres initiatives qui n’apparaissent pas sur cette carte ? N’hésitez pas à nous en informer en écrivant à
Écoute l’arbre et la feuille, association pour la réhabilitation de nos bois et le respect de l’environnement (ARBRE), réunit des fonds pour les consacrer à l’achat de bois et forêts afin de les mettre à l’abri de l’exploitation extrême (coupes à blanc) et de les protéger. Un premier achat est en train de se finaliser : un bois humide, mélange de plusieurs milieux différents avec entre autres de très vieilles saulées, à Saint-Léger-Magnazeix dans le nord de la Haute-Vienne. Mais la zone d’intervention de l’association est à la croisée des trois départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de l’Indre.
Contact :
Association loi 1901 gérée par un conseil d’administration collégial, le GMHL développe depuis plus de 20 ans des actions autour de l’étude, la préservation et la diffusion des connaissances sur les mammifères, reptiles et amphibiens du territoire. Elle a acheté de la forêt dans les Monts d’Ambazac, dans le cadre d’une démarche de préservation des chauves-souris.
http://gmhl.asso.fr - Contact :
L’association de défense des biens communs de Ceyvat, La Chave, Maneyraux et Salagnat, sur la commune de Saint-Médard-la-Rochette, est née de la réaction d’habitants de la section de Ceyvat face à un projet d’aménagement forestier destructeur pour le site, projet qui a été abandonné. Pour les habitants de Ceyvat, la section doit rester une réserve pour la biodiversité.
Contact : Hervé Hannoteaux - 06 08 30 09 61
En projet, ce centre pédagogique pour les propriétaires forestiers sera également un lieu de découverte de la forêt pour les écoles et groupes. Il est installé en bord de Vienne autour d’une parcelle de 30 hectares en feuillus et résineux anciens et d’une zone humide de 3 hectares au lieu-dit Chez Thivaud.
Contact :
Créée en mai 2020, cette association basée à Rochechouart a pour vocation de travailler dans toute la France. Son objet est de sauvegarder du patrimoine forestier géré dans le respect des écosystèmes et de la biodiversité, de procéder à des acquisitions citoyennes de terrains en mobilisant l’épargne de particuliers sensibles à ce sujet, de constituer des refuges animaliers, d’informer et de sensibiliser les citoyens.
Contact :
Le CoFEL a pour objectif de promouvoir et de développer une gestion douce de la forêt. Il regroupe des professionnels indépendants qui gèrent les forêts de propriétaires, majoritairement privés, en rédigeant les documents de gestion, en établissant des diagnostics et itinéraires sylvicoles adaptés, en encadrant les travaux, en marquant et en organisant les coupes et ventes de bois, etc. L’association organise des animations diverses pour faire connaître et favoriser une gestion forestière respectueuse de l’environnement ainsi que les multiples usages de la forêt, auprès de tous les publics (propriétaires, habitants, élus, écoles…).
Saint-Léonard de Noblat : Arbogest (CoFEL)
Saint-Marc à Frongier : Loïc Bonnot (CoFEL)
Gentioux : Julien Cassagne (CoFEL)
Champagnat : Rémy Gautier (CoFEL)
Saint-Julien le Petit : Alice de Gournay (CoFEL)
Saint-Avit le Pauvre : Hans Kreusler (CoFEL)
Contact :
Coordonnées des membres : http://www.collectif-fel.org
En cours de structuration sous la forme d’une association ou d’un groupement forestier citoyen, plusieurs habitants de Saint-Goussaud et environs ont déjà organisé diverses réunions d’information et de débat sur le sujet. Le projet concerne le secteur Bersac, Laurière, St-Sulpice-Laurière, St-Léger-la-Montagne, Jabreilles (en Haute-Vienne) et St-Goussaud (en Creuse).
Contact :
Ce projet est en cours d’émergence.
Contact :
Suite à l’acquisition en novembre 2019 d’une forêt de 10 hectares à La Vialle (Saint-Moreil), un premier chantier collectif a permis de redonner vie à une ancienne pêcherie, de ré-ouvrir un ancien chemin communal, de produire collectivement du bois de chauffage et de renforcer les liens grâce à la force du « faire ensemble ». De nombreux projets sont en cours de construction en lien avec cette forêt, avec l’envie de mener une sylviculture douce et de viser la pérennité du couvert forestier.
Contacts :
Créée en octobre 2019 à l’initiative de plusieurs propriétaires forestiers désireux de proposer une alternative de gestion sylvicole à la pratique dominante sur la région, l’association a l’ambition de regrouper un maximum de propriétaires et de parcelles – petites et grandes – autour des principes suivants : sylviculture à couvert continu, maintien de la biodiversité tout en permettant la production de bois de qualité, éviter les coupes rases et la monoculture. Sous la forme d’une association syndicale libre de gestion forestière, elle veut faire émerger localement une véritable culture forestière visant à vivre avec la forêt, promouvoir le rôle social de la forêt en favorisant un travail épanouissant et rémunérateur pour l’ensemble de la filière. Son action se concentre sur 33 communes du sud-est creusois.
