Le vendredi 2 février 2006 s’est déroulé à Eymoutiers une importante rencontre autour du thème Entreprendre autrement en milieu rural ou quand la société civile porte des projets. Organisée par le réseau d’acteurs de la Montagne limousine et ses partenaires du programme européen EDORA (Dispositif ouvert de ressources et d’accompagnement de projets d’activités en milieu rural), cette journée a réuni environ 150 personnes venant d’horizons assez divers mais intervenant tous plus ou moins dans l’accueil.
Parmi les expériences présentées, beaucoup s’inscrivaient dans des démarches collectives, où des individus se réunissent dans un projet commun et le plus souvent dans une dynamique coopérative : faire ensemble pour qu’individuellement chacun puisse mieux s’en sortir et dans un cadre d’échanges et de mutualisations des outils mis en place.
Nous présentons ici deux initiatives qui témoignent de cette façon d’entreprendre : La SCI Chemin faisant... et la Coopérative d’entrepreneurs salariés CESAM-Oxalis à Eymoutiers. Une autre initiative, nationale celle-là, Terre de Liens, propose un nouveau mode d’acquisition du foncier pour l’installation de projets agricoles, en cherchant une alternative à la propriété individuelle qui oblige à l’endettement chaque nouvelle génération qui s’installe.
Une autre initiative, Terrains de vie, recherche de son côté des terrains pour installer des habitats éphémères ou mobiles.
Pour terminer ce dossier nous avons donné la parole à Jean Pierre Laigneau qui, prenant sa retraite, a cherché à transmettre son activité à de nouveaux installés sur le territoire : quand une cession individuelle rejoint une démarche plus collective.
L’urbanisation grignote les terres agricoles, le nombre de fermes diminue, le prix du foncier flambe. La pression foncière est telle que la terre devient inaccessible pour qui veut s’installer. Pourtant, les activités agricoles et rurales sont nécessaires à la vie des territoires. Terre de Liens met en place des actions pour faciliter l’accès au foncier.
Terre de Liens, un accès collectif et solidaire au foncier
A l’origine
Association nationale créée en 2003, Terre de Liens est issue d’un travail mené par un ensemble d’acteurs du milieu rural qui s’est penché sur la problématique foncière. Constatant que le foncier est un véritable frein aux installations agricoles et agri-rurales, ce groupe de travail a analysé différents outils juridiques possibles pour acquérir collectivement du foncier, dans un but de solidarité envers les producteurs. Terre de Liens a été constituée pour répondre aux besoins d’accompagnement dans la création et la gestion de ces structures collectives et pour apporter des solutions financières alternatives à l’endettement.
Un accompagnement pour les projets d’accès collectif et solidaire
Terre de Liens accompagne et conseille les démarches collectives d’acquisition de foncier (société civile immobilière, groupement foncier agricole, association) dans leur structuration méthodologique, financière et juridique.
L’association présente en Rhône-Alpes, Ile-de- France, Picardie, Bretagne, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, intervient aussi en tant qu’animateur sur la question de l’accès au foncier (recensement des démarches collectives, mise en réseau, mobilisation de partenaires, formation et information).
Des outils de finance solidaire
L’association vient de créer la Foncière Terre de Liens, société d’investissement solidaire. Cet outil, à l’usage de toutes personnes souhaitant faire sortir le patrimoine foncier rural des mécanismes spéculatifs du marché, permet de collecter de l’épargne destinée à soutenir des projets d’installation. Ce soutien se traduit par l’acquisition de terres et de bâtiments dont elle conserve la gestion à long terme.
La Fondation Terre de Liens, en cours de création, permettra de recueillir des dons de biens immobiliers, de valeurs mobilières et d’argent. Cette structure aura pour but de maintenir sur le long terme des fermes et de permettre ainsi à des projets de territoires de s’exprimer. Les dons en espèces permettront, via la Foncière, d’acquérir de nouveaux biens et de prendre part au capital de structures collectives locales.
Ces outils d’envergure nationale sont une réponse aux difficultés de financement que rencontrent les porteurs de projet.
Leur objectif est de sortir du marché spéculatif des fermes et des terres qui deviendront le support de projets respectant les valeurs de Terre de Liens.
Une charte pour fixer un cadre éthique
Pour fixer le cadre éthique et politique de son intervention, Terre de Liens s’est dotée d’une charte qui pose des principes concernant l’usage du foncier et les projets d’installation à soutenir (agriculture durable, activités culturelles, artisanales, etc), le lien et la solidarité entre acteurs et la gestion collective du territoire.
Il est ainsi possible de prendre part à des projets dynamisant les territoires et favorisant les liens de solidarité pour que la terre ne soit plus un frein à l’installation et pour que l’avenir d’une agriculture vivante, respectueuse de l’Homme et de la Terre, ne soit pas compromis.
Lorane Verpillot
- Terrains de vie
Face à la crise du logement dont l'actualité récente a remontré l'acuité, une association nationale, Halèm (association des habitants de logements éphémères ou mobiles) cherche à faire reconnaître l'égalité de droits de tous les citoyens quels que soient leurs choix de mode de vie et d'habitat, en l’occurrence pour cette association le choix d'un habitat mobile.
La décence et l'acceptabilité du logement mobile ou éphémère dépendent en grande partie du terrain sur lequel il est situé, et vu la rareté et la cherté du foncier qui se prête a l'aménagement de terrains permettant l'installation des caravanes constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs, l'association cherche à créer, a titre expérimental, des "terrains de vie"
Ces terrains de vie peuvent remplir une fonction de (ré)insertion de publics parfois très éloignés de l'emploi, de logement de personnes défavorisées, de repeuplement de campagnes en voie de désertification...
Des contrats d'objectifs pourraient porter, par exemple, sur l'entretien du paysage : nettoyage des sous-bois, entretien des chemins, fosses etc. Le "sauvetage" de terrains agricoles en déprise, voire des projets culturels ou économiques peuvent être envisagés en fonction des caractéristiques des environs et des options des habitants.
Analogues aux terrains familiaux, mais conçus sur la base d'un aménagement réversible, sans éléments en dur ni artificialisation du sol, autonomes par rapport aux réseaux d'assainissement, EDF, eau. etc, les terrains de vie seraient installés et gérés en harmonie avec leur environnement tant naturel qu'humain sur des terrains non constructibles.
Halèm recherche donc des propositions de vente ou de mise a disposition a long terme (bail emphytéotique) sur des terrains, a priori de 1 à 3 hectares, pour pouvoir envisager des "hameaux" de 10 a 20 foyers avec assez de terrain pour créer des structures collectives (salle commune, place de marché, halle...) pouvant abriter une vie sociale et des évènements attirant un public extérieur, mais aussi une agriculture vivrière, voire des micro-activités.
Des zones de taillis entourées de bois plus ou moins clairsemés, une propriété abandonnée ou en friche, des terres agricoles morcelées ou en déprise pas trop éloignées d'un bourg (1 ou 2 km), à l'exclusion de tout terrain inondable ou présentant d'autres risques spécifiques, suffisamment éloignés de lignes de chemin de fer, routes de grande circulation ou d'autres sources identifiées de pollution pourraient se prêter à ce type de réalisations.