A près la grande tourmente de la crise bovine, dix agricultrices ont ouvert un nouvel atelier dans les coulisses de leur métier, un atelier d'écriture. Avec l'accompagnement de l'association "Princesse Camion", elle ont trempé leurs plumes dans l'encre verte de leurs prairies. Dans ces pages écrites à la main verte et aux styles les plus diversifiés elles font entendre le désarroi du monde paysan. Elles veulent surtout réhabiliter l'image d'une agriculture décriée et d'un métier dévalorisé. L'évocation de leurs souvenirs d'enfance fait remonter très loin leur désir de vivre ce métier comme un enfantement à la terre qu'elles ont épousée. Elles aiment le pays qu'elles habitent. Pays d'accueil ou de racine pour celles qui viennent de Normandie, ou la fille de la ville devenue femme des champs.
Mais elles affirment les caractéristiques singulières de leur métier d'agricultrice. Elles savent ce qu'elles ne veulent pas : ni d'une campagne qui se désertifie ou qui se meure, pas plus que de continuer à vivre à l'ombre d'un homme. En nous invitant à pénétrer dans le secret de leurs journaux intimes, trois d'entre elles nous racontent les petits riens de leur quotidien. Elles nous donnent à découvrir la riche palette de leurs activités. Au fil des heures et des jours, on entre de plain pied dans le concret, le réel de la vie de la ferme et de la famille, ou comment concilier métier et vie privée ? Entre deux soins vétérinaires l'une d'elles nous livre leurs questionnements existentiels. Qui fait la loi des marchés ? Pourquoi le prix de la viande rouge n'a-t-il pas baissé pour le consommateur ? Vers quelle production devons nous nous tourner pour vivre de nos exploitations ?
Tout au long de ces pages d'écriture elles n'ont pas peur d'exprimer leurs espoirs autant que leur colère face aux images négatives que la société véhicule sur le monde agricole. Elles ont pris conscience qu'il leur reste encore un vaste travail de communication à faire pour renouer le dialogue entre les agriculteurs et les citoyens.
Cet atelier d'écriture est un élément d'un projet de communication ambitieux conçu par la commission féminine de la FDGEDA (fédération départementale des groupes d'études et de développement agricoles) de la Haute Vienne. Elle a entrepris de travailler avec des artistes pour refléter une image positive de l'agriculture et de leur métier auprès du grand public. Le fruit de cet échange Artsgricultrices fait déjà l'objet de plusieurs créations artistiques. Eugène Durif et Catherine Beau ont créé un spectacle dans le cadre de la Compagnie "L'envers du décor" : "Le plancher des vaches" destiné à être joué aux champs et à la ville. Arnaud Ruiz exposera deux fresques géantes sur les murs du centre ville de Limoges. Pierre Deschamps l'animateur de Coquelicontes développera des contes sur l'agriculture en 2004. Sans oublier la sobriété champêtre de l'illustration graphique de Maria Tzvetkova pour "de l'encre dans la prairie".
Alain Carof
- Envie de dire
Lors d'un cours sur l'environnement et la pollution,
un professeur de collège a annoncé aux jeunes
que les agriculteurs étaient des pollueurs
invétérés, avec tous leurs produits chimiques !
Voilà donc l'image "élogieuse" que nos concitoyens
se font de notre travail 1
J'ai envie de parler de tous ces agriculteurs
respectueux de leur Terre, qui travaillent
le plus naturellement possible, qui suivent
des règles de culture précises, qui pratiquent
l'élevage extensif sans bousculer leurs bêtes,
et qui peinent en jonglant avec les conditions
climatiques.
Les agriculteurs bio, les agriculteurs sous charte
de qualité, ceux qui s'engagent dans le respect
de l'environnement, respectez leur travail
qui n'est pas toujours très facile !
Mesdames et messieurs, citoyens et villageois,
et vous les néo-ruraux, pensez aussi à votre
pollution personnelle. Multipliée par des millions,
elle a un impact important pour la société !
Vous désirez un beau jardin, un beau cadre de vie,
vous avez des tentations - et souvent
de l'incompétence : traitements chimiques
contre les mauvaises herbes, contre les mousses,
les pucerons et autres insectes (les coccinelles qui
seraient tellement plus bénéfiques !},
vous mettez des doses d'engrais inconsidérées
pour que tout soit parfait...La binette
et les mains arrachent aussi les intrus,
et elles ne polluent pas ...
Et nos communes si fleuries et si agréables
à regarder, si primées lors des concours
fleuris : les parterres et les abords doivent être
parfaits, alors un petit coup de traitement
par-ci, un petit coup d'engrais par-là ...
par-ci, un petit coup d'engrais par-là ...
à retrouver pour tous une Terre propre.
Laurence
- Odeurs
Sentir, humer, respirer
L'odeur sucrée du foin coupé
L'humidité de la terre labourée
Les fleurs des champs de maïs
Ont un parfum de douce épice
Mes colzas mûris sentent le chou
Pas si désagréables je l'avoue
Le citadin parfois déplore
La bouse de vache, le lisier de porc
Le fumier épandu sur le sol
Ne fait pas fuir les campagnols
Effluves douces du bois scié
De paille fraîchement coupée
Odeurs du soir sortant de terre
S'échappent dans l'atmosphère
Elles nous saisissent nous envahissent
Sentir le vent sentir la pluie
Se sentir bien sentir la vie.
Louise
De l'encre dans la prairie est vendu au prix de 7 euros. Renseignements FOGEOA de la Haute Vienne 32 avenue du Général Leclerc 87065 Limoges cedex