Contact : Antoine Mazurier
Créée en février 2019 par le botaniste mondialement connu Francis Hallé et une douzaine de scientifiques, naturalistes et citoyens amoureux de la nature, dont quelques Limousins (d’où son siège social à la mairie d’Eymoutiers), l’association a pour objet général la défense des forêts primaires dans le monde. Elle est engagée actuellement dans un projet de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’Ouest. Un projet qui s’étendra sur 70 000 ha et 800 ans. L’objectif est de reconstruire sur les espaces de grande superficie que nécessite le système forestier (faune sauvage et flore) des ressources vitales de biodiversité et de les transmettre aux générations futures. Totalement innovant par ses dimensions spatiales et temporelles, ce projet complexe fait actuellement l’objet de discussions avec l’Union Européenne et l’Unesco.
Contacts :
Ce « groupement forestier écologique » regroupe des particuliers pour acheter des forêts gérées de manière durable sur le plan économique, écologique et social. Engagé dans une sylviculture à couvert continu (futaie irrégulière), Avenir forêt réalise une gestion forestière rentable en favorisant la biodiversité et en préservant les écosystèmes forestiers. Aujourd’hui Avenir forêt regroupe 162 associés qui possèdent collectivement 425 hectares de forêts diversifiées entre Ussel (Corrèze), Aurillac (Cantal), Gourdon (Lot), Villefranche-de-Rouergue (Aveyron), Nontron (Dordogne) et Limoges (Haute-Vienne).
www.avenirforet.com - Contact :
Constituée en juin 2018 en réaction à la multiplication des coupes rases et des abattages d’arbres de bord de route, l’association Faîte et Racines organise ses activités en plusieurs branches : achat de forêts financé par la collecte de dons, essentiellement auprès de particuliers ; animations dans l’espace public autour de la thématique forestière ; formations (sylviculture, sorties naturalistes, principes de gestion forestière douce) et mise en route d’une scierie mobile associative dans le secteur d’Argentat.
Contact :
Créée en 2017, L’École des Renardes a pour vocation de former à la charpente traditionnelle dans une approche globale de la pratique du métier. La géométrie descriptive, l’usage des outils, la taille et le levage des charpentes sont abordés mais aussi le matériau bois, sa provenance et son choix. Une équipe de quelques artisans s’est réunie pour faire tourner cette école à petite échelle et à majorité féminine. Actuellement, afin d’approfondir le volet forêt de la formation, elle a pour projet d’acquérir un massif en sud Corrèze et d’y transmettre les bases de la sylviculture douce.
Contact:
Une commission « forêt » s’est mise en place au sein du Syndicat de la Montagne limousine. Elle s’intéresse plus particulièrement à la zone du plateau de Millevaches.
Contact :
Conservatoire des espaces naturels de Nouvelle-AquitaineLe Conservatoire est déjà propriétaire d’environ 400 hectares de forêts en Limousin, qui sont laissées pour la plupart en évolution naturelle. Il est intéressé par toute information sur des sites forestiers subnaturels (feuillus ou mixtes âgés de 80 ans ou plus) qui seraient à vendre, pour créer des zones refuges.
Si vous en connaissez, vous pouvez contacter le responsable de l’antenne creusoise (Yvan Grugier :
Lors de l’assemblée mensuelle de février 2021 du Syndicat de la Montagne limousine, il a semblé que le temps d’une commission autour des questions de mobilités, était venu. Différents éléments ont amené les personnes présentes à décider de lancer une première rencontre autour de la mobilité : comment se déplacer sur la Montagne ? Comment mutualiser des véhicules ? Comment aider ceux qui n’ont pas de voiture ou de permis ?
La rencontre avec des personnes de la « commune disparate », dans le Berry, un autre territoire rural qui a déjà travaillé ces questions de véhicules en commun, pourrait être une occasion d’entamer un travail sur le Plateau.
Si vous êtes intéressés par cette rencontre à venir n’hésitez pas à le faire savoir à
Plus de dix ans ont passé depuis la première édition des « 3 jours autour des souffrances psy » organisés en octobre 2011. Souvenez-vous de cette époque insouciante où le covid n’existait pas, où l’amour était dans le pré et Sarko président. Tout allait bien dans le meilleur des mondes et une poignée d’illuminé.e.s décidaient de s’emparer collectivement et publiquement de questions gauches aussi vagues qu’un terrain à squatter : « Parce que la psychiatrie ne répond que très peu à nos attentes et que la norme sociale imposée nous semble parfois délirante, nous pensons qu’il serait bon de mettre en partage nos désirs, connaissances et expériences. Et pourquoi pas ouvrir le débat sur ce que nous pouvons créer ici et ensemble ? » Tout un programme.
C’est qu’à l’époque ce groupe d’entraide était encore jeune et, bercé d’illusions révolutionnaires, il se voyait déjà à la pointe du soin en se basant sur l’adage suivant : « Lorsque qu’une personne tombe, tu la relèves ». Bien que cette phrase eût pu être extraite du manuel 1998 de formation des CRS, il y a fort à parier que tout un chacun devrait s’en inspirer et que derrière l’apparente niaiserie de cette phrase se cache une dynamite... euh, une dynamique salvatrice ; je m’explique.
