De mœurs nocturnes dans notre région, la loutre est plutôt discrète. De fait, les indices de sa présence les plus précieux sont les "épreintes" (crottes composées de restes osseux de poissons ou d'amphibiens) déposées sur les rochers ou les souches dans le lit des cours d'eau, et les empreintes laissées sur les bancs de sable ou de vase.
Comment savoir si cet animal aquatique discret et difficile à observer est présent sur l'ensemble des cours d'eau limousins ? Une étude récente menée par le GMHL (Groupe Mammalogique et Herpétologique du Limousin), financée par la Direction Régionale de l'Environnement, le Conseil Régional du Limousin et les Agences de l'Eau Adour-Garonne et Loire-Bretagne, a permis de mettre en évidence la présence de la loutre sur la très grande majorité du Limousin. L'étude, s'inscrivant dans le cadre du Plan de Restauration de la loutre en France, s'est déroulée sur deux ans (2003-2004) et a mobilisé de nombreux bénévoles. Les prospections se sont effectuées par bassin versant à partir du réseau hydrographique afin d'obtenir une meilleure compréhension de cette recolonisation de la loutre vers les bassins de la Charente, de la Vienne, de la Dordogne, de l'Indre, du Cher, de la Tardes et du Lot. En Limousin, la loutre fréquente aussi bien les marais, les étangs, les mares et les ruisseaux que les rivières plus larges et plus calmes.
Les objectifs de cette étude sur la répartition actuelle de la loutre en Limousin ont été :
Jusqu'au milieu du XXème siècle, la loutre d'Europe était présente presque partout en Europe. Le piégeage et le tir, la pollution des eaux, la régression alarmante des zones humides et l'aménagement non réfléchi des rivières et de leurs vallées ont contribué à un déclin massif de l'espèce entre 1930 et 1985. Les départements de la Creuse et de la Charente-Maritime étaient devenus les seuls départements où ce mustélidé était encore commun.
Depuis la fin des années 1980, la situation s'améliore et la loutre regagne progressivement les espaces perdus. Les populations limousines de loutre jouent un rôle très important dans la reconquête des bassins de la Loire et de la Dordogne.
Notre région constitue maintenant une zone de grande importance permettant de relier les populations de la côte atlantique avec celles de l'Auvergne.
Aujourd'hui, son aire de répartition présumée occuperait 95 % du réseau hydrographique régional en 2004 contre 55 % en 1989. (cf. carte)
En France, l'espèce est protégée légalement depuis 1972. Elle l'est aussi au niveau international depuis 1979 par la convention de Berne et depuis 1992 par la Directive européenne "Habitats". Cet éventail de protections légales a contribué en grande partie à la sauvegarde de la loutre et à ce retour.
La diminution de certains polluants en milieux aquatiques (métaux lourds et organochlorés notamment) est également un facteur favorable. L'apparition de nouvelles ressources alimentaires invasives constitue aussi un facteur favorable à la loutre, c'est le cas notamment des écrevisses américaines voire des ragondins. Chaque loutre défend un territoire dont la taille dépend de la ressource en nourriture (poissons, amphibiens, écrevisses). Il est délimité par les épreintes déposées en évidence sur les berges. Les mâles peuvent avoir besoin de 40 km de rivière alors que les femelles se contentent en général de 5 à 15 km. Plus la nourriture est abondante, plus la taille des territoires est faible. En Limousin, la principale zone où la loutre est absente est le sud-ouest de la Corrèze ; cela correspond aux zones de vergers intensifs, aux secteurs où les dépenses en produits phytosanitaires sont les plus importantes, aux principales zones irriguées, au regroupement le plus important de sous bassins hydrographiques aux peuplements piscicoles perturbés et à l'emplacement de quelques barrages de hautes chutes.
Cependant, les rivières présentes dans l'aire de répartition présumée ne sont pas toutes très favorables à la loutre. C'est le cas des zones d'influences, en particulier en amont, des ouvrages hydroélectriques, de l'aval des grandes agglomérations et de certains bassins versants aux peuplements piscicoles dégradés en raison d'aménagements hydrauliques inappropriés.
Si la loutre est de retour sur l'ensemble du Limousin, les deux tiers de la France restent à reconquérir. L'étude menée en Limousin a montré que cette expansion progressait de 3,8 km / an. Ce qui est relativement lent d'autant plus que plusieurs facteurs peuvent freiner voire stopper ce retour.
La dégradation et la disparition des zones humides
En France, mais aussi en Limousin, les zones humides ont régressé de manière importante et de nombreux marais ont été drainés, de nombreux cours d'eau ont été canalisés ou endigués. Ces aménagements sont très souvent préjudiciables à la faune piscicole et donc également à la loutre.
La pollution
La présence d'organochlorés ou de métaux lourds dans les rivières a globalement baissé depuis quarante ans. Cependant, tout ne va pas forcément mieux et d'autres polluants également très préjudiciables aux peuplements piscicoles et aux amphibiens se retrouvent de plus en plus dans la nature : par exemple les antibiotiques, les métabolites du glyphosate (herbicide).
Le trafic routier
Les routes traversent parfois des rivières sur des ponts inappropriés qui obligent les loutres à passer sur la chaussée pour traverser. Les cas de collisions mortelles peuvent être parfois importants sur certaines chaussées. En Bretagne par exemple, 3 à 5 % de la population disparaît de cette manière.
La loutre revient d'elle-même dans nos rivières, sans aide, sans gestion ni programme coûteux de réintroduction. C'est une chance et un très grand espoir de préserver notre patrimoine naturel. Cependant, la présence nouvelle de la loutre peut être localement source de mécontentement pour les pisciculteurs ou pour certains usagers des rivières. Des solutions existent : ainsi un partenariat entre un pisciculteur de Haute Corrèze et Limousin Nature Environnement, avec le soutien de la DIREN, du Limousin a permis d'aménager son exploitation piscicole afin d'en interdire l'accès à la loutre. Grillages et clôture électrique évitent à présent toute prédation sur les bassins.
Intérêts humains et présence de la loutre ne sont donc pas incompatibles, ils sont même concordants et tant qu'il y aura des loutres, nous aurons l'assurance de la richesse et de la bonne santé de nos rivières et de nos zones humides.