Dimanche 18 mai 2003, à quelques kilomètres de la gare d’Eymoutiers, en pleine nature, au bord de la Vienne, le long de la voie ferrée Limoges-Ussel, et au pied de la centrale électrique de Charnaillat aujourd’hui désaffectée, tout était parfait pour un pique nique champêtre au milieu de la végétation luxuriante et exubérante de notre printemps mouillé. Dans ce cadre merveilleux ils étaient une centaine de militants convaincus et combatifs, rassemblés autour du collectif de défense des services publics qu’IPNS a déjà présenté dans son numéro 2. On retrouvait là des représentants syndicaux de la Poste, des collectivités territoriales, de la SNCF, de l’EDF, de l’Equipement, des militants d’ATTAC, des élus et de simples citoyens. Ils avaient choisi ce pique nique citoyen dans un lieu hautement symbolique pour contester la politique de nos gouvernants qui veulent soumettre les services publics à l’impitoyable régulation du libéralisme.
Charnaillat c’est une centrale hydroélectrique que l’EDF a barré de son potentiel énergétique au profit du développement de l’énergie nucléaire que l’Etat et le Parlement s’apprêtent à revaloriser en allongeant de dix à trente ans la durée de vie des 58 centrales nucléaires. Elles sont obsolètes au bout de trente ans. Alors que faire de cette accumulation de déchets ? Et c’est un nouveau risque de Tchernobyl en perspective.
La ligne de chemin de fer Limoges-Ussel est sans cesse menacée comme les autres dessertes ferroviaires du Limousin et du Massif Central considérées comme trop faibles en rentabilité. Et pourtant après la tempête de 1999, des promesses se sont multipliées pour la moderniser afin de désenclaver le massif forestier du Millevaches. A grand coup de subvention, de tapage médiatique et de coûts faramineux, la gare à bois de Bugeat - Viam a surgi de sa tourbière. Elle est aujourd’hui pratiquement inopérante. Dans sa version de février le diagnostic territorial de la charte du PNR Millevaches ne la mentionne même pas dans les dessertes structurantes de l’économie du territoire ! Et pendant ce temps là le lobby des routiers obtient de surcharger et d’allonger ses camions, en détruisant les chaussées de notre réseau routier, à la charge de nos impôts territoriaux.
Les militants de ce pique nique citoyen nous invitent tous à entrer en résistance pour que l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne transforme pas nos services publics à la française en vulgaire marchandise à croquer par les loups de la Banque Mondiale et du FMI. Alors faisons comme eux : « agissons localement pour que le monde ne devienne pas une voie sans issue comme Charnaillat ».
Le manifeste des creusois
Les creusois n’ont pas attendu le rassemblement de Charnaillat pour entrer en résistance. Ils s’y sont tous mis à l’initiative de la majorité du Conseil général : élus, militants syndicaux, politiques, socioprofessionnels et associatifs creusois. Dès le 6 mai 2003 ils tenaient des assises départementales de l’Ecole et des Services Publics pour demander l’arrêt du démantèlement des services publics dans le département. Ensemble ils ont préparé un MANIFESTE qu’ils ont signé et publié le 21 mai 2003 pour l’adresser au Président de la République et au Premier Ministre.
Ce manifeste rappelle que « la Creuse, département rural par excellence, a besoin d’un haut niveau d’équipements et de services publics pour répondre aux attentes des usagers et réduire la fracture territoriale…
.. Aujourd’hui, nous, citoyens, entendons prendre notre avenir en main, marquer notre refus de subir passivement les décisions de l’Etat et c’est la raison pour laquelle nous décidons collectivement d’entrer en résistance face aux menaces qui pèsent sur notre département…
.. Ensemble, nous exigeons une concertation avec les services de l’Etat pour engager une réflexion à plus long terme autour de la question des services publics…
.. Ensemble, nous revendiquons une réelle péréquation financière, garante d’une société solidaire et non d’une société marchande. C’est la condition indispensable pour envisager de façon sereine l’avenir de notre département ».
Creusois, et pourquoi pas Limousins, nous pouvons tous rejoindre et signer ce manifeste pour entreprendre un large débat sur l’invention de services publics pour vivre, se former et travailler sur nos territoires ruraux fragiles.
Alain Carof