Les onze années qui viennent de filer en un éclair au goût scabreux n’ont fait que creuser toujours plus l’intense vide entourant les questions de santé mentale, rendant souterraine la souffrance, et souterrain le manque de moyens pour y répondre, le tout couvert d’un glaçant tapis doré. Rien, en fait, ne s’est amélioré depuis si ce n’est l’épatante aridification des déserts médicaux et, ça aussi vous le savez, le Plateau n’est toujours pas le meilleur endroit pour se péter une jambe ou souffrir d’une dépression saisonnière. Alors, dans certains milieux, le ton change et, face à ces problématiques psychiques, un petit monde s’organise ici et là pour permettre que soient entendus, visibilisés et accueillis ces maux aux rares traces physiques dont l’État n’a cure. Depuis sa création, le groupe « psypsy » a accompagné et conseillé plus d’une centaine de personnes sur le Plateau, pour des raisons aussi diverses que redondantes : qui déprime, qui décompense, qui s’isole, qui craque, qui s’auto-détruit à trop faire, qui souffre.
La plupart du temps ça commence par un appel tombant direct sur une messagerie. Dommage. Dans les plus ou moins vingt-quatre heures selon le sérieux de la personne ayant le téléphone, ça rappelle et, enfin, on se parle. Souvent ça soulage assez vite. On discute de ce qui ne va pas, d’où ça se passe (19-23-87), de ce dont la personne croit avoir besoin, de qui l’entoure. Puis cela se dématérialise et les personnes réelles du groupe discutent virtuellement de ce qu’elles vont mettre en place dans le vrai monde pour permettre à quelqu’un.e de retrouver un équilibre, que dis-je, pour soulager la souffrance, pour faire soin. Un accompagnement régulier ?
Des balades ? Le contact d’un.e psy ? De l’aide pour garder les enfants ? Un refuge pour fuir des violences conjugales ? Une présence h24 anti-suicide ? Un contact avec le planning familial à envisager ? Tout est possible pour faire face et répondre à une demande d’aide. Enfin presque.
Parce que « si tout est possible, c’est que tout n’est pas souhaitable », il a semblé important au groupe de venir questionner à nouveau ses pratiques, ses croyances et cette radicalité politique assumée : s’auto-organiser pour faire soin ne signifie pas que l’on y arrive, aussi qu’est-ce que faire soin ? Doit-on remplacer ce qui fait défaut ou créer du nouveau quitte à se planter ? Et, ô cruciale précision, qu’est-ce que faire soin lorsqu’on n’est pas des « vrai.e.s professionnel.le.s » et qu’on est confronté.e.s à de réels problèmes psychiques chez des personnes avec qui l’on vit parfois ?
Car il y a toujours autant de personnes qui, sous couvert d’aider les autres, se font du mal ; il y a toujours autant de personnes qui veulent cesser de souffrir car la « société » leur intime, leur coûte, leur exige ; il y a toujours autant de personnes qui, dès le matin, ne savent pas pourquoi tout semble gris, fade et terne...
Allons, une info gaie en guise de Xanax : pourtant, un peu partout et de plus en plus, il y en a qui s’organisent. Se tisse, depuis et alors, un réseau de volonté de soin adapté aux besoins des personnes et des lieux, non à ceux des papiers ni des chiffres.
C’est à ces initiatives que s’adressera le premier jour de ces rencontres d’octobre, car il y a un nombre croissant de groupes qui tentent de rendre tangibles des formes de soutien par et pour les communautés d’habitants sur leurs territoires de vie. Il nous a semblé primordial de s’offrir un temps pour qu’on s’aide entre groupes constitués ou en devenir, afin de se nourrir mutuellement de nos envies, de nos réflexions comme de nos réussites et de nos erreurs.
Ensuite, on partira pour deux jours vers ces contrées étranges où règnent des questions telles que : dans un contexte de grande diversité des approches, méthodes, statuts, postures et lieux de soin, qu’est-ce qui fait soin ? Pourquoi ? Comment ?
Depuis quels endroits et avec quels gestes ? La déliquescence de la psychiatrie publique se poursuivant, pourquoi et comment s’organiser ? Dedans ? Dehors ? Au milieu ? Ailleurs ? Avec quelles situations extrêmes composer (violences, crises, trauma). Comment sortir de l’impuissance ? Prendre soin : souci de l’autre ? Souci de soi ? Pour le meilleur et pour le pire. Violences idéologiques, institutionnelles, communautaires : Quand le collectif fait mal… Quelle réelle place pour le soin entre idéologie du capitalisme, nouvelle doctrine révolutionnaire et fantasmes néopaïens ?
Nous souhaitons conclure cet article par une invitation. Afin que ces rencontres puissent porter des fruits il nous faut les branches que vous êtes, vous qui habitez ici, vous qui avez peut-être fait appel à nous, vous qui avez accompagné, vous qui vous interrogez sur ce qu’ensemble on peut faire pour faire soin. Ces rencontres s’adressent à toutes celles et ceux qui se sentent concerné.e.s par les souffrances psychiques quel que soit ce qui les relie au sujet. Et elles s’adressent plus particulièrement à celles et ceux qui ont besoin et envie de regarder et d’entendre depuis d’autres points de vue, de faire bouger les lignes et se (re)mettre en mouvement hors de leur zone de confort, pour partager leurs doutes, interroger des certitudes ou remettre en jeu des pratiques.
C’est pourquoi nous nous attacherons à proposer des formes suffisamment diverses pour que des sensibilités de natures variées puissent s’y retrouver selon les moments et les envies. Temps de plénières, d’ateliers en petits et grands groupes, de conférences, d’échanges de pratiques, de partages d’expériences, des groupes de paroles et des formes qui engagent le corps, l’esprit voire les deux à la fois. Promis, on peut parler souffrance psy sans avoir à rester assis.e.s !
Johan Szerman
C’est officiel ! Le 3 novembre 2019, à Peyrelevade, un peu plus de 150 personnes étaient réunies pour la naissance officiel du Syndicat de la Montagne. Une démarche encore largement en construction plutôt qu’une structure clé en main. C’est pourquoi il est facile et possible de le rejoindre pour contribuer à en faire un outil adapté aux besoins du territoire.
Le Syndicat de la Montagne limousine est issu d’une démarche vieille de plusieurs années dans laquelle des habitantes et habitants, à titre personnel souvent, au nom d’une structure parfois, cherchaient à se doter d’un outil pérenne pour mieux agir ensemble, croiser leurs expériences et leurs pratiques, établir un rapport de force plus favorable à leur vision du territoire. Bref, une sorte de boîte à idées et d’outil de mutualisation qui sache à la fois prendre des positions et construire des réponses concrètes aux besoins de tous et de chacun. Si le mot « Syndicat » a été choisi, c’est pour dire la double intention du projet : d’une part défendre les intérêts d’un territoire et de ses habitants et habitantes (à l’instar par exemple des syndicats de salariés ou d’usagers) et d’autre part construire collectivement des outils communs (à l’instar par exemple des syndicats de gestion de l’eau ou des syndicats d’électrification). Bref être à la fois sur la défensive et dans l’offensive, tout en développement des actions et réalisations très concrètes.
La vision du territoire défendue par le Syndicat s’inscrit explicitement dans la continuité des propositions pour une plateforme de la Montagne limousine, un texte écrit en 2014 comme un « contre-scénario » pour le Plateau face aux scénarios qu’à la même époque la Datar nous concoctait1. Dans cette filiation, le Syndicat a également écrit un texte qui présente les six perspectives dans laquelle il s’inscrit aujourd’hui et qui se résume en six points :
Dans cette optique plusieurs groupes de travail ont été lancés. Un groupe sur les biens vacants prépare la réalisation d’une brochure sur le sujet et proposera aux nouvelles équipes municipales issues des prochaines élections une formation technique sur cette question. Un groupe sur l’eau réfléchit à la gestion et la distribution de cette ressource pour éviter qu’elles ne soient confiées à des sociétés privées étrangères au territoire dont les motivations ne sont pas spécialement les mêmes que les communes qui en assurent encore la gestion aujourd’hui. Un groupe d’entraide administrative et juridique assure déjà depuis plusieurs mois des permanences gratuites ouvertes à tout un chacun dans différents lieux (un peu à l’image de ce que réalise sous d’autres formes un groupe d’entraide psychologique qui intervient depuis 8 ans en complémentarité de professionnels). Existent aussi un groupe « exilés », un autre sur l’agriculture, encore un autre sur la question de l’autonomie et des réponses à envisager face aux changements climatiques et à l’épuisement des ressources sur la planète. Le jour de l’assemblée de Peyrelevade, s’est également constitué un groupe sur la forêt dont une des premières actions sera l’accueil en décembre d’une mission de plusieurs parlementaires sur le sujet. D’autres thématiques ont été évoqués : énergie, éducation, etc.
Jusqu’à maintenant, le projet de Syndicat a avancé via des séminaires de travail de plusieurs jours (une semaine en janvier réunissant 23 personnes, 3 jours en avril et 3 jours en septembre réunissant à chaque fois une trentaine de personnes). Ce mode de fonctionnement sera continué en 2020 avec 4 rendez-vous, dont un « camp d’été » plus large en juillet. Le prochain séminaire est prévu fin janvier et début février sur un vendredi, un samedi et un dimanche pour permettre au maximum de personnes de se rendre disponible. Ces assemblées sont actuellement les lieux de décision légitimes pour orienter les actions du Syndicat, ce qui n’empêche pas les différents groupes de fonctionner en toute autonomie. Un petit groupe de coordination composé de 9 personnes venant de différentes communes du Plateau, en Creuse, en Corrèze et en Haute-Vienne, assure le suivi des différentes actions pour aider au bon fonctionnement de l’ensemble. Une de ses premières actions est de mettre en place une lettre d’information pour que chacun puisse suivre ce qui se fait et disposer également d’un canal pour diffuser idées et propositions.
1 Lire le texte de la plateforme dans IPNS n°46 ou ici : http://frama.link/_A8GQHs7
Après plusieurs années successives de sécheresse qui ont touché de plein fouet la Montagne limousine, la ressource en eau, qu’on croyait ici intarissable, s’est retrouvée sous tension dans de nombreuses communes du secteur avec un impact visible à la fois sur les massifs forestiers mais aussi sur la végétation dans son ensemble et a fortiori sur les ressources fourragères. Habitants concernés par la ressource en eau et sa gestion, nous avons donc décidé d’inviter tous les habitantes et habitants du territoire à nous rejoindre au fil de la rivière pour faire l’état des lieux de la situation.
De nombreux dispositifs institutionnels encadrent déjà l’action publique autour de la rivière, particulièrement sur notre territoire dit de « tête de bassin », avec de nombreuses expertises et documents de vulgarisation, et on pourrait se demander ce qu’une intervention d’habitants « non-spécialistes » sur le sujet pouvait bien apporter à la situation. C’était bien là le pari que nous avons fait, que de jouer pleinement notre rôle de non-sachant, non spécialistes, mais usagers bien réels du territoire et d’aller ensemble à la rencontre de la rivière et des différentes associations et institutions qui interviennent d’une manière ou d’une autre sur elle ou sur la ressource en eau. Nous pensions que cela pouvait produire des effets de clarification, et mettre à jour d’une façon nouvelle les enjeux et les urgences sur la question ainsi que les moyens à notre disposition.
L’objectif était aussi pour nous d’alimenter le débat sur différentes questions clivantes sur le territoire et de produire tant que faire se peut, un peu d’intelligence commune sur ces sujets et ainsi peut-être, trouver de nouveaux leviers d’action pour influer positivement sur la situation. Notre premier objectif était de sortir de l’état d’angoisse paralysante que produisent la litanie des nouvelles catastrophiques et le sentiment très répandu de n’avoir jamais les moyens d’agir au juste niveau. Nous avons donc tout au long des mois qui précédaient tenté d’entrer en contact avec les associations et les institutions qui œuvrent à différents niveaux tout au long de l’année sur les milieux aquatiques pour avoir leur récit, leurs éclairages, leur expérience. Notre démarche se voulait transversale, en croisant des regards et des approches différentes, scientifique, technique, politique, historique, ethnographique, artistique mais aussi vernaculaire avec les récits d’usagers quotidiens de la rivière, pêcheurs, agriculteurs, randonneurs, kayakistes, simples riverain.e.s. Et la transversalité fut au rendez-vous, de petites assemblées se sont formées au fil des différentes étapes mêlant de 10 à 30 personnes de différents horizons, pour creuser un ou l’autre des aspects du problème que nous nous proposions de déplier. Certaines pour une demi-journée, d’autres pour quelques jours, et pour quelques plus rares privilégié.e.s une vraie descente de Vienne sur 12 jours continus.
Bien-sûr, nous n’aurons pas eu le loisir de régler toutes les questions que nous prétendions aborder mais s’est dessinée au fil des jours une vraie cartographie du réseau hydrographique et de ses multiples enjeux. Il y eu beaucoup de questions et quelques débuts de réponses, sur l’impact et l’intérêt de la chaîne de barrages de Vassivière, sur les enjeux de la privatisation des ouvrages, sur l’ambivalence du regain d’intérêt pour l’hydro-électricité en période de réchauffement climatique, sur les menaces qui pèsent sur la ressource en eau, sur ses modes de gestion (régies, délégations...), sur l’importance des continuités écologiques et ce que nous pouvons faire pour les restaurer…
Pour certain.e.s qui s’intéressaient au sujet depuis longtemps mais plus intensément depuis quelques mois nous avons surtout découvert beaucoup de choses et réalisé à quel point nos connaissances, à l’image de la chaîne décisionnaire sur ces questions, était morcelée. Les chiffres alarmants sur la baisse quantitative et qualitative de la ressource en eau et l’apparente faiblesse des moyens mis en œuvre pour remédier à cet état de fait nous ont causé quelques vertiges et renforcé notre désir de se donner les moyens, à l’échelle du bassin-versant, d’agir avec conséquence sur la situation. Les temps d’échanges que nous avons pu avoir avec des groupes et des mobilisations en cours ailleurs sur le bassin-versant Vienne-Loire - comme la lutte populaire contre les projets de « méga-bassines » dans la Vienne ou le Marais Poitevin - ou encore ailleurs, nous ont fait sentir que nous sommes loin d’être seul.e.s et que des foyers de lutte et d’action concrète existent un peu partout. Que ces foyers en réunissant leurs connaissances, leurs moyens, peuvent contribuer à renforcer la conscience collective du bassin-versant (de la source à l’estuaire…), de son caractère vital, de la nécessité de le défendre avec ardeur face à toute autre considération qui viserait à minorer plus longtemps son importance pour notre survie commune.
Pour commencer, nous vous invitons à nous rejoindre pour un tour d’horizon des pistes de recherche et d’actions locales que ce travail d’enquête populaire a nourri, lors de la fête de la Montagne Limousine à la fin de ce mois à Gentioux-Pigerolles.
Tout reste à faire et personne ne le fera à notre place !
Benjamin pour le Groupe Eau du Syndicat de la Montagne limousine.
Face aux murs et aux frontières, notre navigation collective. Face au grand capital, un champ en commun. Face à la destruction de la planète, une montagne naviguant au petit matin. Nous sommes zapatistes, porteur.E.s du virus de la résistance et de la rébellion. ».
C’est ainsi qu’en octobre 2020, l’EZLN annonçait un voyage à la rencontre des peuples du monde. Les complications et intimidations des bureaucraties mexicaines comme européennes n’auront pas eu raison de la volonté zapatiste : une délégation de l’EZLN a parcouru l’Europe d’en bas à gauche pendant 3 mois. La Montagne limousine était sur son chemin.
Un choc tout d’abord à la rencontre d’une organisation aussi forte et structurée que l’EZLN. EZLN pour Ejercito Nacional de Liberación Nacional, Armée Zapatiste de Libération Nationale.
C’est bel et bien le détachement d’une organisation politico-militaire qui a traversé la Montagne limousine. Avec ses uniformes (T-shirts sérigraphiés de l’organisation), ses écussons, sa hiérarchie, sa discipline, son récit historique officiel, le vocabulaire employé depuis l’automne 2020 (« invasion », « escadron », etc). Une armée oui, mais une armée révolutionnaire, au sein de laquelle toutes et tous sont compañeras et compañeros, toutes et tous sont animés par une même volonté et un même idéal, celui d’une transformation radicale du monde qui requiert un combat en tous lieux et en tous temps.
Une structuration impressionnante et fascinante. Effrayante pour certains qui, au nom d’une certaine liberté, se méfient de toute formalisation ou structuration des groupes politiques, rejettent l’institution toujours forcément « centralisatrice », et choisissent de se retrouver sur la base d’affinités et de singularités.
Des positions et des critiques à mettre en rapport avec nos réalités (et peut-être avec nos perspectives ?) : l’EZLN assume l’organisation et la sécurité matérielles d’un territoire grand comme la Belgique avec des exigences démocratiques fortes et doit se défendre contre les attaques meurtrières incessantes de l’État mexicain et des compagnies capitalistes, des tâches difficilement tenables en groupes affinitaires…
Nos réalités en effet sont très éloignées : au Chiapas, l’État mexicain n’inspire aucune confiance puisqu’on n’en connaît que bureaucratie, corruption et arbitraire, la notion même de « services publics » y est tout à fait absente et les communautés zapatistes ne perçoivent pas le moindre peso de l’État, elles pourvoient par elles mêmes aux nécessités de soin, d’éducation et de justice et sont également largement autonomes en nourriture. En France, c’est l’État Providence qui règne et prétend subvenir à tous les besoins des citoyens : assurance santé, chômage, retraite, éducation… Une Sécurité sociale héritée des luttes ouvrières au sein desquelles se sont affrontés pendant un siècle deux grands courants : les réformistes estimant que les gains de droits (syndicaux, salariaux…) renforçaient le mouvement ouvrier, et les révolutionnaires qui pensaient que ces droits permettaient aux capitalistes de s’adapter et affaiblissaient la puissance insurrectionnelle des masses populaires. Les échanges avec les compas ont amèrement souligné le bilan politique des victoires réformistes : là où les protections sociales de l’État sont fortes, l’auto-organisation populaire s’avère bien difficile… À l’heure où ces protections tendent à disparaître, à nous de transformer cette perte en opportunité : quand l’État social s’en va, ne lui demandons pas systématiquement de rester, profitons en plutôt pour tenter l’autonomie !
Car, « Si podemos ». « Oui, nous pouvons ». C’est l’un des mots d’ordre des zapatistes, ils l’affirment et le démontrent, faisons leur confiance ! Oui, nous pouvons décider par nous mêmes de nos besoins et y subvenir, nous former, nous soigner, pratiquer les arts et les sciences, défendre la « Tierra Madre », travailler collectivement cette terre nourricière puisque l’autonomie alimentaire est primordiale à toute construction d’autonomie politique territoriale. Oui, nous pouvons nous rebeller, nous organiser, écouter, discuter, et choisir des formes politiques qui nous semblent justes.
« Si podemos », ce fut aussi la parole portée par les compañeras, en tant que zapatistes et en tant que femmes. Lors d’une journée en non-mixité, une cinquantaine de femmes de la région ont pu échanger avec elles, et surtout écouter leur récit, le récit de la lutte zapatiste depuis ses origines spécifiquement du point de vue des femmes. Au delà de nos différences culturelles et historiques nous avons réalisé que nous rencontrons des difficultés similaires : difficultés pour les hommes de laisser les femmes participer aux responsabilités politiques, difficultés pour les femmes de prendre confiance en elles, d’assumer ces tâches et de s’engager hors des domaines qui leur sont traditionnellement dévolus (santé, éducation). « Si podemos » : nous, femmes, pouvons participer à la lutte politique, personne ne le fera à notre place. Afin de favoriser une évolution vertueuse, les zapatistes ont choisi d’instaurer la parité à tous les niveaux de l’organisation (local, municipal, zonal) et dans tous les domaines d’activités. Les réalités qui semblaient naturelles et immuables ont déjà commencé à changer.
D’autres moments des rencontres ont mis en lumière nos différences, comme celui qui a réuni les compas et des membres du groupe psy-psy qui accompagne et soutient des personnes en souffrance psychique. Les situations de détresse - perte du sens de l’existence, sentiment de solitude et d’isolement, incapacité douloureuse à répondre aux injonctions d’épanouissement et de bien-être - , sont ici bien souvent vécues individuellement et leurs causes recherchées dans les histoires personnelles et familiales. En découvrant ces situations, c’est l’incompréhension qui dominait chez les compas : si la souffrance existe aussi là-bas (et de manière bien plus ardente avec les enlèvements et assassinats), elle n’est pas tant psychologisée et les traumatismes sont portés par l’ensemble de la communauté, du mouvement, ils sont une part du commun. La souffrance n’est ni tue ni honteuse : conséquence de l’injustice, elle est considérée comme le fondement de la révolte et de l’insurrection. Si la lutte révolutionnaire n’efface pas les souffrances personnelles, il semble qu’elle sache les transcender et les sublimer…
En commençant le récit de l’histoire zapatiste, avec son premier chapitre intitulé « le temps des fincas », (ces grands domaines agricoles de type colonial), l’une des compañeras s’est avancée pour annoncer qu’elle allait parler de leurs aïeules, et raconter « comment elles ont vécu, c’est-à-dire comment elles ont souffert ». C’est peut-être en cela, la souffrance, que réside l’universalité de la condition humaine dans le monde capitaliste. Peut-être gagnerions nous à la reconnaître comme une base commune, un terreau nourricier pour la résistance et la rébellion.
Depuis plusieurs mois un petit groupe de personnes travaille sur le projet de ce qui est actuellement appelé un “Syndicat de la Montagne limousine“, lieu de rencontre entre acteurs du territoire qui se reconnaissent peu ou prou dans la Plateforme de la Montagne limousine écrite en 20141, et outil potentiel de coopération et de mutualisation de projets, d'idées, de moyens entre ces mêmes acteurs, quels que soient leurs statuts (particuliers, collectifs, entreprises, associations, communes...). Cet outil est apparu nécessaire afin de pérenniser et rendre plus fortes les démarches d'habitants et d'habitantes qui ont pu s'incarner dans le passé et jusqu'à aujourd'hui dans des initiatives comme les “assemblées populaires du Plateau“, les assemblées de village, le comité Montagne, la Fête de la Montagne limousine, etc.
Après plusieurs réunions de réflexion en 2018, une présentation générale du projet a eu lieu lors de la plénière de fin de la fête de la Montagne limousine à Lacelle, le dimanche 30 septembre (on peut la revoir intégralement sur le site de Télé Millevaches2. Depuis, pendant une semaine fin novembre, une délégation de huit personnes s'est rendue en Catalogne, à Barcelone et ses environs, pour rencontrer des démarches syndicales et coopératives qui, de différentes façons, sont de nature à les inspirer dans la définition plus précise de ce propre syndicat (un film réalisé par Télé Millevaches propose un compte-rendu de ce voyage que vous pourrez visionner prochainement sur son site). Une seconde étape a eu lieu au cours de la semaine du 21 au 25 janvier 2019, pour un séminaire d'une semaine au cours duquel ont été travaillés différents sujets, avec l'objectif n°1 de rendre plus concrète la dynamique du Syndicat et d'en définir les grandes lignes. Un compte-rendu de cette semaine est disponible sur le site de la fête de la Montagne3.
Le travail entamé est encore loin d’être abouti. Ne serait-ce que parce que ce syndicat n’est pas imaginé comme quelque chose de figé et de définitif, mais plutôt comme un outil en mouvement permanent. Pour poursuivre la mise en place de ce Syndicat, il est proposé trois jours de travail les jeudi 11, vendredi 12 et samedi 13 avril 2019 à Gentioux (à La Renouée). Ces journées de travail sont ouvertes à tous, et vous pouvez venir un jour, ou deux, ou les trois ! Le programme envisagé est actuellement le suivant :
N'hésitez pas à nous contacter pour plus d'informations !
Le samedi 13 à 17h un apéro-compte-rendu des trois jours aura lieu pour celles et ceux qui n'ont pas pu venir durant ces trois jours.
1 http://monplateau.pagesperso-orange.fr/imagesactu/plateforme.pdf
Alors que l’ensemble des efforts et soutiens de l’État devrait servir à la transformation en profondeur de la filière bois et au changement des pratiques forestières aujourd’hui dominantes, c’est exactement l’inverse qui se produit actuellement : les ressources financières et humaines sont mises au service de l’intensification de la production et de l’augmentation des surfaces de bois pour l’industrie. Le volet forestier du plan de relance, négocié par les acteurs de la filière bois avec le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie dans la plus stricte opacité durant l’été 2020, s’apparente à une promesse de destruction des jeunes forêts diversifiées, remplacées par des plantations en monoculture de résineux après coupe à blanc sur fonds publics comme le révèle, en mars 2022 l’enquête menée par l’association Canopée dans son « Bilan caché du plan de relance forestier »1.
Le constat réalisé à l’échelle nationale est visible localement sur le territoire de la Montagne limousine, où les forêts de feuillus sont de plus en plus la cible de pratiques sylvicoles intensives. Considérées comme improductives, elles sont coupées à blanc avant d’être remplacées par des plantations de résineux en monoculture. Dernièrement, les coupes de cette nature se sont même accélérées afin de pouvoir bénéficier dans les temps de certaines aides publiques.
À Truffy (commune de Faux-la-Montagne) en 2021 comme à Saint-Setiers il y a quelques mois, des parcelles de feuillus de 4 ha et 3 ha, classées Natura 2000, ont été intégralement rasées. Non seulement ces coupes ne sont pas des cas particuliers isolés mais des pratiques déjà courantes, mais en plus elles risquent de se multiplier dans les prochains temps. Si nous ne réagissons pas, bientôt l’ensemble des surfaces boisées du Plateau seront en réalité des champs d’arbres, et il n’existera plus aucun couvert forestier non planté pour les besoins de l’industrie du bois.
Pourtant les forêts de feuillus du Plateau sont bien souvent celles qui demeurent dans les zones écologiques sensibles. Aulnes et saules de tête de bassin versant, anciennes hêtraies à houx, pré-bois de chênes, sans oublier les vieux linéaires de haies (peu nombreux mais cependant majeurs pour la biodiversité) subsistent encore dans le paysage. C’est également dans ce type d’espaces que se recoupent de multitudes usages : promenade, cueillette, chasse, loisir, récolte de bois, pâturage, voire lieu de vie. Le regard et l’attachement à ces forêts vivantes est riche et partagé par l’ensemble des habitant.es. La filière bois ne peut plus fermer les yeux : coopératives forestières, exploitants, gestionnaires forestiers, bûcherons, tous ont de plus en plus conscience des menaces qui pèsent sur les écosystèmes forestiers. Il n’est plus acceptable de perpétuer des coupes à blanc, en zones classées présentant des intérêts écologiques multiples, sur des communes du PNR Millevaches.
Des solutions alternatives aux coupes à blanc existent, mais elles demeurent encore trop souvent l’exception tandis qu’elles devraient être la norme. Le rôle de Vigiefeuillus est de défendre de bonnes pratiques sylvicoles auprès des propriétaires forestiers de forêts de feuillus.
Une coupe rase de feuillus de 7 ha a déjà été empêchée de cette façon en début d’année, après qu’une discussion se soit ouverte avec les propriétaires, qui ont finalement opté pour un contrat Natura 2000 avec le PNR. Cette expérience de médiation réussie encourage à penser que le conseil auprès des propriétaires peut les convaincre de ne pas effectuer de coupe rase et les faire opter pour une gestion plus respectueuse.
L’objectif premier de cet outil est ainsi d’empêcher les coupes à blanc de forêts de feuillus avant qu’elles n’aient lieu, en établissant une médiation avec les propriétaires et en les aidant à trouver une alternative qui leur convienne. Il n’est pas question de s’opposer à la coupe d’arbres en forêt mais bien de promouvoir une sylviculture respectueuse des milieux et des travailleur.euses du bois, qui serve de socle à une filière bois désirable.
Dans le cas de coupes rases de feuillus qui ont déjà eu lieu, et qui sont particulièrement destructrices (parcelles classées Natura 2000, traversées par un cours d’eau, comprenant des vieux gros bois…), il s’agirait de les dénoncer par la voie légale en portant des recours juridiques qui puissent faire jurisprudence et ainsi rendre légalement plus compliquées les coupes à blanc de feuillus. Sur la coupe à blanc de Saint-Setiers, où nous nous sommes rassemblés le 10 juillet 2022, quatre plaintes ont ainsi été déposées (par le Conservatoire des Espaces Naturels, Sources et rivières du Limousin, Corrèze environnement et un habitant du territoire).
VigieFeuillus est un outil collaboratif à destination des habitant-es de la Montagne Limousine. Le but de cet outil est de créer un réseau d’habitants et habitantes conscientes des enjeux liés à la sauvegarde des forêts de feuillus, qui pourront s’informer des coupes de feuillus récentes, en cours ou à venir. Il suffit d’être témoin de panneaux annonçant un chantier forestier sur la route ou au détour d’un sentier de promenade, ou d’apprendre qu’une coupe va bientôt avoir lieu en discutant avec ses voisin.es. Les sources d’informations sont souvent peu claires et dispersées, il est donc essentiel de développer un maillage territorial pour mener l’enquête et faire de la veille sur les forêts. C’est par la mise en réseau des habitants et habitantes conscientes des enjeux liés à la sauvegarde des forêts de feuillus que des coupes rases de feuillus pourront être évitées au profit de pratiques sylvicoles bénéfiques.
Lorsque vous êtes informé.e qu’une coupe rase de feuillus va avoir lieu, vous pouvez envoyer une « alerte » sur Vigiefeuillus avec : la commune de la parcelle, le numéro cadastral de la parcelle (consulter Géoportail), sa surface approximative, l’âge de la forêt, la présence d’éléments écologiques et enfin s’il s’agit d’une coupe en cours, à venir (et quand) ou déjà réalisée. Vous pouvez aussi noter certains éléments complémentaires à l’alerte, comme par exemple : essences majoritaires des arbres, éléments indiquant l’imminence de la coupe (panneaux, marquage des arbres, machines, etc.), éléments légaux de la coupe (autorisation, déclaration en mairie), photo du panneau de chantier, exploitant et sous-traitants (s’ils sont connus), etc.
En parallèle de Vigiefeuillus, une cartographie des forêts de feuillus par commune a été créée, ce qui permet d’identifier les forêts auxquelles il faudra particulièrement prêter attention, voire prendre les devants en contactant les propriétaires pour leur demander s’ils comptent y réaliser des coupes rases2. De nouvelles journées de présentation de Vigiefeuillus sont en préparation pour la rentrée. Si vous voulez être tenu.e au courant, abonnez-vous à la newsletter du Syndicat de la Montagne Limousine ou bien connectez-vous à Vigiefeuillus sur Wire (voir encadré).
Groupe Forêt du Syndicat de la Montagne limousine